Dr. Olivier Chambon : la survivance de la conscience après la mort est évidente

Happinez :  Comment êtes-vous passé d’une psychologie classique à une psychothérapie spirituelle ?

Olivier Chambon : Le passage s’est fait « en douceur », par des états de conscience élargis qui me sont arrivés spontanément lors de ma formation en EMDR (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires) puis en hypnose. L’initiation au chamanisme, puis la découverte des substances psychédéliques ont renforcé ma nouvelle trajectoire. Et depuis, le yoga, la méditation et le chi kong entretiennent cette ouverture au spirituel. Mais c’est surtout la perception intuitive des champs de Conscience nous entourant tous au quotidien qui nourrit mon lien avec l’Esprit.

Happinez : Qu’est-ce qu’un état modifié de conscience et quelle est son utilité dans le cadre d’une thérapie ?

Olivier Chambon : Je n’utilise pas les termes « état modifié de conscience » mais « état élargi de conscience ». En effet, dans la vie quotidienne nous sommes toujours en état modifié de conscience, plus précisément en état rétréci de conscience. Une différence essentielle est à souligner entre la grande Conscience, ou Conscience-Source, et la petite conscience, celle qui est présente en chaque être. La Conscience (avec un C majuscule) est ce qui initie et oriente la création de la matière et donc des corps. Ceux-ci portent en eux une étincelle de la Conscience, une version limitée et réduite d’elle. C’est la petite conscience (avec un c minuscule), qui s’identifie avec ses limites, ses formes, qui est même souvent « hypnotisée » par elles, et peut en oublier progressivement sa nature profonde, ses racines toujours présentes dans la matrice de la Conscience. Quand je dis « moi, je… » je parle à partir de ma conscience individuelle. Un état élargi de conscience est juste le recouvrement partiel de notre véritable nature, soit une partie de la Conscience originelle qui s’est incarnée dans la matière. C’est une reconnexion à beaucoup plus grand que notre « petit moi », marquant la reprise de contact avec des champs d’information, des énergies, des esprits et des ressources qui nous manquent dans notre état rétréci de conscience habituel. Quand je commence à me dire « je me sens un avec le Tout », c’est ma conscience qui est en train de se reconnecter avec un plus grand débit à la Conscience originelle.

Happinez : La survivance de notre conscience après la mort physique vous semble désormais évidente. Quels arguments scientifiques vous ont-ils convaincu ?

Oui, la survivance de la conscience après la mort est évidente et appuyée par les recherches scientifiques de ces 45 dernières années portant sur les « expériences périmortelles ». Il s’agit d’expériences survenant juste avant, pendant, et après la mort. On les appelle respectivement, NDA (Near Deah Awareness, état de conscience accrue à l’approche de la mort), NDE (Near Death Experiences, Expériences de Mort Imminente) et ADC (After Death Communications, expériences de contact avec les défunts, spontanées ou induites par des médiums ou par communication trans-instrumentale). Tous les faits de ces recherches convergent pour appuyer à 99% (laissons juste, scientifiquement, un petit 1% de doute) l’hypothèse que la conscience individuelle est indépendante du cerveau et survit donc à la mort de celui-ci.

Happinez : Quelle est la place de la matière dans l’univers ?

La matière est secondaire, la Conscience est première. La matière est le résultat d’une intention de la Conscience. Le développement des branches les plus avancées de la science (physique quantique, astrophysique, cosmologie) semble nous indiquer que l’Univers est un grand champ primordial de Conscience intelligent et intentionné, une matrice source. De celle-ci émergent de l’information et de l’énergie et ce sont elles qui mettent en forme (in-forment) la matière à partir du « vide quantique », ce champ initial de tous les possibles où la matière pré-existe en attente d’une réduction du paquet d’ondes de probabilités par la Conscience. La matière est, pour la Conscience, pour notre âme, comme les briques de Lego pour en enfant : un terrain de jeu qui permet de créer des choses, apparemment « en dehors de nous », qui procure des expériences développant encore plus la Conscience. C’est la toile d’expression pour l’artiste-peintre de la Conscience.

Happinez : D’après les expériences que vous avez pu vivre ou les témoignages que vous avez pu recueillir : que se passe-t-il après la mort ?  

Olivier Chambon : Les témoignages des personnes ayant vécu une expérience de mort imminente et les récits des défunts sur le moment de leur mort nous ont appris plusieurs choses. Voici quelques constantes. Premièrement l’âme, les corps subtils, se détachent du corps physique. Puis l’âme voyage à travers divers passages possibles (dont le fameux « tunnel ») pour rejoindre l’au-delà. Elle y est accueillie par l’âme de défunts proches, par des entités spirituelles et au bout d’un moment fait face à une première « revue de vie » (il y en aura d’autres au cours de son évolution ultérieure dans l’au-delà) où elle prend conscience de toutes les occasions de sa vie terrestre où elle a su ou n’a pas su aimer. Ensuite il y a de nombreux niveaux dans l’au-delà dans lesquels elle peut résider. Par « résonnance » elle va se trouver dans le niveau qui va lui aller le mieux pour poursuivre sa quête de conscience et elle évoluera progressivement vers des niveaux sans forme, sans limite, sans identification à un personnage, pour finalement fusionner dans le Tout, l’infini de la Conscience pure… Avant que de nouvelles formes ne se créent et qu’un nouveau cycle commence.

Happinez : Quelle est d’après vous le sens de notre présence sur terre ?

Olivier Chambon : Apprendre à s’aimer, aimer, redécouvrir que nous sommes avant tout des êtres de conscience, des frères et sœurs de la grande Conscience, que « moi c’est toi et toi c’est moi » : tout cela dans le but de développer et d’incarner avec jubilation les qualités de la Conscience, qui sont empathie, compassion, altruisme, tendresse, générosité, solidarité, joie (en fait des facettes de l’Amour-Lumière que représente la Conscience). Il est important de participer à la création d’un monde conscient sur Terre, car c’est aussi la tâche que nous continuerons à mener, en tant qu’âme désincarnée, dans les mondes de l’au-delà. Tout cela, au final, pour enrichir la Conscience de nouvelles informations sur elle-même.

 

Propos recueillis par Aubry François

© Greg Rakozy/Unsplash

 

 

 

Dr. David Hamilton : notre esprit et notre corps sont profondément liés

Happinez : Pourquoi avez-vous quitté l’industrie pharmaceutique ? 

David Hamilton : Pour écrire des livres, éduquer les gens sur la manière dont notre esprit et nos émotions influencent notre santé et expliquer comment nous pouvons utiliser notre cerveau pour améliorer notre état d’être.

C’est en étudiant l’effet placebo, qui m’a permis de mieux appréhender la connexion entre le corps et l’esprit, que j’ai enfin eu la motivation de quitter mon travail. J’étais fasciné par le nombre de personnes qui allaient mieux après avoir pris un placebo dans le cadre d’une étude clinique. Mes collègues avaient tendance à nier cet aspect, en décrétant qu’il ne s’agissait « que de l’effet placebo ». Ils disaient des choses comme « Leur état ne s’est pas amélioré. Ils pensent qu’il s’est amélioré. » Mais leurs suppositions étaient fausses.

Des études récentes ont démontré que dans certaines maladies, la biochimie de la personne prenant un placebo se modifie d’une manière qui reflète le médicament qu’elle croit avoir absorbé. Son état de santé s’améliore car sa croyance a modifié sa propre biochimie. Par exemple, quand une personne utilise un placebo pour soulager sa douleur, mais pense qu’il s’agit d’un véritable analgésique, son cerveau produit ses propres substances antidouleurs (on les appelle les opiacés endogènes, les versions cérébrales de la morphine). D’après une autre étude, lorsqu’un patient atteint de la maladie de Parkinson reçoit la piqûre d’un placebo en imaginant qu’il s’agit du médicament, son cerveau produit de la dopamine, car il croit que la piqûre contient un remède contre la maladie.

