Vivre simplement, en harmonie avec soi, la nature et les autres

Happinez : Êtes-vous l’un de ces explorateurs qui affrontent les éléments pour en ressortir grandi ?

Ismaël Khelifa : Non. Je n’ai rien contre ceux qui ont besoin d’aller s’éprouver ainsi dans la nature sauvage, d’aller se dépasser. Mais ce n’est pas ma démarche. Je me définirais déjà comme un voyageur plutôt qu’un explorateur. Il y a derrière ce mot la notion de découverte, l’image du drapeau que l’on plante sur un territoire inconnu, et cela n’est ni ma motivation, ni ma réalité. Je suis également gêné par l’idée d’affronter les éléments. Je crois que cette vision d’un homme seul (c’est tout de même un monde éminemment masculin) face à la nature, a aujourd’hui quelque chose d’éculé. Voire d’un peu ringard ! Au contraire, je pense que nous avons besoin, non pas d’affronter la nature, mais de faire corps avec elle, de marcher à ses côtés, de raconter à quel point elle rend heureux, de célébrer sa beauté. La pensée conquérante a contribué à dominer le vivant, avec les destructions que nous connaissons aujourd’hui. À mon niveau, j’appelle plutôt à reconstruire un lien entre notre Terre-mère et chacun de nous. Et je pense que dans ce monde souvent inégalitaire, où nous avons pour beaucoup été éduqués à la performance, à la compétition, à la concurrence jusqu’à la notation des uns par les autres, le lien que nous devons rebâtir avec la nature ressemble pour beaucoup au lien que nous devons reconstruire entre êtres humains. Plutôt qu’à l’affrontement, je crois donc à la collaboration.

 

Happinez : Comment s’est développé votre lien avec la nature, jusqu’à y consacrer votre métier ?

Ismaël Khelifa : Grâce à ce livre, j’ai pu réfléchir profondément à cela. Et je pense pouvoir dire que j’ai été perfusé par la nature dès mon plus jeune âge. J’ai passé une bonne partie de mon enfance dans un petit village rural, au cœur des montagnes de Haute-Savoie, Villy-le-Bouveret. J’y faisais de longues balades à vélo, j’y inventais des histoires. La nature était la principale distraction et j’ai aimé cette simplicité. C’est tout bête, mais il est selon moi essentiel de rappeler, à notre époque, qu’il n’y a rien de plus beau ni de plus grisant ou de plus formateur pour un enfant que de jouer dehors. Aucun écran n’a la force évocatrice et créative d’une cabane secrète construite dans un arbre. Petit, je me sentais donc bien dans ce décor, où j’ai vécu mes premières émotions avec la nature. Ensuite, la vie professionnelle a voulu que je me coupe de tout cela. Pour les gens de ma génération – je suis né en 1979 – la ville, les grandes mégalopoles, représentent la modernité, la réussite, la réalisation de soi. Je pense que nous sommes nombreux aujourd’hui à remettre en question ce modèle. Tous les matins, quand je vivais à Paris, j’avais en tête des images de cette nature, un manque, comme une petite flamme qui brillait encore et me rendait nostalgique. Par chance, j’ai décidé de l’écouter, cette petite flamme, de partir marcher, voyager, arpenter les sentiers de randonnées en France ou ailleurs tout en revenant chez moi, me reconnecter à ma vie urbaine. Ensuite, il a fallu trouver un équilibre entre la grande ville et la nature. Je pense désormais avoir trouvé mon équilibre – un pied dans chacun de ces univers. Ce n’est pas facile, ça exige beaucoup de réflexions, d’efforts, de logistique et de prises de risques. Mais c’est aussi magique ! Et je pense que trouver cet équilibre est une question qui taraude beaucoup d’entre nous à notre époque. Dans mon livre, j’ai donc voulu mettre en avant des gens qui ont réussi cela. Comment font-ils ? Quelles sont leurs valeurs ? Leurs espoirs ? Les difficultés à surmonter et les joies qui en découlent ?

 

Happinez : Quelles valeurs la nature nous enseigne-t-elle ?

Ismaël Khelifa : D’abord, elle nous enseigne la beauté, l’euphorie née de la contemplation. Un coucher de soleil qu’on va admirer après une ascension, un chamois qui surgit en haut d’une falaise, ou, pour ceux qui ont la chance de voyager, une baleine qui saute à l’horizon… Qu’y a-t-il de plus beau ? La nature, c’est la joie ! Ensuite, elle nous apprend une forme d’humilité. Il faut accepter de ne pas passer à certains endroits, de devoir faire des détours, de s’incliner face au vent, à la pluie, à la neige qui empêche une sortie. Elle nous pousse au silence, à une juste utilisation des ressources dont on dispose : plus le sac est léger, plus la randonnée est aisée. Impossible d’emmener, donc, des choses inutiles ! Je trouve également que marcher avec des amis, sa famille, un groupe, pousse à la solidarité. Je raconte dans mon livre que j’ai un peu le vertige et que sans mon épouse, Alice, il y a certains passages que je n’aurais jamais osé franchir lors de nos treks au long cours. Et puis, il y a la déconnexion avec le monde digital. On marche, ici et maintenant. On renoue avec la terre, nos mains, nos sens. On se sent entier et pleinement vivant. Enfin, l’effort physique autorise des plaisirs simples et gratuits. Un bon sandwich en haut de la montagne… C’est juste le bonheur !

 

Happinez : Qu’entendez-vous par « vie simple » ? Si vous deviez personnellement la décrire, quelle serait votre « vie simple » idéale ?

Ismaël Khelifa : Pour moi, la « vie simple » n’est pas une vie où l’on se tourne les pouces, soyons bien clairs ! Ce n’est pas non plus une vie en marge, mais une existence bel et bien connectée à notre époque où l’on tente de faire de son mieux pour vivre en lien avec la nature et avec l’autre. C’est d’abord une vie où on renoue avec des choses simples, avec des bonheurs accessibles, les petites joies qui façonnent les grands souvenirs. Où l’on apprend à apprécier ce qui nous entoure plutôt qu’à vouloir toujours accumuler, aller plus loin, plus haut, plus vite. Un peu comme le faisaient mes grands-parents dans leur petit village. C’est une vie où l’on redécouvre le bonheur d’être généreux, de se tourner vers ceux qui nous entourent. La réalisation de soi, d’accord. Mais au service du collectif. Cela ne veut pas dire qu’il faut tout plaquer pour créer une ONG en Afrique – pour caricaturer. Mais qu’on n’oublie jamais de faire un petit geste pour nos semblables. Cela fait tellement de bien ! C’est une vie où l’on remplace l’ambition à tout prix, la performance, par l’authenticité : essayer d’être soi-même plutôt que de cocher les cases de la réussite sociale. Je pense, une fois encore, que la collaboration est bien plus profitable que la concurrence. En ce qui me concerne, j’ai la chance d’éprouver cette « vie simple », par fragments. Il y a deux jours, je suis allé à la mer avec mon fils âgé de 14 mois et sa maman. Je le revois marcher dans l’eau, ses petits pieds dans le sable. La veille, nous avions fait une randonnée à la montagne Sainte-Victoire près d’Aix-en-Provence. Nous étions ensemble, en famille, dans le soleil couchant, au milieu de la nature, et franchement, nous n’avions besoin de rien d’autre !

 

Happinez : Y a-t-il une rencontre qui vous a particulièrement marqué sur le parcours que constitue ce livre ?

Ismaël Khelifa : Il est difficile de ressortir une rencontre en particulier. Mais je pense qu’un homme illustre bien mon propos. Il s’appelle Sidi et vit en Mauritanie. Je l’ai rencontré à l’occasion de mon premier voyage pour l’émission Échappées Belles. Sidi est un battant qui guide des touristes du monde entier dans le Sahara. Il habite ainsi sa vie, se construit en lien avec cette nature qu’il aime tant, fait tout pour être un papa présent et dévoué, conseille et donne de lui-même pour faire en sorte que les jeunes Mauritaniens puissent s’écrire un avenir. Il prête corps à ses rêves à force de travail, il vit avec son environnement qui emplit ses yeux de joie, il s’investit pour les siens et pour sa communauté, dans le partage. Et cela le rend heureux. En voilà un bel exemple de « vie simple ».

 

Propos recueillis par Aubry François

© Mohamed Nohassi / Unsplash

 

Et si la mort n’était qu’un passage ?

Happinez : Où prend source votre intérêt pour le sujet de la vie après la mort ?

