La Naissance en BD : reprenez confiance en votre puissant potentiel de mise au monde

Happinez : Pourquoi le thème de la naissance vous tient-il particulièrement à cœur ?

Lucile Gomez : La naissance de mon premier enfant a été un bouleversement. Un moment très beau. Cela a été possible grâce à l’accompagnement d’une sage-femme formidable qui m’a suivie pendant ma grossesse et qui était présente le jour J. Puis, je me suis aperçue que beaucoup de femmes de mon entourage avaient mal vécu leurs accouchements. J’en ai été triste. Et en colère, parce que selon moi, leurs mauvaises expériences étaient en premier lieu dues au manque d’information. Ce sujet est au croisement de beaucoup d’autres, et touche tous ceux qui sont en vie ! Mais il est finalement très mal connu, même des femmes, qui sont pourtant directement concernées. Pire, un grand nombre d’idées sont fausses. Le féminisme des années 70, qui avait, c’est évident, d’autres priorités, a souvent considéré que devenir mère était une entrave à l’émancipation. Aujourd’hui, j’ai à cœur de transmettre que donner la vie peut aussi être l’occasion de se sentir puissante !

Tout porte à croire que la société définit la grossesse comme un problème, voire une maladie…

Pendant longtemps, le savoir autour de l’accouchement s’est transmis de façon empirique, entre femmes, dans l’intimité des foyers. C’est dans un contexte de domination masculine, qui considérait les femmes comme “le sexe faible”, les écartait des études et de la pratique de la médecine, que la gynécologie est apparue. Ajoutons à cela l’héritage chrétien avec notamment le fameux « Tu enfanteras dans la douleur », et nous pouvons comprendre dans les grandes lignes, comment nous en sommes arrivés là. Par ailleurs, à certaines époques, la mortalité en couche était importante. Des traces sont restées dans l’imaginaire collectif : l’accouchement est encore perçu dans notre société comme un moment avant tout dangereux. Or, la plupart des grossesses ne présentent pas de risques de réelles complications. Comprenez bien mon propos : la naissance est évidemment un moment intense et délicat à la fois. Elle est à surveiller de très très près. Mais surveiller, ce n’est pas forcément intervenir. Les interventions médicales calibrées pour une meilleure gestion des naissances plus que pour améliorer l’accompagnement des femmes et de leurs bébés, sont à l’origine même de certaines complications.

Malheureusement, l’idée que le corps de la femme est forcément dysfonctionnel est tellement omniprésente depuis des siècles, que les femmes elles-mêmes pensent qu’elles ont forcément besoin d’interventions extérieures, de tout un attirail technique pour les aider et qu’il est normal de souffrir. Or, il n’est pas normal de souffrir ! Même pendant son accouchement. La souffrance, c’est de la pathologie. Et accoucher n’est pas une maladie.

 

Quels sont les super pouvoirs de la femme ?

D’un côté, les femmes ont des super pouvoirs innés, liés à leurs corps : elles possèdent un utérus, par exemple, qui est un organe hyper puissant ! De l’autre, elles ont le super pouvoir de la connaissance. Plus on en sait sur la physiologie, plus on prend confiance en ses capacités, plus on comprend ce qui se passe, et plus on est à même de choisir, en toute connaissance de cause, ce qui nous convient vraiment. Et lorsqu’on a bien acquis l’idée que notre corps sait faire, on peut mettre en veille son néocortex humain au profit de son cerveau de mammifère. Parce que les hormones de l’accouchement sont sécrétées dans la partie “sauvage” du cerveau ! C’est ce qui semble paradoxal : la femme doit acquérir les connaissances conscientes pour pouvoir laisser agir cette ocytocine, aussi appelée “hormone du plaisir“. Elle est à l’origine des contractions de travail de l’accouchement, mais également des orgasmes, par exemple. Elle a besoin de confiance et de lâcher-prise pour apparaître et s’accompagne de l’endorphine. Cette dernière est une hormone apaisante, un anti-douleur naturel. Avec ce bon cocktail d’hormones, on bénéficie de la puissance et de l’apaisement. Et on ne souffre pas. Mais si nous ne sommes pas dans de bonnes conditions, de l’adrénaline est sécrétée, et tout le processus est perturbé…

 

Quels conseils donneriez-vous à une femme enceinte pour la première fois qui ne sait pas comment gérer cet état et qui peut-être a peur ? Et à un(e) conjoint(e) ? Comment rester une présence aidante dans ces instants certes naturels mais qui peuvent impressionner ?

Je dirais à cette femme de varier les sources d’informations. D’aller vers ce qui l’attire… haptonomie, hypnose, méditation, chant prénatal… ou même, si elle se sent en confiance, rien de particulier. Mais surtout de ne pas négliger ses ressentis. Si elle ne se sent pas à l’aise dans une maternité, qu’elle cherche un autre endroit où elle se sent mieux accompagnée. L’état émotionnel d’une femme enceinte est primordial. Il est important de s’entourer de professionnels en qui on a confiance, qui prennent le temps d’écouter.