Mais je me suis aussi intéressé aux effets de la visualisation et de la méditation sur le cerveau et le corps humain. Quand j’ai eu suffisamment d’informations et mieux compris comment les croyances, mais aussi les émotions positives, pouvaient avoir un pouvoir de guérison, j’ai démissionné.

 

Happinez : Comment le corps et l’esprit sont-ils reliés ?

David Hamilton : Ils le sont de plusieurs manières. Comme je l’ai dit plus haut, l’effet placebo révèle que nos croyances modifient la chimie de notre cerveau. Par ailleurs, ce dernier se transforme physiquement lorsque nous pensons ou imaginons quelque chose de manière répétée. On appelle cela la « neuroplasticité ». Des études ont montré que lorsque nous visualisons quelque chose, par exemple un geste de la main, des modifications physiques se produisent dans notre cerveau. Elles peuvent néanmoins concerner le nombre de connexions d’une zone spécifique et sont plus ou moins importantes en fonction du degré de visualisation.

Des chercheurs de l’université d’Harvard ont comparé les cerveaux de personnes qui jouaient une simple série de notes de piano deux heures par jour pendant cinq jours d’affilée, avec les cerveaux de gens qui imaginaient la même chose pendant la même durée. À la fin des cinq jours, les cerveaux des personnes qui avaient joué les notes et les cerveaux de celles qui s’étaient imaginées en train de les jouer avaient subi des modifications dans les mêmes zones et ces modifications étaient tout aussi importantes dans les deux groupes. Le cerveau n’avait pas fait de distinction entre une personne qui avait vraiment joué les notes et une personne qui s’était figurée en train de jouer. Dans le cerveau, le réel et l’imaginaire sont souvent traités de la même manière.

C’est quelque chose qui a déjà été confirmé par le passé avec le stress (le cerveau libère les mêmes hormones lors d’une situation de stress que lorsqu’on se souvient d’une situation stressante, ou qu’on l’imagine), les sentiments de bienveillance et de compassion, certaines fonctions du système immunitaire, et même le fait de manger (si vous imaginez avoir mangé, vous pourrez convaincre votre cerveau que vous avez mangé, et donc, contrôler votre appétit même s’il vous réclame plus de nourriture).

L’idée selon laquelle le cerveau ne sait pas toujours faire la différence entre le réel et l’imaginaire a été exploitée avec succès pour aider les patients victimes de crises cardiaques à récupérer plus rapidement. Au cours de plusieurs études, des personnes se sont vues demander de visualiser chaque jour leurs membres affectés en train de bouger. Un mois plus tard, les patients qui avaient eu recours à la technique de visualisation avaient retrouvé une meilleure mobilité que les autres malades. Cette technique est désormais très répandue auprès des athlètes professionnels ou des sportifs amateurs qui souhaitent améliorer leurs performances.

De manière plus simple, le corps et l’esprit sont reliés à travers le stress. Quand une personne se sent angoissée, ce sentiment provoque la libération d’hormones du stress (comme le cortisol ou l’adrénaline). On sait que ces hormones font augmenter la pression artérielle et qu’elles sont libérées à cause des émotions d’un individu. Au contraire, lorsque nous agissons avec bienveillance, les sentiments que nous ressentons (et cette impression d’élévation) libèrent l’hormone appelée ocytocine. Outre ses fonctions reproductives, cette hormone influence le système cardiovasculaire. Elle permet de réduire la pression artérielle, facilite la digestion, et améliore la cicatrisation. Ainsi, le sentiment de stress augmente la pression artérielle tandis que les émotions associées à la bienveillance le font diminuer. En vérité, la bienveillance génère de nombreux effets physiologiques qui sont à l’opposé du stress (j’ai évoqué ces effets dans mes livres The Five Side Effects of Kindness et The Little Book of Kindness, non encore traduits en français).

Parmi les autres éléments qui relient le corps et l’esprit, nous pouvons citer le nerf vague, qui fait partie du système nerveux autonome. On le surnomme souvent le nerf « soignant » car son activité est liée aux sentiments de sollicitude et de compassion. En effet, de nombreuses études ont mis en évidence l’augmentation de l’activité du nerf vague (nommée tonus vagal) quand une personne pratique la méditation tibétaine de compassion. Nous pouvons donc affirmer que ce sentiment influence le système nerveux. L’un des effets secondaires de cette pratique est la réduction de l’inflammation, car le nerf vague contrôle ce que nous appelons le « réflexe inflammatoire ». Les recherches ont dévoilé que lorsque le tonus vagal augmente, l’inflammation a tendance à diminuer. Certains scientifiques ont même observé une réduction de l’inflammation après six semaines chez les personnes pratiquant chaque jour la méditation tibétaine. On estime qu’une pratique quotidienne augmente l’activité du nerf vague, provoquant ainsi une diminution de l’inflammation.

 

Happinez : Comment développons-nous des systèmes de croyances et comment pouvons-nous faire évoluer ces systèmes s’ils affectent notre bien-être ?

David Hamilton : Nos systèmes de croyances découlent de notre manière d’interpréter les choses. Une personne qui a subi des maltraitances pendant son enfance pourra être amenée à croire que les gens sont fondamentalement mauvais. Même si quelqu’un fait preuve de gentillesse envers elle, elle sera convaincue qu’il a un mobile non-avoué.

Pour changer ces systèmes, il faut d’abord prendre conscience que nos croyances affectent notre manière d’interpréter les circonstances d’un événement, ou les paroles et les actions d’une personne. Une fois que nous avons compris cela, il faut constamment se rappeler « Ce que je pense être la vérité n’est pas la réalité ; c’est une croyance sur la réalité ». 

Cela peut nous permettre de nous extraire petit à petit des croyances négatives qui nuisent à notre épanouissement.

 

Happinez : Quels sont vos conseils pour améliorer notre état de santé général ? 

David Hamilton : J’ai plusieurs suggestions à apporter. Pour commencer, faites preuve de bienveillance le plus souvent possible. Pas seulement dans les actions physiques que vous allez accomplir, mais aussi dans votre manière d’appréhender les autres, de leur parler, et d’interagir avec eux (je pense aussi aux animaux). Le stress est la cause, ou l’accélérateur, de nombreuses maladies modernes, tandis que la bienveillance est son contraire physiologique. Celle-ci n’est pas seulement l’attitude la plus juste, elle est également la plus saine, car elle neutralise le stress.

Deuxièmement, j’aimerais conseiller aux gens de cultiver une attitude positive. Les études ont démontré que cela nous rendait plus heureux et plus résistant à la dépression, tout en renforçant notre système cardiovasculaire. Et si nous adoptons une autre attitude vis-à-vis de la vieillesse, c’est-à-dire, si nous regardons le fait de vieillir comme un processus positif au lieu de nous focaliser sur les choses que nous ne pouvons plus faire, nous vivons plus longtemps. Une étude menée sur 1 000 participants de plus de 65 ans a souligné que les personnes qui faisaient ce choix voyaient leur durée de vie augmenter en moyenne de 7,5 années par rapport aux autres.

Je suggérerais aussi de s’exercer à la gratitude. Des chercheurs ont demandé à des personnes de noter chaque jour entre 5 et 10 choses pour lesquelles elles étaient reconnaissantes et ils ont découvert que cela les rendait plus heureuses.

Pour garder un esprit apaisé, ce qui est très sain car cela réduit le stress, je préconise une pratique quotidienne de la méditation. Les recherches ont prouvé que cela augmentait l’épaisseur (et donc la performance) de certaines parties clés du cerveau, comme la zone située au-dessus des yeux (surnommée le cortex préfrontal), qui nous aide à nous sentir plus positifs, à nous concentrer, et à mieux contrôler les pensées qui nous traversent l’esprit.