Valérie Seguin : Plusieurs phénomènes paranormaux se sont produits juste avant et après le décès de mon père, il y cinq ans, et m’ont conduite à enquêter sur ce sujet. Je précise que je n’ai aucun don paranormal ou médiumnique et que je viens d’un monde très rationnel. Enfant, j’ai été élevée dans l’athéisme avec cette idée forte « il n’y a rien après la mort » et je baignais depuis 20 ans dans un univers professionnel totalement cartésien. Tout de suite, j’ai cherché à comprendre ces phénomènes et me suis alors intéressée aux expériences aux frontières de la mort, aux études scientifiques menées sur les NDE (Near Death Experiences) ou EMI, c’est-à-dire les personnes qui décèdent avant d’être ranimées. J’ai, en quelque sorte, « enquêté », interviewé des experts, puis témoigné de cette recherche et de ce que j’ai vécu dans le livre Les trois jours et demi après la mort de mon père (éditions Leduc.s Poche, août 2019). J’ai voulu également poursuivre avec un film afin de donner la parole à ces chercheurs convaincus que nous avons suffisamment de preuves pour déclarer qu’il existe une vie après la mort. C’est un vrai débat scientifique méconnu du grand public que nous avons présenté l’année dernière dans Et si la mort n’existait pas (+ de 1,4 millions de vues sur Youtube). Et si la mort n’était qu’un passage, deuxième épisode aujourd’hui disponible, apporte aux personnes angoissées par la mort les précieuses indications des expériences aux frontières de la mort pour nous préparer si, en effet, il existe une autre vie après la disparition de notre corps physique. Cela contribue à appréhender sereinement notre fin de vie.

 

Happinez :  Quel phénomène les personnels hospitaliers en soins palliatifs ont-ils souvent observé ?

Valérie Seguin : Ils ont constaté que de nombreuses personnes en fin de vie « voient » des proches précédemment décédés, quelques heures ou quelques jours avant de mourir. Seuls les mourants ont ces visions. Mon propre père m’a dit, la veille de son décès : « J’ai vu ma mère, là devant moi. Je suis sûr de ce que j’ai vu, je ne rêvais pas, je regardais les infos à la télévision et elle est apparue. » Sa mère était décédée depuis plus de vingt ans. Il n’a pas osé parler de cette vision au personnel soignant, de peur de passer pour un illuminé. Je me suis entretenue, par la suite, avec le chef de service de son unité de soins palliatifs, qui m’a dit : « C’est hyper fréquent, j’ai même des patients qui tendent la main pour tenter de toucher ce qu’ils voient. » Pourtant ce phénomène est peu connu et c’est dommage, mon père en a été extrêmement troublé, d’autant plus qu’il était farouchement athée, très fermé à l’idée d’une réalité autre que celle de notre vie terrestre. Ma grand-mère a aussi vécu ce phénomène juste avant son décès. Un jour que je lui rendais visite, elle m’a parlé de visions de ce genre alors qu’elle n’était pas mourante. Cela m’a interpelée puisque ces visions sont annonciatrices d’une fin très proche. Je suis retournée la voir le lendemain, de peur qu’elle décède rapidement. Ce fut le cas, elle est « partie » quelques heures après.

 

Happinez :  À votre avis, sera-t-il un jour possible de prouver scientifiquement la réalité de notre survivance post-mortem ?

Valérie Seguin : Oui, je le pense, notamment à travers la médiumnité, cette capacité à communiquer avec des défunts. Elle fait désormais l’objet d’études scientifiques. Aux États-Unis, le Windbridge Institute s’est spécialisé dans l’étude des médiums. Ils ont créé des protocoles pour éviter toute tricherie. Le médium ne rencontre jamais la personne qui vient consulter (elles sont dans des pièces différentes). On ne lui indique que le prénom du défunt et avec cette unique donnée, il doit fournir au minimum quatre ou cinq informations très précises : apparence physique du défunt, circonstances de la mort, activités professionnelles ou personnelles, personnalité, etc. Pour avoir assisté à plusieurs séances de médiumnité dans des salles de plus de 100 personnes, je reconnais que c’est très impressionnant. Certains médiums travaillent sans photo, ce sont les défunts des personnes présentes dans la salle qui viennent parler à leurs proches à travers le medium. J’espère que ces études se feront aussi en Europe, afin qu’on puisse avancer sérieusement sur ce sujet. La question de la vie après la mort est essentielle pour tout être humain.

 

Happinez :  S’il y avait une seule chose à faire pour bien se préparer à la mort, quelle serait-elle ?

Valérie Seguin : Accepter que sa vie prenne fin et être en paix avec ce que l’on a vécu. Cela signifie que l’on devrait réfléchir, bien avant notre départ, à la vie que l’on souhaite mener, à la personne qu’on a envie d’être et à ce qu’on a envie d’accomplir, afin de minimiser les regrets au seuil de la mort. Préparer son départ rend également les choses plus simples pour ceux qui restent. S’efforcer d’avoir des rapports apaisés avec notre entourage. Oser dire « je t’aime », « merci », exprimer ce qu’on a à transmettre. L’approche de la mort est aussi l’occasion de renouer certaines relations afin d’éventuellement demander pardon ou pardonner à quelqu’un. On peut aussi écrire une lettre ou des mots à ceux qui restent ; il est souvent plus facile d’écrire que de parler, notamment de ses sentiments. On peut demander l’aide d’une tierce personne pour aider à rédiger de tels textes. À la fin, c’est vraiment l’amour qu’on a donné et reçu qui compte !

 

Happinez :  Et après la mort, peut-on appréhender différemment le deuil ?

Valérie Seguin : Lorsqu’on vient de perdre quelqu’un, on a tendance à ne penser qu’à soi et à son chagrin. Si, en effet, la mort n’est qu’un passage vers une autre réalité, cela signifie que c’est aussi un bouleversement pour le défunt. Il doit accepter son nouvel état ainsi que sa séparation avec ses proches et tout ce qu’il laisse derrière lui sur Terre. Et d’après les contacts médiumniques, il semble que les proches vivants peuvent aider « l’âme » dans son nouveau monde. Nous serions énergétiquement liés à nos défunts et nous pouvons leur envoyer des pensées positives, des pensées d’amour afin de les aider à s’élever. Il y a un exemple concret dans le film Et si la mort n’était qu’un passage : lors de la séance de médiumnité publique, une mère défunte dit à sa fille par l’intermédiaire de la médium : « je t’aime, arrête de t’en vouloir, ça me retient ». Nos émotions négatives semblent avoir un impact sur nos défunts. En revanche, nos pensées d’amour seraient précieuses pour eux.

 

Propos recueillis par Aubry François

© Josh Hild / Unsplash

 

Une projection débat du film Et si la mort n’était qu’un passage est organisée, le dimanche 24 novembre, à 10h30, au cinéma Le Balzac (1, rue Balzac, Paris 8). Elle sera suivie d’un échange avec deux des intervenants du film : le cancérologue Patrick Boufette et la médium Dominique Vallée. Inscription obligatoire : www.weezevent.com/projection-film-et-si-la-mort-n-etait-qu-un-passage

Pour revoir le premier épisode :  https://youtu.be/HpsJ4o5C4Hg

 

 

 

 

 

 

Martin Aylward : « Le corps au cœur de la méditation » – conférence

Entre paroles inspirantes et pratique guidée, l’auteur du récent Ne te quitte pas (éditions Les Arènes), fondateur du Moulin de Chaves, de la communauté de méditation en ligne Worldwide Insight et de l’application Mind, vous amènera entre autres à comprendre pourquoi vous créez et portez des tensions inutiles et douloureuses, génératrices de stress et d’inconfort, qui influencent ensuite négativement votre état d’esprit.

Vous ferez une nouvelle expérience de vous-même afin d’installer plus de bien-être et de libération dans votre vie et, en développant le regard intérieur de la conscience, vous percevrez le monde d’une manière inédite.

Rendez-vous le lundi 24 février, au théâtre de l’Atelier, pour un nouveau moment de partage extraordinaire. Inscriptions : www.terre-etoiles.fr

© Garth Bowden

De la philo pour apprendre aux enfants à penser par eux-mêmes

Happinez : Pourquoi devrait-on enseigner la philosophie aux enfants?

Jordi Nomen : La philosophie pratique que je défends sert à susciter chez les enfants une pensée critique, créative et éthique, à les aider à mieux penser, à mieux agir.  Mais, définissons ce “mieux”.