Pour le ou la conjoint(e), la meilleure manière d’aider, c’est de respecter et faire respecter la “bulle” de la mère. Surtout, de ne pas transmettre de stress. Le stress est très contagieux, et vraiment délétère à l’accouchement. Bien sûr, il est très bienvenu de ne pas rester trop à l’écart de la grossesse, de s’informer, d’apprendre des gestes qui soulagent, des massages, des positions pour que la femme s’étire… tout cela peut servir ! Mais honnêtement, on ne peut pas trop prévoir si ces outils seront les bons le moment venu. Avoir confiance en celle qui donne la vie est le plus important. Être présent et à l’écoute de ses besoins. Ne pas chercher à intervenir à tout prix. Diffuser son amour, c’est essentiel ! Parfois, on fait beaucoup en ne faisant rien.

 

Propos recueillis par Aubry François

Visuel © Mel Elías / Unsplash

 

Portrait © Alain Potignon

 

Serge Marquis : le deuil est une invitation à habiter l’Amour

Happinez : Pourquoi imaginer un héros âgé de 5 ans ? Est-ce un âge particulier de l’enfance ?

Serge Marquis : Ça aurait pu être 3, 4 ou 6 ans, peu importe. L’idée était d’amener un échange entre un enfant et un adulte à propos de la question à laquelle l’humanité a toujours tenté de répondre : « Où est le/la disparu(e) ? » Le cerveau s’interroge depuis la nuit des temps sur tout ce qui lui fait peur : le tonnerre, les volcans, les sauterelles, etc. La mort demeure un mystère absolu ; alors, que répond-on aux enfants à ce sujet ? Que répond-on à l’enfant en soi ? Pourquoi ne pas lui dire, tout simplement : « Il est dans l’Amour ! » On s’offre ainsi l’opportunité d’amorcer un dialogue avec lui sur le sens qu’il donne à ce mot. À son âge, il a déjà prononcé « Je t’aime », plusieurs fois. Il s’est donc rendu plus d’une fois dans ce lieu où séjournent aussi bien les vivants que les disparus, peu importe leurs croyances. Un lieu où il est toujours possible d’aller quand bon nous semble. Un lieu où l’on trouve la paix.

 

Qu’est-ce que l’Amour, pour vous ?

Une présence pure. Une présence libérée de toute attente, de tout attachement, de toute peur. Une présence libérée de l’ego, qui est le résultat d’un très vieux processus que l’on appelle “processus d’identification” et qui fabrique sans cesse les représentations que l’on a de soi-même, de ce qu’on croit être. On s’identifie, par exemple, à un objet qu’on possède – une voiture, un vêtement, un bijou – et on “devient psychiquement” cet objet. Sa perte est donc vécue comme une disparition de soi-même, une forme de mort. Or, derrière les milliers de représentations qu’on a de soi, toutes éphémères, il y a cette incroyable “présence” ou “capacité d’aimer” à laquelle l’attention peut sans cesse se reconnecter tout au long de l’existence. L’Amour, en ce qui me concerne, est l’essence de ce que nous sommes. L’ego sépare – nous défendons nos représentations face à celles des autres – l’amour connecte. Et si l’essence de la personne disparue se situait justement dans l’essence de ce que nous sommes ?

 

Peut-on “réussir” un deuil ?

Je n’utiliserais pas le mot “réussir”. C’est d’ailleurs un mot dont je ne me sers maintenant qu’avec circonspection. Je le réserve pour des situations très particulières : un plat en cuisine par exemple… On peut cependant “traverser” un deuil : ce passage où d’innombrables apprentissages sont possibles, où de magnifiques transformations peuvent s’opérer, où des guérisons peuvent s’effectuer. Un passage où on peut comprendre qu’ “être attaché à quelqu’un” ne veut pas dire “aimer quelqu’un”. L’amour irradie, rayonne, se répand. L’attachement est susceptible de retenir, comme une ancre. Le deuil offre la possibilité d’identifier et de nommer ce que l’on croit perdre, afin de le laisser aller et d’entrer dans la liberté qu’offre l’amour véritable. La personne disparue peut encore nous enseigner à “mieux” aimer si l’on considère que c’est dans l’amour qu’elle réside, et que c’est depuis ce “lieu” qu’elle “enseigne”.

 

Le caractère émotionnel d’une phrase souvent répétée aux enfants comme « il/elle vit toujours dans ton cœur » en diminue-t-il la portée spirituelle ?  

Je ne crois pas, bien au contraire. Cette phrase est une invitation à entreprendre l’apprentissage de la “connaissance de soi”, c’est-à-dire la plus grande aventure spirituelle qu’on puisse vivre. Que veut dire : « Il/elle vit toujours dans ton cœur ? » Que représente le mot “cœur” ? Comment y revenir, sans cesse, pour loger dans ce qui importe, pour habiter l’essentiel ? J’ignore si nos chers disparus sont toujours en vie dans un au-delà, peut-être… Mais je crois que la connaissance de soi permet d’entrer dans l’amour véritable et je crois également que c’est là qu’on doit habiter pendant que nous sommes vivants.