En dehors des éléments que je viens de citer, je recommande aussi d’adopter un régime équilibré. Un très grand nombre d’études récentes ont montré que les aliments complets, et les régimes à base de plantes, étaient excellents pour la santé. Ils renforcent notre système digestif, qui est lié au système immunitaire, et améliorent le microbiome intestinal. Et pour couronner le tout, ce type de régime est également bénéfique pour la planète !

Vous pourrez en apprendre davantage sur la relation entre le corps et l’esprit dans l’ouvrage intitulé Guérir grâce au pouvoir de l’esprit (éditions AdA).

 

Propos recueillis par Aubry François

 

 

Un périple à vélo pour sensibiliser au ramassage des déchets

Tandis que l’été dernier, elles roulaient sous le soleil pour soutenir l’association WomenSafe qui prend en charge les femmes victimes de violences, les deux amies ont été choquées par le nombre de détritus jonchant souvent les bords de route. Pour rappel, 200 kg de déchets se déversent chaque seconde dans nos océans quand seulement 20% environ de nos déchets sont recyclés. Sans compter ce 7ème continent d’1,6 millions de km2 dont la surface plastifiée ne cesse de croître dans le Pacifique.

Touchées par cette cause qui participe du plus grand défi auquel l’humanité doit dès à présent se confronter, Lucie et Amandine repartent sur les routes pour aider l’association Les Mains dans le Sable (située dans 4 départements : Finistère, Morbihan, Vendée et Charente-Maritime), qui organise des nettoyages de plage mensuels et sensibilise à la nécessite de réduire nos déchets à la source. Elle comptabilise, en 5 ans, 36 tonnes de déchets ramassés.

Amandine et Lucie ont aussi lancé une page de collecte de dons afin d’aider au fonctionnement de cette structure qui ne touche aucune subvention et dont tous les membres sont bénévoles.

Outre le partage de nombreuses informations et astuces zéro déchet sur leurs réseaux sociaux, les deux amies organisent cette année deux événements sur le terrain : un pédalage commun avec les sympathisants de l’association sur leur étape vendéenne de 100 km, ainsi qu’un nettoyage de plage à Saint-Brévin-Les-Pins, le mercredi 14 août de 8 h 45 à 10 h, avant le départ de leur étape.

Pour suivre leur aventure et les soutenir :

– Facebook : www.facebook.com/thebreakawaychallenge

– Instagram : www.instagram.com/thebreakawaychallenge/

– Cagnotte (ouverte jusqu’au 1er septembre) : www.helloasso.com/associations/les-mains-dans-le-sable/collectes/the-breakaway-challenge

© Quentin Girard

 

Dr. Elizabeth Blackburn, prix Nobel de médecine : vivre plus longtemps en bonne santé

Happinez : Comment en êtes-vous arrivée, dans les années 80, à étudier les télomères et de quoi s’agit-il exactement ?   

Elizabeth Blackburn : Ma carrière a commencé avec un organisme unicellulaire appelé Tetrahymena. Cet organisme, que l’on nomme aussi “créature des mares” a été pour moi l’opportunité d’étudier le mystère fondamental qui m’intéressait tant : ces paquets d’ADN dans nos cellules que l’on nomme les chromosomes. En réalité, je m’intéressais à l’extrémité des chromosomes, les télomères. On pensait à l’époque que les télomères protégeaient l’extrémité des chromosomes pendant la division cellulaire. Mais moi, je voulais connaître le but réel des télomères, et pour cela, il allait m’en falloir un paquet. C’est alors que mon petit Tetrahymena est entré en jeu. Il possède plein de petits chromosomes linéaires, environ 20 000. Donc un tas de télomères. J’ai alors découvert que les télomères constituent un segment spécifique porteur d’ADN non-codant à l’extrémité des chromosomes. Il faut le voir comme le morceau de plastique qui se trouve aux bouts de vos lacets. Il protège le lacet, ou le chromosome, pour éviter qu’il ne s’effrite.

 

Happinez : Pourquoi les télomères raccourcissent-ils avec le temps et quelles sont les conséquences de ce phénomène ?

Elizabeth Blackburn : Les télomères raccourcissent avec le temps pour deux raisons. La première est que les cellules, durant leur division, doivent réaliser une copie complète de tous leurs gènes sans pouvoir recopier les extrémités mêmes de l’ADN chromosomique. La seconde est que même lorsque les cellules ne se divisent pas, l’ADN situé au bout des chromosomes peut parfois être endommagé. Il est en fait très sensible aux atteintes dues à l’oxydation et une partie des télomères va donc se briser et se détacher. Cela se produit de manière assez inévitable et les conséquences sont les suivantes : si une cellule dont les télomères sont trop courts est détectée, elle détecte elle-même qu’il y a eu un dommage à l’extrémité du chromosome et envoie beaucoup de signaux qui vont empêcher les cellules de se répliquer, entraînant même une interruption de leur fonctionnement. En aval, chez les humains, il peut se traduire par toutes sortes de choses comme le diabète, les maladies cardiaques et même certains types de démences. Face à ce raccourcissement qui peut se produire rapidement, les cellules ont créé des mécanismes de défense en développant notamment la télomérase, qui reconsolide l’ADN.

 

Happinez : Pourriez-vous nous en dire plus sur cette enzyme nommée télomérase que vous avez découverte ?

Elizabeth Blackburn : Revenons-en à la créature des mares, Tetrahymena. Dans son cas, ses cellules ne vieillissent pas, ni ne meurent. Ses télomères ne sont pas raccourcis par le passage du temps. Ils peuvent même parfois s’allonger. Il y a autre chose qui entre en jeu, quelque chose qui ne se trouve pas dans les manuels scolaires. Au laboratoire, quand je travaillais avec mon étudiante Carol Greider, nous avons lancé une série d’expériences et nous avons découvert quelque chose dans ces cellules. Elles possèdent une enzyme inédite, qui permet la reconstitution et l’allongement des télomères et que l’on appelle la télomérase. Lorsque nous avons retiré la télomérase de notre créature de mares, ses télomères ont rapetissé et ont fini par mourir. C’est donc grâce à la richesse de sa télomérase que notre créature des mares a le pouvoir de ne pas vieillir.

 

Happinez :  Le but de ces recherches sur la télomérase est-il de vivre plus longtemps, voire d’accéder, in fine, à une forme d’immortalité ?

Elizabeth Blackburn : Notre recherche n’a certainement pas pour objectif d’atteindre l’immortalité mais plutôt celui d’augmenter la durée de vie en bonne santé. Au-delà du raccourcissement des télomères, nous savons que d’autres procédures entrent en jeu dans le corps humain qui rendent les personnes malades et réduisent leur durée de vie. Il nous est possible de faire croître des cellules dans le cadre très artificiel du laboratoire, celles-ci pouvant effectivement continuer à se multiplier s’il leur est fourni un supplément de télomérase. Mais ce qu’il se passe dans notre organisme est beaucoup plus complexe. Ce que nous savons maintenant avec certitude, c’est que maintenir la télomérase dans les meilleures conditions possibles constitue un facteur pouvant diminuer la probabilité ou les chances de développer une maladie grave comme celles que nous avons évoquées plus haut. La durée de vie des humains étant déterminée par de nombreux facteurs qui ne sont pas encore franchement bien compris à l’heure actuellement, nous savons donc maintenant que nous devons garder cette partie du processus de vieillissement aussi saine que possible. Quel est l’intérêt de vivre 100 ans si vous êtes en mauvaise santé la moitié de votre vie ? Le maintient des télomères et celui de la santé sont étroitement liés.

 

Happinez : Peut-on contrôler la longueur de nos télomères afin d’améliorer notre santé et notre bien-être sans augmenter les risques de développer un cancer ? 

Elizabeth Blackburn : Malheureusement, ou plutôt fort heureusement, il n’existe aucun médicament qui augmente de façon sûre l’activité de la télomérase chez l’homme car nos cellules courent toujours un risque de devenir cancéreuses, processus que la télomérase facilite.