La philosophie sert avant tout à faire travailler la pensée critique, même chez les enfants. La pensée critique est une pensée habile et responsable qui facilite le jugement.  C’est une vertu intellectuelle et de caractère. Intellectuelle car elle comprend les compétences nécessaires pour formuler des arguments et utiliser correctement le langage sans sous-estimer le contexte ou la réflexion avec les critères appropriés. Et de caractère, en tant qu’elle génère des attitudes stables et durables telles que l’empathie, l’honnêteté et l’humilité.

Si nous apprenons à penser par nous-même, nous trouverons les critères sur lesquels fonder les nouvelles étapes, intentions, causes, conséquences, circonstances, moyens, valeurs. Avec ces outils, nous allons prendre des décisions et analyser les succès et les erreurs, après avoir géré les émotions qui filtrent notre regard. Et finalement, nous allons comprendre que la liberté est davantage intérieure qu’extérieure. Ensuite, nous allons devoir assumer le fait que sommes des êtres responsables et que nos décisions nous façonnent. Une bonne raison pour travailler la philosophie avec les enfants… et avec tous le monde.

De la même manière que la philosophie chez les enfants peut éduquer le sens critique, elle peut également leur permettre d’élaborer leur échelle de valeurs d’une manière plus lucide et plus solide. Les questions de valeur seront présentées naturellement. Que peut-on considérer préférable ou plus important dans cette solution ou dans celle-la ?  Analyser le pour et le contre, la force des arguments cachés dans les jugements de valeur qu’ils peuvent émettre, ainsi que les fondements argumentatifs et leur cohérence, leur permettra de mieux choisir leurs valeurs et de les défendre. Ainsi, il est clair que partager des opinions et leur analyse commune nous permet d’apprendre l’empathie, le respect, la tolérance et de considérer la possibilité d’une erreur comme un lien précieux dans notre propre apprentissage. Sans surprise, Plutarque a établi que le cerveau n’est pas un verre à remplir, mais une lampe à éclairer.

La philosophie pour enfants établit également un apprentissage de la créativité, car la confrontation des idées nous oblige à donner des exemples, à rechercher des analogies qui rendent l’argument que nous voulons soutenir plus compréhensible. Bref, sortir de la zone de confort pour explorer la complexité et questionner ce qui vient à l’esprit sans aucune solidité ni cohérence. Nous devons choisir le langage et comprendre la réalité dans toutes ses nuances pour pouvoir choisir la meilleure façon de penser, d’agir.  Nous devons garder à l’esprit que personne n’a une conception absolument cohérente de la vie et du monde. Il y a des doutes, des questions qui apparaissent lorsqu’un problème survient et qui nous incitent à le résoudre. Et il n’y a pas un seul chemin non plus. Les itinéraires sont variés et il faut peser le pour et le contre. Malgré tout, la pensée créatrice sera un bon moyen de résoudre des problèmes et des conflits qui ne se sont pas encore posés et que nous ne pouvons pas deviner. Dans notre société de communication et d’information, nous n’aurons pas de difficultés pour accéder aux données, mais plutôt pour les combiner de manière nouvelle, créer des modèles différents pour résoudre divers dilemmes. La pensée créative permet à l’esprit de s’habituer à parcourir d’autres routes, autres que celles de d’habitude, et sert de moteur à de nouvelles idées que la pensée critique pourra ensuite évaluer. Elles se complètent. Et ainsi, il convient de se demander : voulons-nous des enfants et des étudiants critiques, créatifs, respectueux, libres ? Voulons-nous accompagner les enfants dans leur lutte pour grandir ?

Et que peut faire la philosophie, en somme, pour nos fils, nos filles et nos étudiants?  Peut-être que la philosophie élargit le monde des questions que la science n’atteint pas. La science demande comment préserver la santé, mais pas si la santé est la condition préalable de la joie, par exemple. La philosophie met en contact les grands et les petits, le fini avec l’infini, le cosmos et le chaos, le relatif avec l’absolu, dans une tension de la raison humaine qui l’aiguise et la perfectionne. En fin de compte, la philosophie est inutilement « utile », selon certains qui croient avoir toutes les réponses sans savoir que seul l’ignorant peut tout savoir, puisqu’il ne connaît pas l’ampleur de ce qu’il ignore. Rien à apprendre ! Peut-être devraient-ils invoquer Socrate qui déclarait qu’il ne savait pas grand chose et que le peu qu’il savait le concernait lui-même. Peut-être que la philosophie leur est peu utile en dehors des études, ou peut-être que les études sont peu utiles si la philosophie a disparu !

Tous les enfants se posent des questions fondamentales telles que « Qu’est-ce que le moi ? », « Pourquoi le monde existe-t-il ? », « Pourquoi devons-nous mourir ? » « Y a-t-il un destin ? »  Adultes, nous nous souvenons de la perplexité que ces questions ont généré en nous, à un moment ou à un autre, et de la véhémence avec laquelle les enfants nous demandent une réponse concluante que nous sommes d’ailleurs incapables de leur donner. Dans les jeux, les mythes et les questions, ils recherchent un guide qui les oriente dans la recherche du sens. Nos enfants doivent développer une réponse critique et créative aux défis que le monde actuel leur pose, dès leur plus jeune âge, mais ils doivent également construire une éthique qui prenne en compte la pluralité des valeurs existant dans le monde et qui facilite leur coexistence, c’est pourquoi nous devons également leur inculquer un troisième aspect de la pensée qui est la prudence. C’est cette pensée prudente qui se préoccupe de la correction de notre pensée du point de vue de nos valeurs et qui montre un engagement actif entre pensée, parole et action. Une réflexion attentive valorise et évalue, en accordant de l’importance à son contenu et en appliquant des jugements de valeur qui contiennent une forte composante émotionnelle. La pensée prudente est active, reconnaissante, normative, affective, empathique. Il y a des raisons qui ne sont pas des causes et les émotions ne sont pas simplement des impulsions physiologiques.  Pour décider ce que nous aimons et ce que nous n’aimons pas et pour réagir face à cela, il faut faire preuve de jugement, et nous comprenons par jugement le résultat d’une enquête menée par la pensée. Ce type de pensée établit ce qui vaut la peine d’être préservé et, pour autant, développe une empathie, la capacité d’essayer de se mettre à la place de l’autre personne, de penser comme elle pense, de se sentir comme elle se sent, d’essayer d’être plus juste en pensée et en réaction.

 

Happinez : Cela ne signifie-t-il pas que, d’une certaine manière, nous voulons faire d’eux des adultes plus tôt que prévu ?

Jordi Nomen : Lorsque je parle de l’enfant philosophe, je fais ici référence à la possibilité que, grâce à ces qualités indispensables à la croissance, une nouvelle vision soit stimulée chez lui, une autre fenêtre s’ouvre pour contempler le monde : le regard philosophique. D’après moi, nous devons éclairer ce bâtiment appelé connaissance avec autant de fenêtres que l’on peut ouvrir. L’enfant arrive au monde avec une curiosité insatiable et une admiration immense et fascinée par ce qu’il découvre. Ce sont deux qualités philosophiques. Ce n’est pas pour rien que nous sommes l’une des espèces qui maintiennent la plus longue « juvénilisation ».  Examinons d’autres espèces et constatons que les bases de la survie sont incorporées beaucoup plus rapidement que les nôtres. C’est l’instinct qui commande. Nous, les humains, nous devons apprendre la culture et nous trouvons, à la naissance, un monde déjà créé. Notre jeunesse doit être longue et pleine de nouvelles créations, de nouvelles réponses. C’est pour cette raison que nous intégrons d’abord la langue, puis l’écriture. Ce sont nos occasions de recréer le monde. Les enfants ont besoin de comprendre le monde, mais aussi de le changer. Il ne s’agit pas de les transformer en adultes à l’avance, mais de les faire grandir avec une perspective critique, créative et prudente.

 

Happinez : Qui était Matthew Lipman ?

Jordi Nomen : Matthew Lipman (1923-2010) était le philosophe et éducateur américain du programme Philosophy for Children. Ce projet vise à apporter de la philosophie aux enfants à travers une série de romans philosophiques, où garçons et filles de différents âges dialoguent autour de thèmes qui les surprennent dans leur vie quotidienne, à partir de leur propre admiration et de leur curiosité. C’est peut-être l’une des réussites les plus importantes du projet Lipman : placer les problèmes et les défis philosophiques dans le champ de la vie quotidienne des enfants et reconstruire l’approche adoptée par ces enfants pour y faire face.