 

Propos recueillis par Aubry François

Portrait © Gwladys Louiset Photography

 

 

Le film de ceux qui avaient entrevu l’après-vie

Happinez : Comment avez-vous eu l’idée d’un film sur le thème des EMI ?

Pierre Barnérias : Cela fait 30 ans que j’ai la chance de parcourir le monde au service d’une information qui donne du sens à notre existence. Soit à travers des enquêtes sur des faits inconnus ou rarement mis en lumière, soit sur des personnes dont les actions transforment le monde en profondeur.

La mort est un vrai tabou dans nos sociétés occidentales dirigées par le marché par le Marché avec un grand M. Et la peur l’alimente. Un homme heureux et apaisé par rapport à sa finitude consomme moins et mieux. Au 20ème siècle, l’homme occidental est à l’origine de la mort de 230 millions de personnes. Chaque année, l’homo sapiens dépense pas moins de 2.300 milliards pour se donner la mort et deux fois plus pour en échapper. La peur, on le sait, est souvent la source de bien des conflits et de guerres. En ces temps de confinement, elle se propage plus vite que le Covid 19, avec comme allié des médias de masse qui vous maintiennent dans une dépendance affective. S’attaquer à ce réel tabou me semblait avoir du sens.

Qui n’a pas peur de la mort ? Je ne connaissais rien aux expériences de mort imminente en 2016. Cela a été une vraie belle découverte. Cette enquête m’a transporté 30 ans en arrière car en 1988, ma vie a basculé à la suite d’un grave accident de moto. Je n’ai, certes, pas fait d’EMI, juste 15 jours de coma. Aucune fracture, aucune séquelle. Mais je me suis souvent questionné sur cet accident dont je n’ai aucun souvenir. Et pourtant, il a changé ma vie. C’est lui en effet qui m’a fait devenir journaliste alors que je m’apprêtais à choisir un tout autre métier. Et aujourd’hui, me voilà à enquêter sur les EMI. Juste retour des choses ? Peut-être…

 

Aussi troublantes soient-elles, les expériences de mort imminente sont encore loin de faire l’unanimité. Du sérieux de la question ou de son aspect extraordinaire, quelle dimension avez-vous souhaité privilégier ?

Les deux sont indissociables. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit et pensé ce film, non pas pour la télé, mais pour le cinéma. Ce sujet de l’après-mort ou de l’après-vie a vraiment tout pour toucher le grand public. Il est autant universel qu’énigmatique. Et l’enquête journalistique permet de le traiter façon captivante. Elle crédibilise le propos avec des spécialistes scientifiques qui consacrent leur vie à cette question, comme le Dr Jean-Jacques Charbonier ou encore le cardiologue néerlandais Pim Van Lommel. Les témoignages bouleversants propres aux EMI alimentent de leur côté l’imaginaire nécessaire au cinéma. Ces expériences offrent une émotion véritable que seule la réalité du documentaire rend possible. Il ne s’agit pas d’acteurs mais de vrais témoins. C’est un sujet aux nombreuses énigmes, avec un début et une fin comme on est en droit de les vivre quand on va au cinéma.

 

Quels arguments valables reste-t-il aujourd’hui aux détracteurs de cette hypothèse de la vie après la mort ?

Ils s’amenuisent. Ceux qui pensent que c’est le cerveau (en continuant de fonctionner après un arrêt cardiaque de plus de 45 secondes) qui fabrique ces EMI sont souvent les mêmes qui attestent d’une façon scientifique la mort d’une personne, qui se réveillera pourtant quelques heures plus tard à la morgue. Près d’une centaine de chercheurs travaillent aujourd’hui dans le monde sur la notion de conscience. Imaginer cela il y a encore quelques années était impossible. La médecine allopathique avance à grands pas. Un jeune médecin, le Dr Jean François Lallier, a notamment réalisé une thèse sur la conscience extra neuronale intuitive qui a reçu la mention très honorable. Il s’agit ici d’un document officiel de médecine.

 

Quelle a été la réaction du grand public à la sortie de ce film ?

Elle se situe au-delà de ce que j’aurais pu imaginer. Quand vous avez des salles pleines qui applaudissent à tout rompre à la fin du film, que des personnes témoignent avec des trémolos dans la voix qui font chavirer l’autre moitié de la salle, vous vous dites que ce film répondait vraiment à une attente, un besoin. Ce documentaire semble libérer la parole et soulager ceux qui ont vécu ce genre d’expériences. Après le confinement, le film retrouvera les salles, espace unique qui crée du lien et où les échanges avec le public enrichissent tout autant que le film. J’ai pu constater, lors de ma tournée, qu’ils étaient d’ailleurs nombreux à ne pas oser en parler jusqu’ici, mais osaient sortir de leur silence pour témoigner pendant les débats. Instant hors du temps, presque suspendu avec des témoignages entrecoupés de larmes, d’émotions communicatives… Des moments rares pour un réalisateur et qui resteront gravés. Ce film réunit des individus qui, hier, étaient rejetées par leur entourage car incomprises. La réaction a été telle que nous avons décidé de monter une chaine YouTube “Thana TV” pour recueillir et diffuser ces témoignages. Il y a déjà 10 000 abonnés.

