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Vivre simplement, en harmonie avec soi, la nature et les autres

Catégorie(s) : Rencontres, Sagesse & spiritualité, Livres, Développement personnel, Bien-être, Art de vivre, Nature

Vous l’avez certainement déjà croisé dans l’un des épisodes de l’émission Échappées Belles, sur France 5, qu’il coanime depuis le début de l’année. Avant cela, Ismaël Khelifa arpentait les régions polaires, en guide naturaliste. Ses voyages l’ont mené aux quatre coins du monde, à la rencontre d’hommes et de femmes authentiques, généreux, combatifs, dont il a gardé un souvenir prégnant. Dans son livre La Vie simple, publié en octobre chez First Éditions, il a voulu rendre hommage à ces êtres humains magnifiques, qui lui ont inspiré une vision plus essentielle de l’existence, entre respect de la nature, réalisation de soi et relation harmonieuse avec les autres.

Happinez : Êtes-vous l’un de ces explorateurs qui affrontent les éléments pour en ressortir grandi ?

Ismaël Khelifa : Non. Je n’ai rien contre ceux qui ont besoin d’aller s’éprouver ainsi dans la nature sauvage, d’aller se dépasser. Mais ce n’est pas ma démarche. Je me définirais déjà comme un voyageur plutôt qu’un explorateur. Il y a derrière ce mot la notion de découverte, l’image du drapeau que l’on plante sur un territoire inconnu, et cela n’est ni ma motivation, ni ma réalité. Je suis également gêné par l’idée d’affronter les éléments. Je crois que cette vision d’un homme seul (c’est tout de même un monde éminemment masculin) face à la nature, a aujourd’hui quelque chose d’éculé. Voire d’un peu ringard ! Au contraire, je pense que nous avons besoin, non pas d’affronter la nature, mais de faire corps avec elle, de marcher à ses côtés, de raconter à quel point elle rend heureux, de célébrer sa beauté. La pensée conquérante a contribué à dominer le vivant, avec les destructions que nous connaissons aujourd’hui. À mon niveau, j’appelle plutôt à reconstruire un lien entre notre Terre-mère et chacun de nous. Et je pense que dans ce monde souvent inégalitaire, où nous avons pour beaucoup été éduqués à la performance, à la compétition, à la concurrence jusqu’à la notation des uns par les autres, le lien que nous devons rebâtir avec la nature ressemble pour beaucoup au lien que nous devons reconstruire entre êtres humains. Plutôt qu’à l’affrontement, je crois donc à la collaboration.

 

Happinez : Comment s’est développé votre lien avec la nature, jusqu’à y consacrer votre métier ?

Ismaël Khelifa : Grâce à ce livre, j’ai pu réfléchir profondément à cela. Et je pense pouvoir dire que j’ai été perfusé par la nature dès mon plus jeune âge. J’ai passé une bonne partie de mon enfance dans un petit village rural, au cœur des montagnes de Haute-Savoie, Villy-le-Bouveret. J’y faisais de longues balades à vélo, j’y inventais des histoires. La nature était la principale distraction et j’ai aimé cette simplicité. C’est tout bête, mais il est selon moi essentiel de rappeler, à notre époque, qu’il n’y a rien de plus beau ni de plus grisant ou de plus formateur pour un enfant que de jouer dehors. Aucun écran n’a la force évocatrice et créative d’une cabane secrète construite dans un arbre. Petit, je me sentais donc bien dans ce décor, où j’ai vécu mes premières émotions avec la nature. Ensuite, la vie professionnelle a voulu que je me coupe de tout cela. Pour les gens de ma génération – je suis né en 1979 – la ville, les grandes mégalopoles, représentent la modernité, la réussite, la réalisation de soi. Je pense que nous sommes nombreux aujourd’hui à remettre en question ce modèle. Tous les matins, quand je vivais à Paris, j’avais en tête des images de cette nature, un manque, comme une petite flamme qui brillait encore et me rendait nostalgique. Par chance, j’ai décidé de l’écouter, cette petite flamme, de partir marcher, voyager, arpenter les sentiers de randonnées en France ou ailleurs tout en revenant chez moi, me reconnecter à ma vie urbaine. Ensuite, il a fallu trouver un équilibre entre la grande ville et la nature. Je pense désormais avoir trouvé mon équilibre – un pied dans chacun de ces univers. Ce n’est pas facile, ça exige beaucoup de réflexions, d’efforts, de logistique et de prises de risques. Mais c’est aussi magique ! Et je pense que trouver cet équilibre est une question qui taraude beaucoup d’entre nous à notre époque. Dans mon livre, j’ai donc voulu mettre en avant des gens qui ont réussi cela. Comment font-ils ? Quelles sont leurs valeurs ? Leurs espoirs ? Les difficultés à surmonter et les joies qui en découlent ?