Lipman, en réfléchissant sur ses expériences de professeur de philosophie auprès d’étudiants universitaires et dans le cadre des mouvements politiques survenus sur les campus universitaires américains dans les années 60 du siècle dernier, a conclu qu’il était nécessaire d’apprendre à penser de manière critique, poser des questions philosophiques et former des jugements raisonnables, et que tout cela devrait être réalisé à l’école. Sinon il était trop tard. Ses réflexions sur le besoin de faire de la philosophie avec des enfants l’ont amené, en 1969, à contacter la Fondation nationale des sciences humaines pour créer une lecture philosophique, sous forme d’un récit, destinée aux enfants de 11 ou 12 ans.

En 1971, pour évaluer la force du texte et les avantages que l’on pouvait tirer de la philosophie pour enfants, il demanda une bourse pour mener une étude d’un an avec des élèves de cinquième année du primaire (11 ou 12 ans) des écoles publiques de Montclair, New Jersey. L’évaluation des résultats a montré que les avantages de la philosophie se reflétaient dans tous les autres domaines de la connaissance.

En 1974, il créa, avec Ann Margaret Sharp, l’Institut pour l’avancement de la philosophie pour les enfants (IAPC).  Le Montclair State College a proposé d’établir le siège de l’IAPC sur son campus. De 1974 à 1980, tous deux se sont consacrés à la rédaction de plusieurs récits correspondant à différents niveaux et domaines, ainsi que de manuels à l’intention des enseignants, afin d’expliquer comment le projet devait être mis en œuvre. Chaque niveau comportait un domaine de philosophie différent : nature, langage, logique, éthique… Pour l’évaluer, ils ont reçu une subvention de la Fondation Rockefeller, le service de test pédagogique, qui, avec Lipman en tant que chercheur principal, a engagé près de cinq mille étudiants sur une période d’un an.

Évidemment, il fallait aussi préparer les enseignants  puisque mettre en œuvre le projet n’impliquait pas nécessairement une connaissance approfondie de la philosophie, mais plutôt une certaine manière de procéder et un profil de penseur philosophiquement actif. C’est pour cette raison que Lipman a commencé à proposer des séminaires d’une semaine dans des universités telles que Rutgers, Harvard, Yale, l’Illinois, Fordham et Michigan State. De plus, Lipman et Sharp ont écrit sur les fondements théoriques de la philosophie au niveau de l’école en publiant Grandir avec philosophie et Philosophie à l’école, en 1978. Philosophy for Children est devenu un mouvement dans tout le pays et des ateliers ont été organisés au sein de tous les États par l’intermédiaire du Réseau national de radiodiffusion du ministère de l’Éducation.  Le mouvement s’est également répandu dans le monde entier, avec des organisations locales et nationales dans plus de quarante pays et des associations régionales en Europe, en Amérique latine et en Océanie. Lipman a fondé le magazine Thinking, le Journal de philosophie pour enfants (1979), dont il était le directeur au tout début et faisait ensuite partie de son comité de rédaction. En Catalogne, sa tâche s’est poursuit avec les efforts du groupe Iref (Institut de recherche pour l’enseignement de la philosophie).  Matthew Lipman est donc le créateur du projet Philosophie 3/18.

 

Happinez : Quelle est l’importance des contes de fées dans l’enseignement de la philosophie aux enfants ?

Jordi Nomen : En racontant des histoires, nous dressons pour l’enfant un pont entre la réalité et le rêve, un chemin vers la fantaisie qui enrichira son processus de maturation et débutera par l’apprentissage d’un code moral et de vertus pouvant servir de point de départ à un adulte attentif aux soucis et questions. Si, en outre, nous ajoutons une réflexion profonde à ce qui a été lu, cela peut être une source de connaissances symboliques, sociales, historiques, géographiques et, pourquoi pas, philosophiques. En effet, de nombreux philosophes ont utilisé les histoires pour générer un apprentissage en profondeur, comme je l’évoque dans la deuxième partie du livre. Si cet adulte renforce, en outre, de manière consistante et cohérente l’apprentissage avec l’action de sa propre vie, l’enfant disposera d’un modèle précieux pour commencer à penser par lui-même.

La clé réside probablement dans la manière dont l’histoire est expliquée ou comment elle est lue. Faire des gestes, utiliser le regard, intégrer les images, lire à voix haute  – à la place de l’enfant au départ, puis conjointement quand il sait déjà lire – semblent constituer une étape facilitante pour développer ensuite le dialogue philosophique. Puis poser des questions à l’enfant : que va-t-il se passer selon toi ? Comment le conte va-t-il se terminer ? Que ferais-tu si tu étais le héros ? Aimerais-tu vivre dans cette histoire ? Il était une fois, dans un pays très lointain, un enfant qui lisait et qui pensait, qui pensait et lisait. J’espère que cela ne demeurera pas juste une histoire et deviendra réel.

 

Happinez :  Le bonheur est-il le but principal de la philosophie?

Jordi Nomen : À mon avis, il faut éviter de tomber dans le piège du bonheur. De nombreux essais et livres de développement personnel qui essaient de donner des recettes pour une vie heureuse ont été publiés ces derniers temps. La philosophie, savoir inquiet, questionne et critique mais ne garantit pas le bonheur. Ce n’est pas une clé qui vous permet d’ouvrir l’appartement et de l’habiter. C’est plutôt une école de lucidité, de critique et d’ironie. Le bonheur est toujours un idéal vide, que chacun peut remplir avec son propre sens. Il y a ceux qui vont parler de bien-être, de possession, de santé, de sérénité, de plaisir. Autant de définitions que de personnes. Attention, car la vie n’est pas simple et n’admet pas de réponses simples à des problèmes complexes. La vie est un essai et une erreur ; la vie est incompréhensible, imprévisible et pleine de hasards, avec des moments difficiles et des moments agréables. Que nos enfants apprennent à découvrir leur côté philosophique ne signifie pas les libérer de tout mal.

On nous vend le rêve confortable du bonheur, source de plénitude, construit comme un pays habitable dans lequel nous arriverons un jour où nous pourront réclamer passeport et droits de citoyenneté afin de ne plus jamais le quitter. Désolé, je ne suis pas d’accord.  C’est juste un autre produit de consommation qui ne résiste pas à une analyse lucide. On ne peut pas choisir entre joie et tristesse, cette dernière ayant aussi une marge de manœuvre pour nous persécuter. Nous ne pouvons pas l’esquiver et nous avons alors deux options : regretter cette tristesse ou apprendre d’elle. Il est clair aussi que la joie apparaît de temps en temps avec, elle aussi, deux options à nous proposer : supposer qu’elle ne nous abandonnera pas et être frustré lorsqu’elle prend l’avion, ou bien la valoriser et en tomber amoureux de tout notre cœur, tout en la sachant inconstante. Le hasard existe et il se montre. Nous décidons si nous ne voulons pas le voir ou bien y faire face, chargés de souvenirs !

Par conséquent, les enfants doivent apprendre à philosopher, à ne pas vivre les yeux fermés et à ne pas croire en de fausses promesses. C’est vrai qu’il est plus facile de s’adapter à la réalité si on la regarde comme une sorte de loi insoluble. Le prémisse de cette loi serait “Les choses sont comme elles sont” et “Tais-toi et obéis” en serait la conclusion. Je pense que le bien-être et le bonheur que l’on nous promet nous engagent à fermer les yeux. Cette promesse comprend l’absence de douleur, d’effort, de passion et de rêve. Si nous demeurons dans une atmosphère sans critique, nous aurons un format confortable de nouveautés continues qui feront progresser nos désirs, les façonneront et les mèneront à une accumulation inconditionnelle. Ou non. Les conditions sont implicites dans ce piège du bonheur. Ne pas voir, ne pas écouter, se sentir mesuré, profiter de tout et ne rien interroger. La critique et la vérité peuvent mettre en danger ce bonheur.  Et qui abandonnerait le bonheur, quel qu’en soit le prix ? La banalité doit remplacer l’essence, complexe et angoissante. Les trophées de la sexualité remplacent l’amour qui, de temps en temps, fait souffrir. Les liens virtuels remplacent les relations réelles, car le bonheur est construit à partir des photographies souriantes qui dominent les réseaux sociaux. La peine n’existe pas. La solidarité non plus, si elle implique un engagement, une action et des forces pour bannir le confort inhérent à la promesse. La justice n’est rien de plus qu’un slogan vide de combat, car elle perturbe la sérénité dont nous avons besoin. C’est la tyrannie déguisée en beauté. Bien sûr, beauté jeune et immaculée, car le déclin n’a jamais été ravissant. Vivre les yeux fermés, c’est l’enseignement à donner pour ne pas sortir de la « normalité ». Je suppose que vous lisez l’ironie. Et c’est pourquoi on a également apprivoisé la philosophie, cette mouche insidieuse qui remet en cause l’assurance de donner plus de force à ce que l’on croit. Le bonheur le prétend ! Mais n’est-ce pas simplement une forme d’aliénation ? Une forme effrayante de pauvreté, un déguisement?

