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Une maman change notre regard sur le handicap

Catégorie(s) : Santé, Rencontres, Sagesse & spiritualité, Livres, Développement personnel, Bien-être, Art de vivre

Mère de huit enfants et auteur du livre à succès Tombée du nid, qui raconte l’adoption de Marie, sa petite fille atteinte de trisomie 21, Clotilde Noël poursuit, aux côtés de ses proches, une aventure de vie marquée par la différence, l’extrême fragilité et la joie, en invitant la toute jeune Marie-Garance, porteuse d’un lourd polyhandicap, à devenir le nouveau pilier d’une famille solidement unie par l’amour. Porte-parole de l’intégration sociale des personnes handicapées, Clotilde Noël fait le récit de cette nouvelle étape aussi bouleversante qu’enrichissante, dans Risquer l’infini (éditions salvator).  

Happinez : Qu’est-ce qui vous poussé à lancer une nouvelle procédure pour adopter Marie-Garance ?

Clotilde Noël : Lorsque Marie est arrivée chez nous, c’est comme si nous étions tous repartis de zéro. Avec avidité, nous avons tout redécouvert. Finies les performances et les projections trop rapides dans l’après, le lendemain, le après-après demain ! Nous sommes redescendus de nos certitudes, avons mis le feu aux livres trop rigides sur l’éducation, avons balayé nos apprentissages et sommes redevenus vierges de tout savoir pour nous fondre dans la connaissance. Finis les a priori qui nous empêchaient de consentir à ce que la vie veut nous enseigner ! C’est cette dynamique, presque corporelle finalement, qui a changé en nous. Nous avons stoppé notre course frénétique après avoir vite compris que nous étions sur terre pour aimer. Dès lors, nous sommes repartis sur les chemins de l’adoption, de façon très limpide et sereine, pour serrer dans nos bras notre nouvelle fille, Marie-Garance, alors âgée de seize mois.

Happinez :  Quel nouveau regard votre livre nous invite-t-il à porter sur le handicap ?

Clotilde Noël : Lorsque nous avons fait les démarches d’adoption, les spécialistes et notre entourage ont tenté de nous dissuader de partir sur ce chemin, en nous prédisant un séisme qui allait diviser et faire exploser l’équilibre de notre famille. Aujourd’hui, j’ai une toute autre vision. Je dirais que nos enfants porteurs de handicaps sont le ciment de notre famille : ce ciment qui consolide et qui nous rend moins vulnérables aux tempêtes de la vie ! Je peux oser dire que notre couple est beaucoup plus uni (nous venons de fêter nos vingt ans de mariage) et nos enfants grandissent avec un regard plus libre sur la souffrance, les difficultés. Je pense qu’ils sont plus forts et oseront affronter des risques en dépassant leurs peurs. Ils oseront aimer !  Avec Nicolas, mon mari, nous avons envie de témoigner de cette lumière sublime qui passe à travers ces corps abîmés, nous souhaitons montrer à quel point nous avons besoin de cette fragilité, de cette vulnérabilité pour nous humaniser et donner sens à notre société.

Happinez :  Qu’avez-vous appris sur vous-même ?

Clotilde Noël : Je n’exagère rien si je vous dis que j’ai tout appris sur moi-même. Grâce à Marie, j’ai réalisé que chacun était « une merveille » à part entière. Que notre humanité était riche de toutes nos différences. Elle m’a aussi appris à lâcher le « futur » en étant « plantée » dans le présent. Bien vivre chaque jour est la meilleure façon de préparer son lendemain.  Marie-Garance, quant à elle, m’a fait prendre conscience que le lendemain n’existera justement peut-être pas, car elle est d’une fragilité extrême. Elle m’a enseigné que ma vie avait une finitude et que je vivais bien dangereusement si j’occultais cette réalité. Désormais, nous portons dans nos bras un nouvel enfant, un petit garçon cette fois, appelé Frédéric qui est arrivé chez nous il y a quelques mois. Il vient d’avoir trois ans et souffre d’une pathologie au cervelet. Frédéric continue de nous faire avancer.

Happinez :  Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui ont ce désir intérieur d’adoption mais que la peur des défis que cela va impliquer peut retenir ?

Clotilde Noël : J’oserais dire que s’ils ont ce désir, il faut qu’ils se fassent confiance. Chaque engagement sur cette terre nous emmène indéniablement vers des nouveaux défis. Si nous nous arrêtons à nos peurs, nous risquons de faire du surplace ! Aimer naît d’un désir profond qui n’est pas raisonnable au sens propre du terme. L’important est d’être fidèle à cette promesse d’amour, même les jours plus difficiles. Il ne faut pas rester seul, il est important de s’entourer de professionnels, d’associations, de la famille, etc.  Mon dernier livre est une invitation à dépasser nos peurs pour découvrir nos réelles sources d’aspirations. Il serait bon de lâcher nos angoisses d’oser enfin aimer sans condition pour risquer cet infini qui nous attend !

Happinez :  Pourriez-vous nous présenter votre association, « Tombée du nid » ?

Clotilde Noël : Elle est née juste après l’écriture de mon premier livre. Les droits d’auteur de l’ensemble de mes écrits y sont entièrement reversés. Tombée du nid, c’est avant tout une immense communauté (51 000 followers sur Facebook / Instagram) où chacun peut raconter son histoire, les peines et les joies qui rythment son quotidien. L’association essaie de faire changer les regards sur le handicap (tout handicap). En mars 2019, nous avons organisé, à Paris, une magnifique exposition de 21 photos d’enfants porteurs de trisomie 21. Cet évènement a eu un grand impact médiatique et depuis, nous avons eu des retours magnifiques et nombreux provenant de personnes profondément touchées par tous ces beaux visages. Il est temps de faire voler en éclat tous les clichés sur le handicap qui ne sont, en réalité, que les miroirs de nos peurs. Cette belle exposition part sur les routes de l’itinérance. Elle sera, jusqu’au 21 octobre 2019, à l’espace Landowski de Boulogne-Billancourt. Elle voyagera ensuite dans toute la France et s’achèvera par une magnifique vente aux enchères dans la maison Aguttes, en octobre 2020.

 

Propos recueillis par Aubry François

© François Régis Salefran