Nous savons donc qu’augmenter la télomérase n’est pas une bonne solution. Mais il en existe d’autres qui ne coûtent rien et qui peuvent favoriser la préservation des télomères : faire de l’exercice, bien dormir, trouver le moyen de faire face le mieux possible aux situations stressantes ou encore pouvoir compter sur un réseau de personnes qui nous soutiennent dans la vie. Bien entendu, toutes ces propositions doivent se compléter car l’une d’entre elles ne changera pas nécessairement la donne.

Il y a les décisions que chacun peut prendre, et d’autres que nous pouvons tous prendre en tant que société, comme par exemple le fait de financer des programmes de santé spécifiques aux femmes enceintes. Cela nous semble évident, mais les grossesses ne se passent pas toujours aussi bien qu’on le pense. Nous avons vu que les mères qui vivent une grossesse chargée de stress ou qui avaient été privées d’une alimentation saine ou suffisante donnaient naissance à des bébés aux télomères plus courts que ceux des mères ayant eu la possibilité de bien se nourrir et d’éviter les situations stressantes.

Les situations sociales de violence, ou par exemple une vie dans des quartiers ne donnant pas accès à une bonne nutrition ou à des espaces verts, ont des effets aggravants sur les télomères, comme on le voit aux États-Unis. Nous devons donc assumer notre responsabilité individuelle autant que nous le pouvons afin de produire des conséquences positives sur les politiques sociales, sur la politique et sur l’économie en général.

 

Propos recueillis par Nathalie Cohen et Aubry François

 

 

 

Les clés de la cohérence cœur corps esprit

Happinez : De quelles parties notre être est-il constitué ?

Thi Bich Doan : Cette question est intéressante car elle offre plusieurs réponses et ouvre à d’autres questionnements. Notre être est un mystère vivant et infini que nous ne pouvons appréhender que partiellement, car nous sommes par nature limités par notre entendement et nos sens. Nous ne pouvons évoquer que ce que nous pouvons comprendre intellectuellement ou ressentir physiquement. De plus, définir notre être en plusieurs parties est une convention, autant le fait de le séparer en parties que le choix de ce que sont ces parties.

Je peux répondre que l’être est constitué d’un corps qui ressent par ses fonctions sensitives et d’un esprit qui pense grâce à ses facultés conceptuelles, le corps et l’esprit étant indissociables. Je peux ajouter au corps et à l’esprit la dimension invisible mais centrale du cœur (c’est aussi la dimension de l’âme) qui, outre sa capacité à aimer, a la faculté de nous ouvrir à l’intangible et à ce qui n’est pas accessible par les cinq sens ou la pensée. On retrouve ce schéma tripartite âme/corps/esprit ou cœur/corps/esprit dans des traditions spirituelles. Pour tout un chacun, c’est une manière de se souvenir que nous fonctionnons de concert avec nos pensées (l’esprit mental), nos émotions (le cœur vibrant) et nos sensations (le corps physique).

Prenons d’autres exemples de répartition. Un anatomiste vous expliquera que l’être est constitué d’organes dont le cerveau, de tissus physiologiques, de fluides, de cellules, de molécules, etc. Un enfant vous dessinera une tête, des yeux, un nez, une bouche, un tronc, des bras, des mains, des jambes. Un énergéticien ou un spirituel vous parlera des différents corps subtils de l’être (liés à nos sept chakras ou centres énergétiques) dont le rayonnement s’étend autour du corps physique. Toutes ces manières de décrire les parties qui constituent l’être dépendent de notre niveau de conscience, de nos croyances culturelles, de nos besoins, des connaissances théoriques, des transmissions pratiques, etc. On pourrait même imaginer que notre être est constitué de deux parties : l’intérieur de notre corps et tout ce qui se trouve à l’extérieur. L’extérieur serait le miroir de l’intérieur et vice-versa, nous montrant par nos aventures quotidiennes que tout est relié à tout. C’est ce que les enseignements bouddhistes appellent l’inter-être. On retrouve cette notion d’interconnexion et d’intrication dans les concepts quantiques où, à l’échelle de l’infiniment petit, notre univers est un océan vibratoire d’informations énergétiques et fréquentielles. Cette réalité de l’inter-être, à savoir que chacun de nous influe sur les autres et inversement, peut nous aider à agir en étant plus responsables.

Nous faisons exister chacune de nos parties et chacune de nos parties nous représente. Nous sommes une partie de l’univers et nous pouvons extrapoler que notre être représente l’univers tout entier. Quelles que soient les parties que nous choisissons pour définir notre être, l’essentiel est que ces parties cohabitent et interagissent de manière cohérente.

 

Happinez : Comment définiriez-vous la cohérence ?

Thi Bich Doan : Je vais l’illustrer par l’image de l’enfant qui commence à faire du vélo. Au départ, il ne tient pas sur son vélo car ses bras, ses pieds, sa tête, etc. ne sont pas coordonnés. Il ne sait pas comment faire, il a peut-être peur, il penche d’un côté ou de l’autre, quelqu’un doit éventuellement l’aider à rester droit. Chaque partie de son corps et de son esprit doit d’abord apprendre à maîtriser son rôle : la jambe droite et la jambe gauche qui appuient en alternance sur les pédales, les mains qui tiennent le guidon, le corps qui reste sur la selle, le regard qui voit la direction d’arrivée, etc. Les parties doivent être coordonnées entre elles, dans l’espace et dans le temps, et l’ensemble doit amener au même endroit. À un moment donné, l’enfant va trouver une unité globale, ses émotions et ses pensées vont se calmer, les mouvements de chaque partie de son corps vont se compléter mutuellement pour qu’il reste en équilibre en roulant. Dès lors, il sait faire du vélo et il n’oubliera pas.

La cohérence est ce qui me permet de me sentir en unité et en harmonie avec moi-même et avec mon environnement, de rester naturellement en bonne santé, de réfléchir avec lucidité et discernement, d’agir avec spontanéité et fluidité. Ma cohérence intérieure découle de l’intégration de toutes mes facettes, qu’elles soient positives, négatives ou neutres. Mes composantes positives, mes qualités et mes forces sont les bienvenues car elles me mettent à l’aise et me valorisent. Mes composantes négatives, mes défauts et mes faiblesses, sont également à prendre en compte car si je les ignore, elles agiront à mon insu et pourront m’entraver. Pour cela, je traverse avec le plus de sincérité possible les émotions perturbatrices qu’elles génèrent, pour pouvoir ensuite me concentrer sur leur énergie neutre. Cela revient à ressentir leur vibration avant que je ne les interprète mentalement et qu’elles me déstabilisent du fait que je leur ai octroyé le pouvoir de me définir. Quant aux composantes neutres, je les observe car il peut s’agir de qualités dormantes que je peux utiliser utilement ou de blocages sous-jacents qui doivent être dissous.

Cette définition de la cohérence m’est personnelle, même si elle rejoint la définition du dictionnaire “d’une liaison, d’un rapport étroit d’idées qui s’accordent entre elles, d’une logique interne”. La définition officielle parle d’une “absence de contradiction dans l’enchaînement des parties d’un tout”, alors que pour moi, la cohérence est une qualité de présence, un processus actif d’acceptation et d’intégration sans jugement de toutes les contradictions existantes. Je pense aussi que chacun a sa propre cohérence. Ma définition de la cohérence est évolutive et inclusive, avec une logique non linéaire ; je l’enrichis ou je l’épure au gré de ce que je vis. Je me sers des définitions générales et des concepts élaborés par des experts, par exemple la cohérence cardiaque, pour confirmer mon expérience. La cohérence cardiaque est “un état d’équilibre physiologique, physique, mental et émotionnel qui entraîne un recentrage, un ressourcement et un renforcement de chacun de ces domaines”. Cet état particulier et inné du fonctionnement humain est induit notamment par des pratiques respiratoires simples, d’où la technique maintenant connue de la cohérence cardiaque.