 

Avez-vous déjà vécu une expérience qui aurait fait vaciller vos croyances ?

Toutes les expériences alimentent ma foi en l’Homme. Je reste subjugué par sa beauté, sa force et sa complexité, tout comme je le suis de cette nature infiniment belle et forte qui lui rappelle actuellement sa fragilité en l’invitant à retrouver sa place. Nous sommes tous issus d’un grand Tout. Nous provenons tous du même acte créateur. Je découvre néanmoins un univers que j’ignorais et dans lequel je me sens bien. Les personnes que j’ai rencontrées vous bousculent par leur bienveillance, leur gentillesse et vous poussent naturellement à croire en cette expérience indélébile.

 

En ce moment, énormément de gens ont malheureusement contact avec la mort. Avez-vous reçu des témoignages de personnes qui auraient vécu une EMI depuis les dernières semaines, des suites du coronavirus ?

Oui, cela commence. Pas plus tard qu’hier, un médecin belge a été salement malmené par le Covid 19 pendant 3 semaines. Il a été intubé en réanimation, placé dans un coma artificiel et dit avoir vu ce fameux “tunnel avec des proches décédés.” C’est toujours très intéressant d’entendre un médecin témoigner d’une expérience à laquelle la médecine ne croit pas, même si dans ce cas, le médecin, chef de service, n’a pas été déclaré mort par ses confrères. Je suis convaincu que nous allons recevoir d’ici quelques semaines bon nombre de témoignages qui iront dans le même sens.

 

Après avoir réalisé ce film, votre regard sur la vie a-t-il changé ? 

Oui, sans aucun doute. On ne sort pas indemne d’une enquête et de ces rencontres exceptionnelles. Ces expérienceurs sont des cadeaux pour notre humanité. Ils nous révèlent à nous-même et nous font toucher du doigt l’infiniment grand. Je reste persuadé que le monde serait vraiment différent s’il avait conscience de cet “après”. La peur de la mort reste une peur ancestrale. La canaliser pour en faire un simple passage rendrait notre société plus juste et plus aimante. J’en suis persuadé.

 

Propos recueillis par Aubry François

Visuel © Johannes Plenio / Unsplash

 

Devenons enfin notre propre meilleur ami…

Pourquoi sommes-nous si durs envers nous-même ? 

Céline Tran et Claire Mizzi : Lorsque quelque chose ne se passe pas comme nous le voulons, un système d’alerte s’actionne. Notre corps et nos sens se mobilisent afin de scruter les évènements et l’environnement. Nos ressentis, nos émotions, nos pensées et nos actes s’ordonnent dans un même esprit de protection, nous menant rapidement à des réactions de stress.

Cependant, cette alarme est souvent inadaptée. Dans l’instant, il n’y a pas de danger réel. Seule est présente l’anxiété d’un danger futur, dont la peur du rejet de l’autre. Pour tenter de contrôler cela, nous anticipons des événements qui ne vont pas forcément se produire. Très vite, nous cherchons de qui provient la faute. Nous ou l’autre ? Plein d’émotions et de pensées interprétatives nous arrivent en tête : « je suis incapable d’y arriver », « je suis nul », « pas à la hauteur », « si je ne fais pas tout parfaitement alors je ne vaux rien » ; mais aussi « l’autre est nul », « incapable », « n’a rien compris », etc.

Nous pensons que ces critiques nous mobilisent pour être plus performants, devenir meilleurs. À toute petite dose, ces alertes peuvent certes nous aider à conserver notre sécurité ou à mobiliser notre énergie vers un objectif à atteindre, ou à rester connecté avec les autres. Mais lorsque ces critiques sont fortes, à charge, généralistes et interprétatives, elles subissent de puissantes distorsions et attaques qui entravent nos capacités, qui nous limitent.

De plus, ces critiques des événements ou des attitudes du passé nous donnent une illusion de contrôle (« si je n’avais pas fait comme ça, tout se serait bien passé ») et l’impression que nous pourrions avoir prise sur le futur, comme si celui-ci était prévisible. Elles créent une tension, une émotion forte qui déclenche encore l’alerte, qui vient empêcher ou diminuer l’empathie, en particulier envers nous-même, et c’est un cercle vicieux.

Nous cherchons à être parfaits, sans défauts à nos yeux et aux yeux des autres, mais comme personne ne l’est, nous souffrons de cette imperfection au lieu d’apprendre de nos erreurs autant que de nos réussites.

Tout ce qui nous arrive n’est pas de notre faute. Nous ne pouvons pas tout maîtriser.

 

L’auto-jugement ne porte-t-il pas aussi préjudice à nos relations aux autres ?

Le problème de cette autocritique, lorsque nous sommes coincés dedans, est que nous devenons défensifs. Nous nous jugeons nous-même et nous jugeons les autres ; nous nous punissons et punissons autrui. En fait, nous manquons l’occasion de nous regarder avec douceur et honnêteté, de voir quel rôle nous avons eu – ou pas – dans les événements qui nous déplaisent, et comment nous pourrions apprendre et grandir à partir de cela. Nous jugeons et regrettons le passé au lieu de nous tourner vers l’avant en apprenant de nos expériences.