Non, je ne promets pas dans ce livre le bonheur aux enfants. Apprenons-leur à se battre pour la vérité, la critique, la créativité, une citoyenneté engagée. La liberté, en bref. La philosophie défie les assurances avec des questions, questionne la pensée et l’autorité établies, dérange positivement, complique l’existence et la rend plus intense.

 

Happinez : Concrètement, que propose votre livre aux parents et aux enseignants ?

Jordi Nomen : Mon livre vise à offrir aux familles et aux enseignants un moyen pratique d’aborder la croissance et le développement d’une bonne pensée chez les enfants. En utilisant comme leviers des histoires, des jeux et de l’art, les méthodes habituelles de découverte de la vie ont pour but de les éduquer de manière critique, créative et éthique afin de mieux penser, de mieux agir, dans un monde qui aura besoin, à chaque fois plus, de citoyens capables de décider sans laisser personne derrière. La seconde partie de l’ouvrage contient des questions essentielles sur l’histoire de la philosophie occidentale et sur les ressources, dialogues, propositions et activités, de sorte qu’elles soient mises en pratique, même sans posséder de grandes connaissances théoriques de la philosophie. Il suffit simplement aux adultes de penser que les garçons et les filles peuvent, si nous leur donnons le temps et l’espace, améliorer leur pensée pour améliorer leur action.

 

Propos recueillis par Aubry François

© Charlein Gracia/Unsplash

 

 

Cécile de France dans la peau d’une chamane

Happinez :  Qu’est-ce qui vous a convaincu d’accepter de jouer le rôle principal d’un film au sujet original et rarement traité hors cinéma documentaire ?

Cécile de France : J’ai d’abord eu l’envie de travailler avec la réalisatrice Fabienne Berthaud dont j’avais beaucoup admiré, dans les précédents films, Frankie (2005), Pieds nus sur les limaces (2009) et Sky (2015), la grande poésie, l’importante recherche visuelle et le véritable amour de l’humanité à travers des personnages principalement féminins. Être approchée par elle me tenait à cœur. Sur le sujet, je suis plutôt quelqu’un qui a l’esprit très ouvert, qui a envie d’entretenir sa curiosité et sa capacité à l’émerveillement. Je fonctionne beaucoup à l’intuition, mon hémisphère droit est beaucoup plus actif que le gauche, siège de la logique, du raisonnement et de l’analyse. Ça, ce n’est pas trop mon truc ; mais en revanche j’ai une grande capacité à traduire et à comprendre le langage émotionnel des autres. Avec d’autres actrices, j’ai passé un casting organisé par Fabienne avec Corine Sombrun qui avait fabriqué une boucle de son où étaient séquencées toutes les fréquences qui la font partir en transe. Elles m’ont donc filmée pendant ma transe, où je suis partie très fort, très loin. J’ai été en partie choisie grâce à cette capacité assez évidente chez moi à accéder à la transe. Quand on est artiste, on peut explorer plein de domaines différents et aller un peu au-delà des limites et de ce qu’on voit habituellement.

Happinez : Aviez-vous déjà vécu une expérience de transe comme celle-ci ?

Cécile de France : Non, jamais. Après, Corine nous a expliqué que quand on joue, qu’on est musicien, acteur, danseur ou écrivain, on se trouve en fait déjà dans un état de conscience modifié. C’est une forme – très légère – de transe. Par exemple, vous répétez tout un après-midi et vous ne voyez pas l’heure passer : c’est déjà une modification de la conscience. Et après des années, Corine a réussi à prouver que ce n’est pas quelque chose de si extraordinaire que ça. Quand je me suis réveillée de ma transe, c’est pareil, j’ai senti quelque chose de familier, comme si nos ancêtres, avant que leur lien à la nature soit coupé, se plongeaient couramment dans ces états. Leur cerveau ancien leur a permis de survivre à l’état sauvage, d’anticiper l’attaque des animaux, de se soigner avec les plantes, d’être en harmonie absolue avec la nature, imbriqués avec leur environnement. J’ai vraiment ressenti ça comme quelque chose d’intemporel, d’universel, qui n’est rattaché à aucune religion, qui n’appartient à personne – sauf, à nous-même, peut-être.

Happinez : Comment s’est passé pour vous le tournage auprès des Tsaatan ?  

Cécile de France : On a dû vraiment s’adapter aux Tsaatan qui, eux-mêmes, s’adaptent à la nature, puisque c’est en fonction du lichen que mangent les rennes qu’ils se déplacent. Fabienne s’est montrée très patiente, parce que trois jours avant le début du tournage, ils n’étaient toujours pas là. Ils sont quand même arrivés, mais à la dernière minute. Les conditions, évidemment, m’ont changé un petit peu des tournages habituels puisqu’il n’y avait ni eau ni électricité, mais ça a été un immense privilège de pouvoir passer un mois auprès d’eux, de m’imprégner de leurs croyances, de leurs traditions, de leur mode de vie qui est complètement en osmose avec leurs bêtes, avec les loups qui rôdent autour, avec la nature. Les Tsaatan de Mongolie, peuple nomade très ancien, sont quand même les ancêtres de tous les Amérindiens, puisqu’il y a 13 000 ans, on pouvait atteindre le détroit de Béring à pied. Quand j’ai compris qu’ils vivaient dans des tipis et que je me suis retrouvée face à leurs visages, qui sont des visages de Sioux, de Comanche, ça a été la réalisation magique d’un rêve de petite fille car, enfant, j’imaginais que j’étais une blanche recueillie par les Indiens. Donc ça a été, avant tout, une expérience humaine pleine d’enseignements, mais aussi un enrichissement philosophique car ça a déclenché chez moi beaucoup de questionnements et notamment sur notre mode de vie occidental, cartésien, matérialiste. Descartes avait quand même écrit, il y a 400 ans, que l’homme serait « maître et possesseur de la nature », et aujourd’hui, on voit bien que c’était une très mauvaise idée. Ça m’a permis de réfléchir – sans forcément obtenir de réponse – aux capacités inexplorées du corps humain, aux mondes invisibles, aux limites de nos certitudes et de nos sens ordinaires. On oublie que notre vue, notre ouïe, notre toucher ne perçoivent pas tout. Cette salle, par exemple, contient beaucoup d’ondes. Il y a les fréquences vibratoires, le magnétisme, beaucoup de choses qu’on ne voit pas à l’œil nu. Je les remercie pour tout ça.

 

Propos recueillis par Aubry François et Agathe Lebelle

© 2019 Haut et Court – 3×7 Productions, Tel France – Scope Pictures

 

 

 

Le yoga, ambassadeur de l’altruisme à travers le monde

Ce mouvement de solidarité internationale vise à soutenir les projets humanitaires (dans le nord de l’Inde, au Népal et au Tibet oriental) de l’association Karuna-Shechen, fondée en 2000 par Matthieu Ricard. Le moine bouddhiste, auteur et photographe avait créé cette association dans le but de briser le cycle de pauvreté des communautés défavorisées. En 2018, plus de 380 000 personnes ont bénéficié de son soutien, dont 235 000 en Inde.

Tous les amoureux du yoga, professeurs et pratiquants, sont invités à participer en donnant un cours, en choisissant un cours sur la carte, en prenant part à un cours sur internet grâce au partenaire Moviing.co ou en faisant un don libre.

Les fonds reversés à Karuna-Shechen permettront à l’association de mener à bien des programmes de santé, d’éducation, d’autonomisation des femmes et de développement des communautés rurales au pays du yoga. L’an dernier, pour sa première édition, Yoga For Karuna a réuni plus de 100 professeurs, 800 pratiquants, 18 partenaires et permis de récolter 30 000 € !

Alors utilisons la force du yoga pour offrir une meilleure vie aux plus démunis et promouvoir des valeurs communes : la bienveillance, l’interdépendance entre les peuples, et le bien-être.