Plus généralement, le principe de cohérence est la base de la santé physique et psychique, et la maladie découle d’une incohérence du corps ou de l’esprit qui ne parviennent plus à s’adapter et à gérer les distorsions. Je veille à ma santé, et je constate que ma cohérence se construit, s’actualise et s’approfondit au fur et à mesure que je me rapproche de qui je suis vraiment. Plus je deviens ce que je suis, moins j’ai besoin de support extérieur pour me définir. Je suis alors moins influencée par la pression et les injonctions de la société. En même temps, me connaissant mieux, je peux apporter une contribution utile et appropriée au monde qui m’entoure. J’ai déjà pu vérifier que ma cohérence intérieure me met en cohérence avec ce qui m’arrive et les personnes que je rencontre. La cohérence est donc une attitude et une vibration qui apportent de la justesse, de l’ouverture et de l’équilibre dans les relations. Je me sens plus solide, plus forte, plus confiante et plus sereine lorsque je suis cohérente. C’est une cohérence globale de l’être, que j’ai appelé – pour des raisons de simplicité et de pragmatisme, et pour rester en concordance avec mes travaux scientifiques – la cohérence cœur/corps/esprit.

 

Happinez : Pourriez-vous partager avec nous 3 clés pratiques de la cohérence cœur/corps/esprit ?

Thi Bich Doan : Les 33 clés pratiques que j’ai proposées dans le livre de La cohérence cœur/corps/esprit ne sont pas une méthode ou des recettes établies une fois pour toutes, car je considère que chacun est le mieux placé pour trouver les siennes par lui-même. Ces clés sont des invitations, des raccourcis, des portes d’entrée, des astuces vers sa propre cohérence. Le lecteur doit piocher par-ci par-là des mots et des idées, se les approprier pour ensuite définir à son tour et sans effort ses propres clés pratiques. Je les vois comme un mouvement de vie et de compréhension pour retrouver la tranquillité et la clarté de sa cohérence globale. Cette cohérence globale de l’être nous amène naturellement vers le miracle ordinaire de notre intelligence innée universelle, un trésor à découvrir et à faire fructifier dans notre quotidien.

Les clés Esprit s’adressent à notre tête et pointent notre tendance parfois lassante à réfléchir sans cesse, à vouloir saisir intellectuellement, à accumuler des savoirs. Leur objectif est de comprendre et dépasser ce tumulte conceptuel pour aller vers l’écoute profonde du centre silencieux de l’être. L’une des clés Esprit s’appelle « Avoir confiance en son expérience ». Le contexte explicatif est la constatation subjective qu’avoir confiance en son expérience n’est pas une décision volontaire, mais plutôt « une transformation naturelle » qui découle de la traversée en conscience de ce que la vie nous propose au quotidien. Le petit grain de science présente des études scientifiques autour des « perceptions-actions sensorimotrices » qui m’ont montré que certains chercheurs considèrent le processus perceptif comme une action d’adaptation qui apporte des connaissances non pas par un biais intellectuel, mais directement par la sensorialité et le mouvement corporel. La suggestion d’application pratique est d’ « harmoniser le rationnel et le sensible », pour vérifier que le dialogue entre notre raison logique et notre sensibilité intuitive peut être fructueux pour valider et consolider ce que nous expérimentons. L’exercice Élan créatif est de « laisser l’autre main nous guider », en écrivant ou en dessinant de la main non directrice, pour accepter la lenteur et la maladresse et se laisser surprendre par un résultat imprévu émanant d’une part moins connue de soi. L’astuce perso est la possibilité assumée de « se tromper », attitude salutaire puisque la peur d’échouer est particulièrement inhibitrice : « Quand je me trompe, cela me fait réussir quelque chose que je n’osais pas rater. Accepter de me tromper, c’est un excellent moyen que j’ai trouvé pour avoir confiance en moi ».

Les clés Corps reconnaissent l’intelligence innée du corps pour capter les informations de manière plus juste et plus directe. Par l’accent mis sur la respiration et le ressenti, constamment présents dans le corps, nous revenons dans l’instant présent, source de tous les possibles. Une clé Corps concerne « L’alchimie intérieure », suite à une anecdote étonnante que j’ai vécue lors d’une marche de huit heures pour grimper jusqu’à la cime d’un volcan sacré à Bali. Après avoir vécu un épuisement et des douleurs physiques que je pensais ne pas pouvoir surmonter, la récitation d’un mantra m’a redonné un second souffle, transformant ma fatigue et ma faiblesse en une énergie phénoménale et régénératrice. Avoir pu « transmuter l’irréalisable » en lâchant les plaintes du mental m’a ouvert les yeux sur les capacités insoupçonnées du corps. L’attention portée pendant cette escalade à la formidable machine qu’est le corps avec ses multiples composantes m’a permis de comprendre cette « unité au pluriel » de l’intelligence collective, en l’occurrence ici celle de mes cellules et de mes organes qui savent parfaitement ce qu’ils ont à faire pour me maintenir en vie et en bonne santé. Serions-nous « tous visionnaires », si nous pouvions décoder les messages de notre inconscient (qui gère quand même 80% des fonctions de notre cerveau et de notre corps), et si nous savions accéder à ces capacités perceptives décuplées lors d’états de conscience élargie comme la transe ou la méditation profonde ?

Les clés Cœur sont des élans poétiques et créatifs pour nous ouvrir, tant à nous-mêmes qu’à autrui et au monde. Une clé Cœur invite à découvrir « les ressources de l’ombre ». Accepter notre part d’ombre d’abord nous rebute, puis nous consolide. Non seulement nous n’avons plus rien à perdre, ce qui diminue nos peurs, mais rassembler tout ce qui nous constitue nous rend complets et plus puissants. Nous sommes constitués de nos défauts et de nos qualités, dont la polarité positive ou négative est relative. « Oser être soi renforce ». La véritable force n’a pas besoin de se montrer, restant souvent dans une « discrète authenticité » qui n’a besoin ni d’exposer sa lumière ni de dissimuler son ombre. L’ombre et la lumière apparaissent et disparaissent comme la nuit et le jour se succèdent. La vie ne serait-elle pas un phénomène d’ « alternance possible-impossible », l’impossible n’étant en fin de compte qu’un possible en devenir ? L’exercice proposé pour identifier et accepter sa part d’ombre est celui du « miroir critique ». Il est très facile de critiquer une personne qui nous irrite. Laissons alors libre cours à nos jugements et lorsque nous sommes apaisés, retournons en miroir ces jugements vers nous-mêmes pour identifier ce qui en nous a été touché et heurté. Nous avons alors l’occasion idéale de dissoudre nos manques et nos blocages égotiques, qui fondront comme neige au soleil si nous les plaçons sous le projecteur chaleureux de notre pleine conscience.