Deuxièmement, lorsque la critique est dirigée contre une autre personne, nous perdons la possibilité d’avoir une conversation directe, honnête, ouverte et empathique avec elle, de regarder où se situent les responsabilités et de proposer une évolution, un changement. Mettre les personnes face à leurs responsabilités, respectueusement et honnêtement, au lieu de les critiquer dans leur dos, de les pointer du doigt ou de les attaquer, demande du courage et une conscience de soi. Quand nous blâmons, que ce soit nous-même ou les autres, nous nous dirigeons rarement vers le changement. Cela correspond plutôt à une stratégie de contrôle ou d’évitement. Or, si nous résistons à nos émotions en les étouffant, en les attaquant ou en les projetant vers l’extérieur, elles persistent et risquent de gagner en force. Par rapport aux autres, nous sommes inquiets de ce qu’ils risquent de penser de nous, et nous ne pouvons pas le contrôler. Nous sommes des êtres grégaires et la peur d’être rejeté, la honte, dictent beaucoup nos pensées et nos comportements. Nous essayons d’être sans reproches, à nos yeux et aux yeux des autres.

Cette impossibilité de savoir ce que pense l’autre déclenche des émotions de doute, de peur, de honte et de colère qui entraînent, de notre part et à notre encontre, des critiques et des reproches. Au départ, ces autocritiques ne sont pas nos ennemies. Elles sont là pour nous questionner, pour nous apprendre à faire des compromis, pour nous aider à nous conformer, à nous intégrer, mais si nous les croyons aveuglement, si elles sont trop puissantes, elles finissent par nous empêcher de vivre. Nous perdons confiance en nous, nous muselons toute spontanéité. ”Radio critique” s’allume dans notre tête sans nous laisser de répit : « Tu dis n’importe quoi », « tu as l’air bête », « tu t’habilles mal », « elle n’est pas drôle ta blague »…. Nos relations sociales risquent de n’exister qu’au prix de nous interdire toute expression, de nous maintenir dans l’interdit de parler, de partager.

Sans nous en rendre compte, ces autocritiques parlent de nous, non pas tels que nous sommes, mais comme nous avons très peur d’être. Ce sont donc souvent des alertes qui n’ont aucun caractère de vérité, mais nous font souffrir.

Puissions-nous tous blâmer un peu moins, aimer un peu plus et prendre la responsabilité douce, courageuse et compatissante de notre vie.

 

Qu’est-ce qu’un schéma, et en quoi ceux-ci peuvent-ils influencer négativement notre rapport à nous-même ?

Développés par Jeffrey Young, les schémas sont des pensées, des souvenirs, des émotions, des sensations physiques qui nous concernent nous-même ainsi que notre vision des autres.

Ils ont plusieurs sources : l’attachement à nos parents (qui peut être plus ou moins sécurisé), l’environnement social ou familial (notamment notre mode d’éducation), les relations avec la fratrie, le milieu scolaire. Ils ont aussi une origine biologique avec le tempérament (timide, sociable, extraverti…). Les expériences traumatisantes entrent également dans la formation d’un schéma : la maladie d’un proche, un abus sexuel, le divorce des parents vécu comme un abandon, le harcèlement à l’école, des expériences de trahison…

Les schémas peuvent induire une perception erronée ou des distorsions cognitives de la réalité, ce qui provoque parfois des émotions fortes et disproportionnées par rapport à une situation – colère intense, grande tristesse, honte, culpabilité. Ces schémas nous font réinterpréter les évènements à travers un prisme déformant. Young en a décrit 18 (parmi lesquelles la méfiance, le rejet, l’abandon, le pessimisme, l’assujettissement…). Ainsi, une personne qui possède un schéma de rejet aura tendance à vivre de nombreuses situations de son quotidien comme autant de marques de rejet qui la feront souffrir plus que quiconque. Ce filtre mental lié aux schémas donne donc naissance à des émotions douloureuses qui, elles-mêmes, peuvent provoquer des réactions inadaptées pouvant mener à des comportements d’auto-sabotage.

Il existe deux grandes périodes au cours desquelles les schémas se forment : l’enfance et l’adolescence. Mais ils peuvent aussi se constituer à l’âge adulte si on est confronté à une expérience traumatique (un grave accident de voiture peut nous conduire à développer un schéma de peur, de danger, de vulnérabilité).

Pris dans ces schémas dysfonctionnels, nous allons parfois jusqu’à saboter notre vie, car ils nous font prendre toujours les mêmes mauvaises décisions ou font que nous sommes attirés par des personnes toxiques. Cela semble paradoxal, mais nous tendons à réaliser nos schémas dysfonctionnels. Par exemple, quelqu’un qui a un schéma d’abandon peut le ressentir douloureusement lorsque son conjoint va boire un verre avec des amis sans lui. Et quand il ou elle rentre, les reproches pleuvent. Certaines personnes marquées par ce schéma peuvent avoir tendance à gâcher les relations affectives malgré elles, en rendant la vie impossible à leur partenaire, voire à précipiter les ruptures confirmant leur croyance profonde que, quoi qu’il arrive, les gens vont bien finir par les abandonner.