Pour vous inscrire : www.yogaforkaruna.org

Pour faire un don : https://karuna-shechen.iraiser.eu/b/mon-don?amp%3Blang=fr_FR

 

Une maman change notre regard sur le handicap

Happinez : Qu’est-ce qui vous poussé à lancer une nouvelle procédure pour adopter Marie-Garance ?

Clotilde Noël : Lorsque Marie est arrivée chez nous, c’est comme si nous étions tous repartis de zéro. Avec avidité, nous avons tout redécouvert. Finies les performances et les projections trop rapides dans l’après, le lendemain, le après-après demain ! Nous sommes redescendus de nos certitudes, avons mis le feu aux livres trop rigides sur l’éducation, avons balayé nos apprentissages et sommes redevenus vierges de tout savoir pour nous fondre dans la connaissance. Finis les a priori qui nous empêchaient de consentir à ce que la vie veut nous enseigner ! C’est cette dynamique, presque corporelle finalement, qui a changé en nous. Nous avons stoppé notre course frénétique après avoir vite compris que nous étions sur terre pour aimer. Dès lors, nous sommes repartis sur les chemins de l’adoption, de façon très limpide et sereine, pour serrer dans nos bras notre nouvelle fille, Marie-Garance, alors âgée de seize mois.

Happinez :  Quel nouveau regard votre livre nous invite-t-il à porter sur le handicap ?

Clotilde Noël : Lorsque nous avons fait les démarches d’adoption, les spécialistes et notre entourage ont tenté de nous dissuader de partir sur ce chemin, en nous prédisant un séisme qui allait diviser et faire exploser l’équilibre de notre famille. Aujourd’hui, j’ai une toute autre vision. Je dirais que nos enfants porteurs de handicaps sont le ciment de notre famille : ce ciment qui consolide et qui nous rend moins vulnérables aux tempêtes de la vie ! Je peux oser dire que notre couple est beaucoup plus uni (nous venons de fêter nos vingt ans de mariage) et nos enfants grandissent avec un regard plus libre sur la souffrance, les difficultés. Je pense qu’ils sont plus forts et oseront affronter des risques en dépassant leurs peurs. Ils oseront aimer !  Avec Nicolas, mon mari, nous avons envie de témoigner de cette lumière sublime qui passe à travers ces corps abîmés, nous souhaitons montrer à quel point nous avons besoin de cette fragilité, de cette vulnérabilité pour nous humaniser et donner sens à notre société.

Happinez :  Qu’avez-vous appris sur vous-même ?

Clotilde Noël : Je n’exagère rien si je vous dis que j’ai tout appris sur moi-même. Grâce à Marie, j’ai réalisé que chacun était « une merveille » à part entière. Que notre humanité était riche de toutes nos différences. Elle m’a aussi appris à lâcher le « futur » en étant « plantée » dans le présent. Bien vivre chaque jour est la meilleure façon de préparer son lendemain.  Marie-Garance, quant à elle, m’a fait prendre conscience que le lendemain n’existera justement peut-être pas, car elle est d’une fragilité extrême. Elle m’a enseigné que ma vie avait une finitude et que je vivais bien dangereusement si j’occultais cette réalité. Désormais, nous portons dans nos bras un nouvel enfant, un petit garçon cette fois, appelé Frédéric qui est arrivé chez nous il y a quelques mois. Il vient d’avoir trois ans et souffre d’une pathologie au cervelet. Frédéric continue de nous faire avancer.

Happinez :  Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui ont ce désir intérieur d’adoption mais que la peur des défis que cela va impliquer peut retenir ?

Clotilde Noël : J’oserais dire que s’ils ont ce désir, il faut qu’ils se fassent confiance. Chaque engagement sur cette terre nous emmène indéniablement vers des nouveaux défis. Si nous nous arrêtons à nos peurs, nous risquons de faire du surplace ! Aimer naît d’un désir profond qui n’est pas raisonnable au sens propre du terme. L’important est d’être fidèle à cette promesse d’amour, même les jours plus difficiles. Il ne faut pas rester seul, il est important de s’entourer de professionnels, d’associations, de la famille, etc.  Mon dernier livre est une invitation à dépasser nos peurs pour découvrir nos réelles sources d’aspirations. Il serait bon de lâcher nos angoisses d’oser enfin aimer sans condition pour risquer cet infini qui nous attend !

Happinez :  Pourriez-vous nous présenter votre association, « Tombée du nid » ?

Clotilde Noël : Elle est née juste après l’écriture de mon premier livre. Les droits d’auteur de l’ensemble de mes écrits y sont entièrement reversés. Tombée du nid, c’est avant tout une immense communauté (51 000 followers sur Facebook / Instagram) où chacun peut raconter son histoire, les peines et les joies qui rythment son quotidien. L’association essaie de faire changer les regards sur le handicap (tout handicap). En mars 2019, nous avons organisé, à Paris, une magnifique exposition de 21 photos d’enfants porteurs de trisomie 21. Cet évènement a eu un grand impact médiatique et depuis, nous avons eu des retours magnifiques et nombreux provenant de personnes profondément touchées par tous ces beaux visages. Il est temps de faire voler en éclat tous les clichés sur le handicap qui ne sont, en réalité, que les miroirs de nos peurs. Cette belle exposition part sur les routes de l’itinérance. Elle sera, jusqu’au 21 octobre 2019, à l’espace Landowski de Boulogne-Billancourt. Elle voyagera ensuite dans toute la France et s’achèvera par une magnifique vente aux enchères dans la maison Aguttes, en octobre 2020.

 

Propos recueillis par Aubry François

© François Régis Salefran

 

 

 

Un chemin de résilience, de la maladie à l’amour de la vie

Happinez : Qui est ce “K” qui a chamboulé votre vie, à l’aube de vos 27 ans ?

Charlotte Husson : Vous vous souvenez de la dernière scène de Titanic ? Avant de couler, le paquebot disloqué se dresse une dernière fois, dans le vacarme terrifiant des machineries qui explosent et des corps qui plongent dans le vide de l’océan glacé. Leonardo DiCaprio et Kate Winslet sont accrochés au bastingage, dans un ultime sursaut d’espoir… mais l’abîme les aspire, irrésistiblement. Ils coulent et le savent, impuissants.

Voilà, c’est très exactement la sensation que j’ai eue lorsque, à 27 ans, on m’a appris que j’étais atteinte d’un “carcinome des ovaires, stade 3, grade 1”. Le jargon était d’abord médical pour mieux banaliser, vainement, que c’était un cancer, nom de code hospitalier “K”. Et puis le Professeur n’y alla pas par quatre chemins en m’assénant le diagnostic, dans l’idée d’être efficace, de ne pas perdre de temps et, somme toute sans fioriture, me sauver. Dans la foulée, il me conseilla sans ciller de considérer l’ablation des organes infectés, après “quelques” cures de chimio. Au fond du gouffre, les portes de l’enfer médical !

Voilà comment, en cinq minutes à peine, je suis passée d’une vie insouciante et heureuse au plus noir des abîmes. La trouille de me faire opérer, de perdre mes cheveux – perspective terrifiante non envisageable ! –, le spectre de la mort et puis finalement le pire, si j’en réchappais, mon infertilité définitive… Tout cela venait d’entrer avec une violence inouïe dans ma psyché. Mon premier réflexe, animal, a été de vouloir étrangler le grand Prof. qui venait de faire preuve d’une absence totale d’empathie et de commisération.

Pourtant avec le recul, quand j’y repense aujourd’hui, c’est-à-dire le moins souvent possible, je me dis que c’était la bonne méthode. Je préfère tout savoir immédiatement d’une mauvaise nouvelle pour mieux reprendre le contrôle de ma vie, plutôt que faire l’autruche, ou passer pour une bécasse prise au dépourvu !

Ah ! au fait, le grand Prof. et son équipe m’ont remarquablement bien opérée et mon oncologue a été génial, mais on n’a pas pu identifier l’origine et le déclencheur de ce ”K”, c’est bien la seule chose que je ne saurai jamais.

Happinez : Comment êtes-vous parvenue à retrouver le chemin de la vie ?

Charlotte Husson : Les ami(e)s, les potes depuis toujours, mes parents, tous ceux qui m’aiment, ont fait bloc instantanément. Ils furent mes indispensables flammes, étoiles, lucioles et tout ce que vous pouvez imaginer, qui représente une lueur au bout d’un tunnel.