 

Happinez : Parlez-nous un peu de votre activité…

Thi Bich Doan : Mon activité consiste à accompagner et guider les personnes qui le souhaitent vers une meilleure connaissance de soi et un élargissement de leur champ de conscience et de perception. Mon accompagnement se fait sous forme d’ateliers collectifs (pratiques, transmissions d’outils et d’exercices) et de séances individuelles (coaching et soins holistiques de rééquilibrage). L’objectif est de libérer les blocages au niveau émotionnel, mental, physique, énergétique, spirituel, vibratoire, informationnel, et de parvenir à une cohérence de toutes ces dimensions de l’être. La libération et la cohérence facilitent et amplifient l’autorégulation psychophysiologique du corps et de l’esprit. J’axe une grande partie de mon travail sur la conscience corporelle subtile (pour lequel j’utilise la méditation, le tai chi et autres arts martiaux) qui est une porte d’entrée privilégiée et sans faux-fuyant, du fait de sa justesse et de sa profondeur d’action. Le corps ne ment pas et stocke, jusqu’au niveau invisible des énergies et des fréquences vibratoires, tous les événements vécus. La libération des mémoires douloureuses se fait par une réconciliation à tous les niveaux de l’être, du plus tangible au plus caché. Ces niveaux sont interconnectés et interagissent, mais chaque niveau ou dimension vibre à certaines fréquences vibratoires et répond donc à des lois différentes. C’est en modulant mon degré de conscience par l’attention fine (qui semble agir sur mon taux vibratoire) qu’une transformation (qui n’est pas de l’ordre de ma volonté) peut avoir lieu sur telle ou telle dimension de l’être. Ma présence consciente et mon écoute intuitive créent par résonance un espace de disponibilité pour les personnes accompagnées. Celles-ci peuvent alors se rendre disponibles à elles-mêmes pour recontacter leurs ressources véritables et élaborer leurs propres moyens pour se recentrer, s’aligner et s’épanouir dans leur vie personnelle et professionnelle.

 

Pour en savoir plus : www.coachingcoeur.com

 

Propos recueillis par Aubry François

Portrait © Y-Lan

 

 

 

 

 

 

 

Des ateliers de développement personnel pour les enfants

Happinez : Que peut apporter aux enfants la découverte du livre Mes Moments Magiques ? Et à leurs parents ?

Juliette Siozac : J’ai à cœur de transmettre aux enfants des outils bien-être ludiques, faciles à effectuer, rapides à intégrer, qui font du bien en profondeur, et pour longtemps. J’ai envie qu’en ayant ce livre entre leurs mains, les enfants apprennent à prendre soin d’eux, et se sentent autonomes dans cette démarche. Prendre soin de soi, c’est prendre le temps de jouer, c’est se nourrir convenablement, soigner son sommeil, se défouler, accueillir ses émotions, se respecter et respecter les autres… Prendre soin de soi, c’est s’aimer tel que l’on est. Les parents peuvent, au choix, laisser leur enfant expérimenter à sa guise les ressources proposées ou bien le guider voire pratiquer avec lui certains rituels.

Happinez : Qu’est-ce qu’un rendez-vous magique ?

Juliette Siozac : Un rendez-vous magique est un doux moment à apprécier, en tête-à-tête avec « soi-m’aime ». Chaque rendez-vous propose 5 rituels bien-être sur une durée d’environ 14 minutes. Le premier, « mon étoile émotionnelle » est un temps de centrage sur soi où l’enfant est invité à répondre à la question suivante : comment est-ce je me sens, ici et maintenant ? Nommés « clés magiques argent et or », les rituels 2 et 3 sont issus d’une large palette d’activités : yoga, dessin, respiration, gratitude, automassage, défoulement, partage. Le quatrième moment magique, « bulle d’envol » constitue un rituel de clôture et un temps d’éveil ludique et guidé à la méditation. Enfin, j’ai conçu le cinquième moment magique, « sortie de cabane », comme un rituel bonus qui amène l’enfant à quitter sa « zone de confort » – en vocabulaire adulte.

Happinez : Ce livre est la continuité logique de vos ateliers Mon Moment Magique. Pouvez-vous les présenter ?

Chaque atelier Mon Moment Magique met en avant une thématique (les émotions, la confiance en soi, l’amitié…). Plusieurs pratiques bien-être sont explorées, reliées par le thème du jour : automassage, cercle de parole, yoga, jeu, relaxation… L’originalité du concept se fonde sur cet enchaînement de rituels. Ceux-ci ont été soigneusement choisis pour répondre aux besoins spécifiques des enfants qui repartent des ateliers avec des outils bien-être ludiques, à utiliser dans leur vie de tous les jours. Les ateliers Mon Moment Magique sont animés par une communauté de 350 ambassadrices et ambassadeurs, en France et dans 14 autres pays. 6 formats d’ateliers existent (minis, juniors, ados, en duo, au féminin, après la classe).

Pour en savoir plus : www.monmomentmagique.com

 

Propos recueillis par Aubry François

© Senjuti Kundu/Unsplash

 

 

Le pouvoir de l’écriture

Happinez : Quel est, selon vous, le pouvoir de l’écriture ?

Tout d’abord, l’écriture est une pratique à la portée de tous. L’enjeu me semble plutôt du côté de la traduction des émotions. Si vous avez appris à toujours réguler vos émotions en compagnie d’autrui, il sera intéressant de prendre du temps pour vous avec un stylo et une feuille de papier pour vous rendre compte que vous vous sentez bien accompagné, juste en votre seule présence. L’écriture a un pouvoir différent de celui de la parole orale. Le double bénéfice apporté est l’apaisement des émotions et l’élaboration d’une pensée nouvelle. L’écriture permet d’analyser, de faire la synthèse et de nous préparer à l’action.

Happinez : Écrire, oui, mais pour soi ou pour les autres ?

Quand le matin, nous nous habillons, nous réalisons une double opération, celle de nous vêtir en lien avec notre humeur du jour et celle de préparer la rencontre avec autrui. Avant d’entrer en communication avec les autres, nous nous assurons d’être satisfaits de notre apparence. Pour l’écriture, c’est un peu la même chose. Il s’agit avant tout de dialoguer avec soi-même pour être en capacité de créer une relation avec le lecteur. Tant que nous sommes encombrés par nos pensées parasites, l’écriture de soi s’impose. Quand nous sommes prêts à lâcher notre ego pour faire plaisir, inventer, alors nous nous rapprochons d’autrui. Nous avons fait un pas de côté pour nous adresser à quelqu’un. L’écriture de soi permet de mettre en relief les épreuves à surmonter, les situations à anticiper en produisant une expertise immédiate. L’écriture pour les autres, c’est bon pour mettre en beauté ce qui n’était pas vraiment glamour au départ. On peut magnifier la réalité, la sublimer en fabriquant des poèmes ou en racontant des histoires dans lesquelles des personnages naissent, pour devenir légitimes. Quand on transmet par une publication officielle, un cycle se produit à l’issue duquel on est dépossédé de l’intention première. Il y a alors autant de textes que de lecteurs.

Happinez : Auriez-vous quelques petits exercices pour commencer à écrire ?

Commencez par chercher l’émotion dans les plis du quotidien. « Il y un p’tit truc qui est resté coincé depuis 24 h » ou encore « aujourd’hui j’ai réussi à… ». Je vous conseillerais aussi de commencer vos phrases de façon systématique pour les terminer par votre contenu. Exemple, vous commencez par « En ce moment je suis… » ou « j’ai… » et vous déclinez toutes vos réponses en mode inventaire. À la fin, c’est une collection d’états d’âmes qui sont utiles pour faire le point. Ensuite, vous verrez qu’en écrivant vos ressentis, il y aura des vérités prêtes à surgir. Elles seront bonnes à prendre car ce sont les vôtres et elles feront loi. Puis, amusez-vous à transformer ces vérités par des engagements. Votre parole prendra de la valeur. Une authentique valeur ajoutée.

 

Pour en savoir plus : https://www.michellebrigand.com/

 

Propos recueillis par Aubry François

© Álvaro Serrano/Unsplash

 

 

La force de se relever

Happinez : Quelle est la particularité des huit destins que vous présentez dans votre livre ? 

Catherine Siguret : Aucun parcours ne ressemble à l’autre parce qu’ils ont été touchés par une épreuve à des âges différents, d’ordre différent, eux-mêmes ou un proche, avec une personnalité différente. Pourtant, on est surpris de leur état d’esprit commun, notamment leur confiance en l’être humain, leur obstination, leur capacité à se raccrocher à la moindre joie. Laurent et Sophie lâchent la proie d’un métier assuré pour l’ombre d’un projet inédit d’institut de beauté pour corps abîmés ; Elodie et Louis frappent à toutes les portes pour obtenir des subventions et, ex-cadres, deviennent artisans tous corps de métier pour réduire le budget investi ; Cécile puise son courage dans les progrès de sa fille (atteinte d’infirmité motrice cérébrale), infinitésimaux au début. Ils ne se démobilisent jamais, irradiés par l’espoir.