 

Quelles sont les clés pour devenir son propre meilleur ami ?

Apprenons à nous respecter, à nous aimer inconditionnellement.

Au lieu de nous critiquer, de nous condamner pour nos erreurs, essayons de nous soutenir, de nous apporter chaleur et tendresse, comme le ferait l’ami le plus fidèle.

Parlons-nous intérieurement avec indulgence et douceur, reconnaissons ces schémas dysfonctionnels qui ruinent notre existence pour s’en dégager et aller vers une vie plus heureuse, en accord avec nos valeurs.

Cette bienveillance pour soi n’est ni de la complaisance ni de l’égoïsme ni de la mollesse, mais simplement un chemin d’ouverture et d’acceptation de qui nous sommes, dans notre humanité, aussi imparfaite soit-elle.

Devenir son propre ami implique un vrai travail de transformation afin de changer le rapport de soi à soi. Pour cela, les pratiques méditatives d’auto-compassion peuvent se révéler d’une grande aide.

Concrètement, lorsque la voix de l’autocritique se présente, nous pouvons simplement en prendre conscience, sans nous identifier à elle. Si nous nous reconnaissons en elle, nous devenons cette voix. Nous ne pouvons pas la discuter puisque nous y sommes collés. Puis, dans cette distance, il nous est possible d’ouvrir notre curiosité aux sensations corporelles et aux émotions présentes autour de ces pensées critiques, en tâchant de comprendre à quoi elles nous servent. « Pourquoi est-ce que je pense à ça ? », « de quoi ai-je peur ? », « ah ! je me traite de nul.le et m’interdit d’aller à cette soirée car j’ai trop peur d’être jugé.e. Ne pourrais-je pas m’y rendre malgré tout, parce que j’en ai vraiment envie, et prendre ce petit risque d’ailleurs peu probable étant donné que les personnes qui m’invitent m’aiment aussi beaucoup ? ».

Nous réservons alors une place à ces autocritiques, sans les combattre, tout en entrant en dialogue avec elles au lieu de leur obéir. Elles nous alertent simplement. Nous pouvons même représenter ces autocritiques comme un personnage anxieux, ronchon, perfectionniste, qui provient souvent de notre éducation, de la partie la plus vulnérable de nous-même, qu’il essaie de protéger. Au lieu de nous battre contre lui ou d’être soumis aux réactivités émotionnelles et aux jugements qu’il occasionne, écoutons-le, questionnons-le, voyons quels sont nos ressentis et répondons-lui en nous reliant à nos valeurs, à la façon dont nous avons envie de vivre, quitte à sortir de notre zone de confort en lui désobéissant. Nous pourrions même remercier une autocritique : « merci de m’avoir alerté, mais je ne vais pas forcement faire comme tu dis ! ». Se relier à son cœur, croire en soi.

Pour développer une bienveillance envers nous-même lorsque nous sommes dans l’autocritique, nous pouvons reconnaître que cela nous blesse et nous stresse de penser ainsi, et nous apporter, à la place, beaucoup de tendresse en posant notre main sur notre cœur ou notre ventre, et en admettant par exemple que « c’est difficile » que « ça me blesse ». Nous pouvons aussi reconnaître que nous ne sommes pas les seuls a vivre ces difficultés, puis nous donner un moment pour respirer, pour ressentir ce qu’il se passe en nous-même.

Afin de nous accompagner dans une période difficile et d’éviter de nous critiquer, pourquoi ne pas encore penser à un moment où nous étions au meilleur de nous-même ? Se souvenir de notre posture : peut-être nous trouvions-nous plus grand ou grande, peut-être notre regard allait-il plus loin, plus haut, peut-être notre respiration était-elle plus ample et tranquille. Le corps peut alors se souvenir lui aussi et nous nous sentons bien mieux, plus stables, prêts à faire face à la vie avec plus de confiance et de ressources insoupçonnées.

 

Comment faire du confinement que nous vivons actuellement un tremplin vers soi-même ? Auriez-vous quelques exercices à appliquer pendant cette période pour initier cette nouvelle relation de soi à soi ?

Profitons de ce confinement pour nous réinventer, pour apprendre à prendre soin de nous, à cultiver nos ressources intérieures, et à nous relier aux autres en veillant sur eux.

Ce temps qui nous est imposé peut provoquer chez certains d’entre nous une montée de stress, de peur, d’inquiétude pour soi-même ou pour sa famille, une anxiété pour l’avenir. Tandis que d’autres vont ressentir de la colère, de la tristesse, ou bien encore de l’ennui, de la frustration.

Alors, au lieu de ruminer sur la situation, de tourner en rond dans son appartement, peut-être est-ce l’occasion d’apprendre à prendre soin de soi. D’abord en s’apaisant, en calmant toutes ces émotions fortes. Pour cela, nous pouvons nous déconnecter des écrans – sauf s’ils sont un outil de travail – car regarder en boucle les informations est source d’anxiété.