Mis à part le noyau dur, indestructible, de l’entourage, je garde un souvenir ineffaçable de magnifiques rencontres à l’Hôpital (Pompidou). Des infirmières incroyablement humaines et dévouées, presque maternelles pour les plus âgées et puis, une jeune femme médecin, m’ont portée à bout de bras jusqu’à la fin des traitements. La présence apaisante de cette dernière signifiait « Bon ! On ne lâche rien, je vais vous aider sur le chemin de la guérison ». Sans compter un C.V “Bac +15” en chirurgie gynéco-cancérologique, elle possède un sens inné de l’empathie, de la transparence, de l’écoute, de la relation à l’autre, ainsi qu’un don pour valoriser le verre toujours à moitié plein. Elle répondait à toutes mes questions angoissées avec calme et pédagogie. De fait, elle me projetait sur le calendrier un plan de lutte avec des échéances terrifiantes, mais claires. Mine de rien, avoir des repères temporels, validés par une autorité en qui j’avais remis ma confiance, signifiait que l’avenir avait toujours un sens.

Mais comment, moi seule, ai-je fait ? Ça je ne le sais pas vraiment ! Ou plutôt si, je sais que je suis affublée d’un drôle de syndrome qui m’a paradoxalement aidée. Je suis HSP – “Highly Sensitive Person” – il ne faut pas en rire, c’est très sérieux. Comme tout HSP, je suis inapte à la rationalité, mais dans un lobe hypertrophié de mon cerveau logent l’intelligence émotionnelle, l’élan irraisonné vers certains, la défiance injustifiable envers d’autres, le foisonnement des sensations ou encore la prémonition instinctive. Je pleurais tous les soirs, et pourtant, le lendemain matin la machine se remettait en route d’elle-même. Ce n’était ni de la force ni du courage – j’avais tellement peur –, mais uniquement l’instinct quasi animal de survie et la prémonition que je n’en avais pas fini avec la vie.

Happinez : Quel rôle l’entourage joue-t-il dans cette période incertaine ?

Charlotte Husson : Un rôle absolument essentiel pendant ce marathon terriblement épuisant pour tout le monde. Comme rien n’est simple avec une HSP, j’avais besoin de choses évidemment contradictoires.

D’une part, je voulais que tous ceux qui m’aiment continuent à vivre normalement en ma présence, sans s’apitoyer ou en prenant des mines théâtrales pleines de faux-semblant. L’entourage, dont mes copines et mes potes, devait regarder droit devant avec moi, ce qu’ils firent naturellement. Les garçons ont continué à jouer aux “beaux gosses”, et les copines ont dû bavarder sans fin avec moi, la vraie vie quoi ! Du reste les soirs après chimio, je les retrouvais systématiquement au restaurant ou bien j’allais danser. Sous cortisone quand la nuit tombe, tout va bien, mais le lendemain j’étais une loque, forcément ! Pourtant, les sentiments de liberté et de normalité, retrouvés grâce à tout mon entourage, n’avaient pas de prix.

D’autre part, lorsque je traversais un trou noir – un pic de souffrance physique couplé au spectre de la mort qui rôde –, il leur fallait alors venir immédiatement me voir, pour que je ressente leur présence. Des sortes de “cellules psychologiques” d’urgence étaient ainsi ouvertes, où, cette fois, ils ou elles pouvaient se laisser aller à m’écouter gémir. Un dîner était improvisé en musique et, presque toujours, la gaieté reprenait le dessus… jusqu’à la prochaine crise. Personne ne m’a jamais fait défaut.

Ils ont été tellement formidables qu’à l’issue des traitements, je ne m’étais pas rendue compte combien j’avais puisé dans l’immense crédit d’amitié qu’ils m’avaient ouvert. Je suis sortie des décombres, lessivée, soulagée mais aussi pleine de colère. J’en voulais inconsciemment, et surtout injustement, à mes amies, mes sœurs de cœur, d’attendre des bébés. Elles en ont eu marre de devoir bluffer ou parler d’autre chose en ma présence. Je venais d’échapper à la mort en étant invivable ! Et puis, un beau jour, j’ai reçu de mes amies une lettre, signée collectivement, qui me suppliait de redevenir celle que j’étais “avant”. J’ai pleuré de bonheur en lisant cet électrochoc. Les plus belles amitiés doivent être sans complaisance et vigilantes, sinon ce n’est que de l’entre-soi hypocrite.

Happinez : Quels ont été les fruits de votre résilience ? 

Charlotte Husson : Je crois bien que le marqueur symbolique de ma résilience fut cette lettre reçue de mes amies. On sait que la résilience, c’est la faculté et l’élasticité qu’aura un métal à retrouver sa forme originelle, après un gros choc. Le phénomène psychique, c’est pareil et c’est exactement ce que mes amies me suppliaient de faire : retrouver ma forme originelle après le choc que j’avais subi.

Cependant les premiers symptômes de résilience me sont apparus au cours de mon marathon médical et chirurgical. Je n’aime pas le pathos ou l’impudeur et j’ai du mal à être exhaustive pour en reparler. Mais pour illustrer où prend racine ma résilience, je dois bien dire que j’ai subi six opérations chirurgicales et trente-six séances de chimio en vingt mois.

Dans mon bouquin, je cite naturellement Boris Cyrulnik : « tout homme blessé est contraint à la métamorphose ».

À l’issue de l’épreuve, une autre m’attendait au coin du bois. Trop de sensations contradictoires se précipitaient en vrac dans l’entonnoir, corps et mental étaient à saturation. Alors j’ai éprouvé un phénomène connu des sportifs, la “catalepsie”, non pas une dépression psychique, mais, à la suite d’une grosse performance, une sorte de tétanie de toute la structure qui nous fait tenir debout. Sisyphe et sa caillasse devaient, une fois de plus, remonter la pente !

Pour en sortir, je fis appel à d’autres ressources : la patience, l’écoute, ne pas m’en remettre qu’à mon instinct animal, apprendre le management… Parce que j’ai voulu très vite fonder une entreprise avec l’objectif de créer de la valeur, de m’enrichir au sens noble pour pouvoir reverser de l’argent à la recherche contre la maladie.

Et puis un événement important pour moi, comme une adoption quasi subconsciente : Michka, mon chien adoré, est entré dans ma vie. Un Golden Retriever, foutraque, beau, gourmand, inapte au dressage, allergique au lavage, terriblement attachant, comme un enfant rebelle quoi ! La “Dog therapy”, nouvel axe de résilience.

Puis naquit mon blog, assez vite converti en start-up avec création de deux marques successives : Mister K Fighting kit, des box beauté pour apporter du bien-être et de l’estime de soi aux malades, puis Mister K, ma collection de vêtements et accessoires (dont 5 % des ventes vont à l’Institut Gustave Roussy).

Chez Mister K, nous ne dormons pas toujours bien – les ennuis très terre-à-terre d’une start-up qui se développe viennent mettre les nerfs à contribution… – mais, en ce qui me concerne, tous ces assujettissements et ennuis divers, me paraissent tellement plus légers qu’un séjour en chambre de soins intensifs à Pompidou. Cyrulnik voyait juste, mes tourments m’ont contrainte à la métamorphose, autant faire de cette contrainte quelque chose de bien, utile, vibrant et beau.

Happinez : Que conseilleriez-vous à tous ceux qui passent actuellement par ces épreuves ?

Charlotte Husson : Question très délicate. Je ne me sens pas la vocation d’un porte-drapeau ou leader d’un mouvement quelconque, les chemins de nos vies sont tellement complexes et différents les uns des autres qu’il serait présomptueux de conseiller la martingale qui marche à tous les coups pour se sortir d’un tsunami.

Je ne peux qu’humblement témoigner des voies et moyens qui ont marché avec moi : l’instinct animal de survie, rester digne et coquette – j’ai pu sauvegarder mes cheveux, à force de crèmes, applications diverses, acupuncture, casque de congélation du cuir chevelu pendant la chimio… j’aurai tout fait ! – être en symbiose avec l’entourage, sans lui demander la lune, développer avec un médecin une vraie connivence et une confiance à toute épreuve, stimuler les neurones (bon ! dans mon cas, l’addiction à Candy Crush n’était pas très sophistiquée, mais fit l’affaire), rester connecté (Instagram, Facebook ) avec la vie qui palpite, même superficiellement, du monde des bien portants, rire et danser en dépit de tout.

Happinez : Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’existence, en général ?