 

Happinez : D’après vous, quel moteur a permis à ces individus de s’extraire d’une zone d’ombre personnelle pour choisir une voie lumineuse utile à tous ? 

Catherine Siguret : À un stade donné du marasme personnel, variable selon les individus, il n’y a pas trente-six solutions : soit on se laisse couler, et il n’y a pas de fond (jusqu’à la dépression, la désocialisation, le suicide), soit on invente quelque chose qui va nous extraire, non du problème parfois incurable, mais de nous-même. L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est notre propre nombril ! Un peu plus d’amour pour autrui, un peu moins de narcissisme, une capacité à être conscients que nous ne sommes qu’un grain de sable dans la mer de sable de l’humanité, voilà leur secret. J’aurais tendance à appeler leur moteur l’intelligence, tout… bêtement !

 

Happinez : Vous avez écouté de nombreuses personnes vous raconter leur incroyable aventure de vie. Quel message pourriez-vous adresser à tous ceux qui vivent actuellement des épreuves qu’ils croient insurmontables ? 

Catherine Siguret : Lire le livre, évidemment, et plus généralement l’histoire des autres, les écouter, faire parler autour de soi, y compris son boulanger, son voisin de café ou d’embouteillage. Rien de tel que le brassage des vies pour comprendre que nous ne sommes jamais seuls avec le pire drame, que d’autres ont eu le leur et peuvent nous donner des clés. Les autres aident à transformer la réalité en une action qui la dépasse, la fait regarder autrement. Le pire drame du monde, c’est le ressassement de soi, et la plus grande joie, c’est le mélange aux autres. C’est ce qui explique qu’il y a des gens très malheureux à qui il n’est rien arrivé, et d’autres très lumineux qui ont enduré le pire. On ne peut pas s’en rendre compte si l’on ne communique pas.

 

Propos recueillis par Aubry François

Photo © Nine Köpfer/Unsplash

Portrait © Didier Ben Loulou

 

 

 

Martin Aylward : méditer, c’est avant tout vivre dans son corps

Happinez : Quelle est la place du corps dans la pratique de la méditation et, plus largement, dans une existence spirituelle ?

Martin Aylward : Une pratique spirituelle vraiment incarnée consiste essentiellement à transformer notre relation avec le corps humain et la compréhension que nous en avons. Au début, nous considérons ce corps comme une chose, un morceau de chair vivant, mais à mesure que nous apprenons à nous adapter à notre expérience corporelle directe et intime, nous nous familiarisons de plus en plus avec la vie du corps en tant que champ d’une grande sensibilité. Nous commençons également à voir à quel point nous créons et portons des tensions inutiles et douloureuses qui génèrent du stress et de l’inconfort, et qui influencent ensuite notre état d’esprit. Nous apprenons à repérer, à explorer et à relâcher ces tensions. Nous découvrons comment vivre librement et à l’aise dans notre corps d’humain.

 

Happinez : Qu’est-ce qui pousse sans arrêt l’humain à l’extérieur de lui-même ?

Martin Aylward : Nos organes sensoriels – en particulier les dominants – se tournent principalement vers l’extérieur : nous percevons à travers nos yeux, dirigés vers l’avant, et nos oreilles, ouvertes sur le dehors, un monde fascinant, séduisant et parfois menaçant qui semble se déployer autour de nous. Ainsi, nous apprenons à nous orienter dans cet univers et à le parcourir à la recherche de plaisirs et de signes de danger. C’est une étape normale et parfaitement saine de notre développement évolutif, mais ce n’est que la première partie de la vraie compréhension de l’expérience. Car nous ignorons, en fait, que ce monde est perçu de manière « interne », vu et entendu là, dans notre conscience.

La pratique contemplative véritablement transformatrice est celle qui nous apprend à partager une intimité durable avec notre expérience, à explorer le monde là où il se manifeste, mais toujours en conscience. Ce voyage intérieur apporte une compréhension surprenante et libératrice, que nous pouvons tous connaître si nous apprenons à demeurer à l’intérieur de notre expérience. C’est précisément ce dont parle mon livre.

 

Happinez : À quelle étape de votre parcours de vie avez-vous compris l’importance du corps dans tout processus d’éveil ?

Martin Aylward : Nous pensons généralement que la méditation est une sorte d’exercice mental, mais mes propres enseignants m’ont toujours bien démontré que notre pratique est là où nous sommes, dans notre vie incarnée. Un ancien et célèbre maître bouddhiste de Thaïlande a résumé l’ensemble de son enseignement ainsi : « Ne laissez jamais votre esprit quitter votre corps » ou autrement dit ne te quitte pas !

Quand on demandait à mon premier maître, Ajahn Buddhadasa, un autre Thaïlandais, comment il voyait le monde, il le décrivait comme « perdu dans ses pensées ». Et c’est ainsi que j’ai commencé à pratiquer la méditation, comme la plupart d’entre nous. J’étais perdue dans mes pensées habituelles, mes pensées réactives, mes pensées gourmandes, mes pensées craintives et mes pensées douteuses. La méditation m’a montré le moyen de m’en sortir. Penser est une capacité merveilleusement utile, mais nous perdre en elle nous tire aussi vers chaque désir, peur ou distraction qui se présente. L’éveil de notre conscience sensorielle, de notre sensibilité à l’expérience immédiate de l’ici et maintenant constitue un soutien majeur pour trouver un peu d’espace autour de notre activité mentale qui devient, sinon, hors de contrôle.

 

Happinez : Dans votre livre, vous évoquez les limites de la posture d’“observateur” que l’on est amené à adopter à travers les techniques de mindfullness (ou pleine conscience)…

Martin Aylward : Quand nous parlons de “regarder le souffle”, d’“observer le corps”, ou lorsque nous nous disons “conscient” d’une expérience, nous renforçons le sentiment d’être en dehors de ce qui se passe. Dans la position de l’observateur ou de “celui qui est conscient”, nous restons séparés de notre expérience. Je préfère utiliser un langage sensoriel : “rentrer dans” l’expérience, “reconnaître l’expérience à l’intérieur de” ou “être intime avec”, ce qui se déroule. Cette description de notre relation à la méditation est également beaucoup plus proche de celle des textes originaux de la tradition bouddhiste. Au lieu de regarder ou d’observer votre expérience, ressentez-la profondément. Entrez dans l’immédiateté et dans l’intimité de ce qui se passe. C’est contre-intuitif, mais vous y trouverez plus d’espace qu’en essayant de vous en éloigner. Vous pouvez être complément dans une expérience, sans vous y identifier pour autant.

 

Happinez : Auriez-vous un exercice facile pour nous aider à réintégrer notre corps de la façon la plus consciente possible ?

Martin Aylward : Vous pouvez faire de nombreux exercices simples. Il y en a beaucoup dans mon livre, ou sur mon application de méditation, Mind-App.io. Vous pouvez utiliser une méditation formelle, en position assise, ou debout, vous concentrer sur le souffle ou sur d’autres sensations corporelles.

Mais quel que soit l’exercice que vous choisissez, l’important est de vous engager, de le pratiquer régulièrement et sincèrement. Si vous faites ainsi, vous remarquerez la différence. Vous pouvez apprendre à être réellement à l’aise au milieu de votre expérience – peu importe sans nature – et remarquer rapidement le moment où vous commencez à créer de la tension et du drame, pour lâcher prise. Engagez-vous et transformez votre vie.