À la place, essayons d’apprendre à vivre en pleine conscience, en étant davantage présents dans l’ici et maintenant. À chaque fois que nous entamons une activité, tournons notre attention sur ce que nous sommes en train de faire, à travers nos sens qui nous ancrent dans l’instant. Nous pouvons ainsi développer à chaque seconde cette conscience attentive au lieu de faire les choses de façon automatique et la tête ailleurs. Sachons profiter de tout ce temps comme d’un cadeau qui nous est fait pour transformer notre quotidien en petites perles de pleine conscience qui ne peuvent que nous apaiser et nous réconforter. Quand nous mangeons, réalisons quelle texture, quelles saveurs, quelle goût a la nourriture ; quand nous nous douchons,  prenons conscience de la sensation de l’eau sur notre peau, du relâchement musculaire, de la détente.  Si nous parvenons à cultiver davantage de pleine conscience dans toutes les petites activités que nous effectuons, nous nous apercevrons ainsi qu’une simple journée peut regorger d’une multitude de petits moments agréables qui sont autant de ressources pour prendre soin de soi. Et pour aller plus loin, nous pouvons choisir volontairement d’effectuer des activités qui nous font du bien ou qui nous procurent la satisfaction d’une tâche accomplie.

Enfin, pour mieux nous aider à réguler nos émotions, nous pouvons pendant quelques minutes nous connecter à notre respiration, à l’inspiration et à l’expiration, à ce mouvement de vie en nous.

Nous calmer, prendre soin de nous, nous permettra de mieux nous ouvrir aux autres. De nombreuses études en psychologie positive ont montré que notre moral était meilleur quand nous pouvions allier nos actions et nos valeurs, notamment en réalisant des projets au service de plus grand que soi, de ce qui dépasse notre simple ego. En ce temps de confinement où chacun peut se sentir isolé, seul, séparé des autres, pourquoi ne pas apprendre à nous relier en développant notre altruisme, notre capacité d’entraide, plutôt que de nous enfermer en nous-même ? Pour cela, peut-être pourrions-nous proposer à nos voisins, à des proches plus âgés, à notre pharmacienne ou à notre médecin de faire leurs courses pour les soulager. Nous pourrions encore créer une chaîne de soutien téléphonique pour apporter réconfort à nos amis ou aux personnes qui sont isolées.

Sans nier la difficulté du moment et les conditions plus ou moins confortables de cette période, il est possible aussi de repérer dans nos journées des moments qui nous font du bien, qui sont beaux ou drôles, émouvants ou énergisants : un rayon de soleil, la nature qui fleurit, une blague… Ressentir leurs effets sur notre corps, notre respiration qui s’amplifie, la détente qu’ils procurent et les sourires qu’ils provoquent. Cultiver de la gratitude envers tous ces éléments, nous rendre compte qu’ils sont comme un cadeau qui nous est offert et dont nous pouvons profiter si nous le reconnaissons.

Gratitude aussi pour toutes les personnes qui participent à notre vie, qui continuent de travailler pour que nous puissions nous restaurer, les cultivateurs, les magasiniers. Bien sûr, les soignants, mais aussi tous ceux qui font fonctionner les infrastructures, etc. Ces pratiques de gratitude nous transforment et nous aident à être plus heureux, à avoir une vision plus large, à voir au-delà des choses qui fâchent ou qui font peur.

 

Propos recueillis par Aubry François

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Des soignants formés à l’École de la Présence Thérapeutique vous accompagnent bénévolement pendant cette période

Chirurgien puis psychothérapeute, Thierry Janssen a ensuite crée l’École de la Présence Thérapeutique, à Bruxelles, centre à la fois spirituel et psychologique dans lequel des soignants de tous horizons (médecins, infirmières, kinés, psychothérapeute, psychiatres, psychologues) viennent se former et où des praticiens des médecines dites alternatives ou complémentaires interviennent régulièrement. Au fil d’un parcours de trois années, ces soignants apprennent à laisser la conscience s’éveiller en eux et comprennent quels aspects de leur personnalité peut les empêcher de créer une réelle relation thérapeutique, autrement dit de guérison intérieure et extérieure.

Accompagné d’une centaine d’anciens élèves de l’école, Thierry Janssen a constitué deux cellules de soutiens pour les personnes qui sont confrontées à des difficultés au cours de cette pandémie. Une première cellule de soutien est réservée aux personnes qui, confinées ou pas, ressentent un besoin d’être accompagnés dans une réflexion, une prise de distance, un apaisement qui permette de redonner du sens. Et puis une autre cellule de soutien est destinée plus spécifiquement aux soignants qui sont particulièrement sollicités en ce moment.

Les séances proposées au sein des cellules de soutien se déroulent en visioconférence (Skype, Zoom, WhatsApp vidéo, etc.), soit lors de rencontres individuelles (d’une trentaine de minutes), ou encore lors de groupes de partage avec un petit nombre de participants.