 

Happinez : Quelles valeurs la nature nous enseigne-t-elle ?

Ismaël Khelifa : D’abord, elle nous enseigne la beauté, l’euphorie née de la contemplation. Un coucher de soleil qu’on va admirer après une ascension, un chamois qui surgit en haut d’une falaise, ou, pour ceux qui ont la chance de voyager, une baleine qui saute à l’horizon… Qu’y a-t-il de plus beau ? La nature, c’est la joie ! Ensuite, elle nous apprend une forme d’humilité. Il faut accepter de ne pas passer à certains endroits, de devoir faire des détours, de s’incliner face au vent, à la pluie, à la neige qui empêche une sortie. Elle nous pousse au silence, à une juste utilisation des ressources dont on dispose : plus le sac est léger, plus la randonnée est aisée. Impossible d’emmener, donc, des choses inutiles ! Je trouve également que marcher avec des amis, sa famille, un groupe, pousse à la solidarité. Je raconte dans mon livre que j’ai un peu le vertige et que sans mon épouse, Alice, il y a certains passages que je n’aurais jamais osé franchir lors de nos treks au long cours. Et puis, il y a la déconnexion avec le monde digital. On marche, ici et maintenant. On renoue avec la terre, nos mains, nos sens. On se sent entier et pleinement vivant. Enfin, l’effort physique autorise des plaisirs simples et gratuits. Un bon sandwich en haut de la montagne… C’est juste le bonheur !

 

Happinez : Qu’entendez-vous par « vie simple » ? Si vous deviez personnellement la décrire, quelle serait votre « vie simple » idéale ?

Ismaël Khelifa : Pour moi, la « vie simple » n’est pas une vie où l’on se tourne les pouces, soyons bien clairs ! Ce n’est pas non plus une vie en marge, mais une existence bel et bien connectée à notre époque où l’on tente de faire de son mieux pour vivre en lien avec la nature et avec l’autre. C’est d’abord une vie où on renoue avec des choses simples, avec des bonheurs accessibles, les petites joies qui façonnent les grands souvenirs. Où l’on apprend à apprécier ce qui nous entoure plutôt qu’à vouloir toujours accumuler, aller plus loin, plus haut, plus vite. Un peu comme le faisaient mes grands-parents dans leur petit village. C’est une vie où l’on redécouvre le bonheur d’être généreux, de se tourner vers ceux qui nous entourent. La réalisation de soi, d’accord. Mais au service du collectif. Cela ne veut pas dire qu’il faut tout plaquer pour créer une ONG en Afrique – pour caricaturer. Mais qu’on n’oublie jamais de faire un petit geste pour nos semblables. Cela fait tellement de bien ! C’est une vie où l’on remplace l’ambition à tout prix, la performance, par l’authenticité : essayer d’être soi-même plutôt que de cocher les cases de la réussite sociale. Je pense, une fois encore, que la collaboration est bien plus profitable que la concurrence. En ce qui me concerne, j’ai la chance d’éprouver cette « vie simple », par fragments. Il y a deux jours, je suis allé à la mer avec mon fils âgé de 14 mois et sa maman. Je le revois marcher dans l’eau, ses petits pieds dans le sable. La veille, nous avions fait une randonnée à la montagne Sainte-Victoire près d’Aix-en-Provence. Nous étions ensemble, en famille, dans le soleil couchant, au milieu de la nature, et franchement, nous n’avions besoin de rien d’autre !

 

Happinez : Y a-t-il une rencontre qui vous a particulièrement marqué sur le parcours que constitue ce livre ?

Ismaël Khelifa : Il est difficile de ressortir une rencontre en particulier. Mais je pense qu’un homme illustre bien mon propos. Il s’appelle Sidi et vit en Mauritanie. Je l’ai rencontré à l’occasion de mon premier voyage pour l’émission Échappées Belles. Sidi est un battant qui guide des touristes du monde entier dans le Sahara. Il habite ainsi sa vie, se construit en lien avec cette nature qu’il aime tant, fait tout pour être un papa présent et dévoué, conseille et donne de lui-même pour faire en sorte que les jeunes Mauritaniens puissent s’écrire un avenir. Il prête corps à ses rêves à force de travail, il vit avec son environnement qui emplit ses yeux de joie, il s’investit pour les siens et pour sa communauté, dans le partage. Et cela le rend heureux. En voilà un bel exemple de « vie simple ».

 

Propos recueillis par Aubry François

© Mohamed Nohassi / Unsplash