Vous pourriez commencer, par exemple, par la présence dans le souffle : Asseyez-vous de manière détendue mais néanmoins droite. Alerte et à l’aise. Sentez le mouvement de votre respiration, l’expansion qui apparaît à l’inspiration et la relaxation qui est la nature de l’expiration. Pratiquez ceci pendant 5-10 minutes au moins. Chaque fois que votre attention est attirée par une abstraction – image, idée ou interprétation de ce qui se passe – revenez doucement au ressenti direct de votre corps respirant. Cet exercice simple est un excellent moyen de s’initier à la pratique de la méditation.

 

Propos recueillis par Aubry François

Photo © Graphic Node/Unsplash

 

Retrouvez aussi les paroles inspirées de Martin Aylward dans le n°43 du magazine HAPPINEZ, chez les marchands de journaux depuis le 24 juillet.

 

De la guérison inexpliquée au miracle

Happinez : Qu’est-il arrivé à Sœur Bernadette Moriau, en juillet 2008 ?

Patrick Theillier : Sœur Bernadette Moriau, qui souffrait énormément depuis 40 ans, a guéri subitement, 2 jours après s’être rendue à Lourdes. Sa lombosciatique, qui s’était déclarée à l’âge de 28 ans, s’était aggravée, petit à petit, malgré les traitements médicaux puis chirurgicaux. Elle s’était retrouvée paralysée, victime de troubles sphinctériens, forcée de prendre de la morphine depuis 14 ans, de porter une attelle aux jambes et un corset afin de pouvoir se tenir assise sans trop de douleurs. Elle était donc invalide à 100%, à titre définitif. Venue à Lourdes pour prier pour les autres, elle a vécu très intensément la procession eucharistique où l’on bénit les malades, mais il ne s’est rien passé de particulier sur le moment. C’est deux jours plus tard, dans la chapelle de sa congrégation, qu’elle a entendu une voix intérieure lui dire « Lâche tout, abandonne tes attelles et ton corset. » Arrêtant aussi complètement et brutalement la morphine, sans symptômes particuliers, elle a pu faire dès le lendemain 5 kilomètres de marche à pied dans la forêt. Sœur Bernadette a mis cette guérison sur le compte de son pèlerinage et de l’intercession de Notre-Dame-de-Lourdes et en a parlé à son médecin avant de me téléphoner, quelques mois plus tard, pour me raconter son histoire. Face à cette étonnante guérison, il m’a semblé important d’aller plus loin en vue de l’authentifier. Cela s’est fait progressivement, en passant par divers stades, jusqu’à ce que le comité médical international de Lourdes, dont je fais partie aujourd’hui et qui comprend des chefs de cliniques des hôpitaux du monde entier, admette que cette guérison n’avait pas d’explications scientifiques dans l’état actuel de nos connaissances. Puis le dossier a été envoyé au diocèse de l’Oise et c’est l’évêque qui a décidé de faire une reconnaissance canonique définitive du miracle.

Happinez : Selon quels critères l’Église a-t-elle validé ce miracle ?

Patrick Theillier : Selon quatre critères très précis qui existent depuis le XVIIIème siècle où le cardinal Prospère Lambertini, futur Benoît XIV, les a définis. Premièrement, il est impératif que la personne souffre d’une maladie grave, physique, connue et répertoriée par la médecine. Ensuite, aucun traitement pouvant expliquer la guérison ne doit bien entendu être utilisé. Troisième critère : il faut que la guérison soit soudaine, subite, instantanée et sans convalescence. Enfin, celle-ci est obligatoirement complète et durable. Il ne s’agit pas d’une simple rémission.

Mais l’Église prend aussi en compte les fruits spirituels qui découlent d’un tel événement. Car une guérison miraculeuse est plus qu’une guérison. Des guérisons inexpliquées, il en existe en médecine, des cas particuliers le montrent bien. On pronostique par exemple six mois de vie à une personne pour un cancer du pancréas et cette dernière vit plus longtemps sans que l’on sache pourquoi. On est encore loin de tout connaître du fonctionnement de l’être humain. Mais la différence des miraculés, c’est que leur guérison les touche profondément. Il y a un avant et un après. Ils ont la conscience aiguë qu’il s’est passé quelque chose de surnaturel et vivent le passage de Dieu dans leur vie. Parce que le miracle, par définition, c’est ça : un événement extraordinaire qui touche la personne dans tout son être – physique, psychique et spirituel.

Happinez : Comment parvenez-vous, en tant que médecin catholique, à réunir sans contradictions la science et la religion ?

Patrick Theillier : J’y arrive sans problème parce que je pense que la science sans la religion a ses limites, elle ne peut pas tout expliquer, les plus grands scientifiques eux-mêmes le reconnaissent. Mais la foi, sans la raison, risquerait aussi, à l’inverse, de tomber dans l’illuminisme. S’il faut distinguer la science, qui s’occupe avant tout du comment, de la religion, qui s’emploie à répondre au pourquoi et à donner du sens aux événements, la foi et la raison ne sont pas du tout à opposer. Elles ont besoin l’une de l’autre. J’ai été très marqué par une encyclique de Jean-Paul II intitulée Fides et ratio où il disait : « La foi et la raison sont les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever jusqu’à la contemplation de la vérité ». Et le miracle est une vérité. C’est plus qu’un fait ordinaire qui doit être étudié par les médecins, puis, secondairement, par le spirituel.

Happinez : Un critère différencierait-il les personnes vivant un miracle, des autres ?

Patrick Theillier : Durant ce qu’on appelle une régression spontanée, la personne n’a aucune conscience de ce qui se passe et le médecin lui-même n’y comprend rien. Le phénomène les dépasse. Tandis que lors d’une guérison miraculeuse, le sujet sait avec exactitude ce qui lui est arrivé, qu’à un moment précis de son existence, il a vécu quelque chose de très fort, une révélation. Cela peut très bien arriver à des personnes qui ne sont pas catholiques. Certaines m’ont confié avoir découvert un véritable « Dieu d’amour » qui prenait soin d’elles.

Happinez : La guérison miraculeuse provient-elle, selon vous, d’une force extérieure à la personne ou d’une force qu’elle possède déjà en elle ?

Patrick Theillier : Pour moi, la personne humaine, dans une anthropologie que je dirais réaliste, est à la fois corps et psychisme mais possède aussi une âme intérieure, ouverte au spirituel. La partie la plus profonde de notre âme, que l’on pourrait nommer « esprit », peut avoir une action très forte sur celle-ci ainsi que sur notre corps. Prenons l’exemple des mystiques : j’en connais quand même quelques-uns de près qui vivent des phénomènes inexplicables par la médecine, comme la lévitation. À Pau même, où j’habite, beaucoup de témoins ont vu sœur Mariam, au XIXème siècle, s’élever au sommet de tilleuls de 35 mètres de hauts. Bernadette Soubirous, à Lourdes, a quant à elle posé sa main sur une flamme sans qu’elle ne brûle, durant son extase. Cette force vient à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Par nous-même, nous sommes incapables d’utiliser aussi facilement cet esprit qui est nous. Cela nécessite l’expérience ou l’approfondissement spirituel très intense des mystiques qui peuvent être les sujets de phénomènes provenant de l’esprit mais qu’ils ne cherchent pas à produire. Le cas des guérisons miraculeuses a pour origine, je crois, une décision suprême. Les miraculés n’ont pas pensé, cinq minutes avant, qu’ils allaient guérir. Ça leur tombe dessus. Je pense à Jean-Pierre Bély, que j’ai bien connu, qui était grabataire depuis 16 ans, invalide à 100% et qui tout d’un coup s’est mis debout. Il disait souvent « pourquoi moi ? ».  Et ils le disent tous. En tant que médecin, j’essaie de comprendre, d’expliquer ce qui a bien pu se passer, mais je dois bien constater qu’un phénomène d’origine surnaturelle est à l’œuvre. En tant que chrétien, je pense que la puissance de Dieu peut agir sur l’âme spirituelle de quelqu’un et aller jusqu’à la guérison complète du corps.

 

Propos recueillis par Aubry François

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