Charlotte Husson : J’ai passé quelques soirées et quelques nuits à me repasser cette question dans la tête, sans jamais trouver de réponse complètement satisfaisante, jusqu’à ce que, un beau matin, avec ma tartine de pain complet en main, les mots me viennent, fluides. Je ne pourrais faire mieux que vous réciter l’épilogue de L’impossible est mon espoir : « Il est des combats qu’on n’a pas choisi de mener. Ne pas les mener serait la pire des défaites, une défaite morale sans s’être battu. Les rêves font partie de l’arsenal. Rien n’est impossible, surtout pas les rêves, simple réalité en phase d’éveil. ll ne faut jamais regretter d’avoir rêvé trop fort, se tromper est le seul risque – et alors ? Demain sera un jour nouveau, un jour pour faire autrement s’il le faut, et, vivre, vivre… »

 

Propos recueillis par Aubry François

Portrait © Mariposa Photographe

 

Dépasser ses peurs grâce au yoga du rêve

Happinez : Quelle est l’influence de nos rêves sur notre vie éveillée ?

Marine Colombel : Voici une question qui interroge encore les scientifiques. Nous savons que le rêve existe depuis le début de l’humanité et que tout le monde rêve. La nature n’aimant pas les éléments inutiles, si tous les humains expérimentent chaque nuit cet état, c’est que le rêve est un besoin vital pour l’organisme. Mais quels sont les bienfaits des rêves ? Voici quelques éléments de réponses :

Régulateur de l’humeur, le rêve nous permet indéniablement de retrouver notre équilibre émotionnel. Une émotion particulièrement importante dans le rêve est la peur. En vivant de la peur, de la joie, de la colère, etc., nous ressentons dans le rêve des émotions fortes souvent réprimées au sein de notre société moderne. Nous pouvons les expérimenter pleinement, les exprimer et nous familiariser avec elles. Nous ne les refoulons plus, nous apprenons à vivre avec. Nous apprenons à ne plus les subir mais à en prendre les rênes.

Le rêve nous offre la possibilité de résoudre un problème que nous n’avons pas réussi à régler. Notre inconscient profite du fait que notre cerveau soit moins sollicité au moment du sommeil pour revivre une difficulté ou un problème de la journée. C’est un bon moyen de trouver des solutions alternatives auxquelles nous n’aurions pas pensé durant la veille, car, dans le rêve, nos capacités de création sont démultipliées. Nous sommes moins soumis à nos raisonnements habituels et à notre propre jugement critique, qui nous empêchent d’expérimenter. Le rêve nous sert alors de tableau blanc pour écrire tout ce qui nous passe par la tête. En somme, il agit comme une réunion de brainstorming.

Le rêve nous permet de préparer notre journée du lendemain. Il est une sorte d’entraînement virtuel qui nous confronte à une difficulté, à un problème que nous risquons de rencontrer dans les jours à venir. Comme un sportif qui visualise sa future compétition, le rêve nous prépare mentalement à l’étape que nous allons bientôt devoir franchir. C’est un élan vital nous aidant à y faire face.

 

Happinez : Comment le yoga du rêve peut-il nous permettre de “prendre les commandes” de nos rêves ou d’en garder un souvenir très précis ?

Marine Colombel : Tout le monde rêve et nous pouvons tous améliorer cette pratique ! Mieux rêver, cela s’apprend. En s’exerçant régulièrement au yoga du rêve, nous pouvons rapidement améliorer les souvenirs de ces vécus nocturnes.  Le secret du yoga du rêve réside dans la conscience. Nous apprenons à maintenir notre attention présente jusqu’au moment de l’endormissement, puis à augmenter la lucidité à l’intérieur même de nos rêves, sans nous réveiller, évidemment ! En augmentant notre niveau de conscience la journée et au moment de s’assoupir, notre esprit apprend peu à peu à développer cet état de pleine conscience et de lucidité qu’il développera à l’intérieur des songes. Pour notre cerveau, il n’y a pas de différence entre le moment où nous sommes réveillés ou le moment où nous rêvons. Ce sont, chaque foi,s des expériences que nous pouvons faire en étant plus ou moins conscients d’exister, d’être là, d’être présents à l’expérience.

 

Happinez : Quels sont les bénéfices de la pratique du yoga du rêve ?

Marine Colombel : Elle apporte tout d’abord une amélioration de notre endormissement. Au lieu de passer notre temps à nous tourner et à nous retourner dans notre lit en attendant un sommeil qui ne veut pas venir, nous profitons  de cet instant de paix et de tête-à-tête avec nous-même pour détendre notre corps et notre esprit. Le yoga du rêve change notre perception du rituel du coucher. Il devient un instant important de la journée où nous nous permettons de nous faire du bien.

Le deuxième effet concerne le sommeil lui-même. Comme je l’ai dit plus haut, en pratiquant le yoga du rêve, nous augmentons notre niveau de conscience dans les rêves. Ceux-ci deviennent alors plus riches, ils comportent davantage de détails. Nous découvrons tout un monde imaginaire qui vit en nous sans que nous ne nous en apercevions. C’est l’occasion d’instaurer un contact plus intense avec notre soi profond, nos valeurs, ce qui nous fait vivre.

Enfin, lorsque nous arrivons à prendre les commandes de nos rêves, une multitude de choix s’offrent à nous. Nous pouvons simplement vivre le rêve tel qu’il est, mais aussi le modifier pour connaître de nouvelles expériences comme voler, respirer au fond de l’océan ou, pourquoi pas, explorer l’espace. Tout est possible, la seule limite est celle de notre imaginaire. Le yoga du rêve nous offre la possibilité de goûter à une liberté sans entraves, épanouissante et surtout sans conséquences dans le monde physique. Plus la lucidité s’accroît, plus l’occasion nous est proposée d’utiliser cet espace pour faire face à nos peurs et aux blocages psychologiques que nous connaissons. Il est possible d’affronter ses cauchemars en ne détournant pas les yeux car nous savons que nous sommes aussi en sécurité, qu’il ne s’agit que d’un rêve. Beaucoup d’anciens traumatismes peuvent être ainsi levés.

 

Happinez : Auriez-vous un exercice de yoga du rêve à nous transmettre pour nous initier à cette technique ?

Marine Colombel : Pour augmenter la lucidité grâce au yoga du rêve, il faut pratiquer la méditation la journée (comme la méditation mindfulness), mais surtout au moment du coucher.  Voici l’une des méditations que l’on peut essayer chez soi, au moment d’aller au lit, pour accompagner notre corps dans un endormissement serein.

Pour cela, allongez-vous sur votre matelas, les bras de chaque côté du corps dans la position qui se nomme, en sanskrit, Savasana. Pour conserver le dos droit, posez votre tête à même le matelas ou sur un oreiller plat. Prenez conscience de votre respiration et portez délicatement votre attention sur la base de votre gorge pour simplement sentir l’air qui entre et qui sort, sans essayer de modifier ce flux. Soyez simplement là. Si des images apparaissent, laissez-les venir, laissez-les partir, sans les entretenir. Continuez simplement de porter votre attention sur votre respiration. Peu à peu le corps ralentit, les sens s’éteignent, laissez-les faire, accompagnez l’arrivée du sommeil en maintenant le fil de votre conscience sur ce point de respiration au niveau de la gorge.

 

Propos recueillis par Aubry François

 

Photo © Mohamed Nohassi / Unsplash

Portrait © Astrid di Crollalanza

 

Nature en tête, une plateforme web dédiée aux médecines naturelles

Conçu par le groupe associatif de protection social Alptis, créé en 1976 à Lyon et dirigé par des administrateurs bénévoles, “Nature en tête” aide ses utilisateurs à faire face aux problèmes de santé bénins. Cette plateforme web recense :

* Une sélection de recettes d’experts en médecines naturelles, issues d’ouvrages de référence.

* Un recueil de fiches descriptives des huiles essentielles et des plantes, rédigé par une rédactrice indépendante, sur la base d’une synthèse prudente des contenus de plusieurs ouvrages.

* Un blog d’informations avec des dossiers thématiques et des articles d’approfondissement de certaines notions-clés.

* Des ateliers de formation, partout en France, qui proposent un véritable parcours pédagogique basé sur l’alternance de séquences théoriques et pratiques.

Plusieurs sessions de formations sont prévues sur les bases de l’aromathérapie (à Toulouse le 5 octobre, à Paris et Bordeaux le 12 octobre) et sur les bases de la phytothérapie (à Strasbourg le 5 octobre, à Nantes le 12 octobre et à Lyon le 26 octobre).

Pour en savoir plus : www.nature-en-tete.fr