Pour connaître la liste des praticiens bénévoles, suivez le lien suivant : https://www.edlpt.com/pages/cellules-de-soutien-psychologique-et-spirituel-pendant-la-crise-du-coronavirus

Cliquer sur la photo d’un praticien vous permettra d’obtenir des informations sur ses compétences et sur le type d’accompagnement gratuit qu’il offre. Vous pourrez enfin organiser un rendez-vous individuel ou rejoindre un groupe de partage.

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La librairie « Quand les livres s’ouvrent… » (Lorient) vous offre un accès gratuit aux vidéos du colloque « Être conscient »

C’est un cadeau offert à leur clientèle, aux lecteurs.trices fidèles à leur librairie mais aussi à tous ceux qu’ils ne connaissent pas encore. Poursuivant leur travail durant le confinement en l’inventant et le réinventant avec cette liberté qui les caractérisent et qu’ils ont chevillée au corps, Philippe et Chantal mettent à la disposition de chacun un lien permettant d’accéder à toutes les vidéos d’un événement unique qu’ils ont porté avec ferveur. Une très jolie occasion de découvrir les métamorphoses actuelles de notre humanité et les dernières découvertes autour de la conscience.

Connectez-vous tout simplement sur conferences.quandleslivressouvrent.com et inscrivez-vous afin de pouvoir écouter gratuitement les interventions de personnalités comme Laurence de la Baume (journaliste et réalisatrice), Miriam Glabier (auteure, journaliste, doctorante en psychologie), Corine Sombrun (auteure et cofondatrice du TranceScience Research Institute), Dr Kirsten Keesman, Jocelin Morisson (journaliste scientifique et auteur), José le Roy (philosophe, directeur de collection des Éditions Almora), sans oublier l’invité d’honneur, Stéphane Allix (journaliste et fondateur de l’INREES).

Enfin, pour penser vos prochaines lectures et recherches, n’hésitez pas à visiter le site de la librairie « Quand les Livres s’ouvrent… » car rien ne remplacera jamais les conseils personnalisés et avisés d’un libraire indépendant : www.quandleslivressouvrent.com

Vous avez la moindre question ? Contactez Chantal et Philippe au 02 97 64 60 10 entre 15h et 17h ou bien sur Facebook : www.facebook.com/quandleslivressouvrent/about/?ref=page_internal

 

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Et vous, vous les rangez comment vos livres ?

Que dit une bibliothèque de son propriétaire ? 

Nicolas Carreau : Elle dit beaucoup. Elle peut révéler le caractère, le sens de l’organisation, maniaque ou bordélique, les convictions politiques souvent, si l’on repère tel ou tel pamphlet. Elle parle de son enfance aussi, avec les livres jeunesse un peu abîmés que l’on a gardés. La bibliothèque – celle du salon en tout cas – est aussi là pour montrer aux autres ce que l’on lit. C’est un spectacle social. Comme les livres d’art posés sur les tables basses, nommés d’ailleurs très justement les ”coffee table books” Ils sont aussi là pour être vus. Pas seulement, bien sûr. Pour être consultés aussi.

Évidemment, la bibliothèque est aussi un élément du décor. On classe ses livres pour les retrouver, certes, mais aussi pour la beauté de leur agencement. La bibliothèque dit le gout esthétique du propriétaire : Les Pléiades sont bien visibles, les livres anciens aussi, s’il y en a. Les formats des différentes éditions sont rassemblés pour donner un ensemble harmonieux. La qualité du meuble lui-même (à monter soi-même, sur-mesure, précieux…) donne un indice de plus sur le propriétaire.

 

Considérez-vous le livre comme un objet sacré ? Quelles sont selon vous les vertus de la lecture ?

Avant, oui, j’avais tendance à sacraliser les livres. En tout cas à en prendre un peu trop soin. Jamais je n’inscrivais quoi que ce soit dessus. Mais depuis mes études d’histoire et d’autant plus depuis que je suis journaliste littéraire, je corne les pages, j’écris sans vergogne à l’intérieur des livres, et au stylo en plus ! D’abord, c’est beaucoup plus pratique que sur une feuille volante et ça permet de s’approprier complètement le livre, de lui donner une nouvelle histoire, la sienne.

Les vertus de la lecture sont nombreuses – et prouvées scientifiquement. La lecture développe l’empathie, éventuellement, mais pas toujours, elle permet d’améliorer syntaxe et orthographe. Mais bon, je n’aime pas trop défendre le livre de cette manière-là. La littérature est aussi – et peut-être surtout – transgressive, subversive, quelque fois vénéneuse, dangereuse. Et tant mieux. Le livre n’est pas, à mon avis, un médicament. Il ne fait pas forcément du bien, il ne rend pas heureux. En revanche, la lecture rend plus lucide.

 

Dans votre livre, vous allez à la rencontre de personnalités pour leur parler de ce petit monde qu’est leur bibliothèque. Et vous, vous les rangez comment vos livres ?

Ma bibliothèque est rangée assez basiquement. Je reçois une dizaine de livres par jour pour mon métier. Plus ceux que j’achète pour moi. J’ai donc une grande bibliothèque.  Six meubles remplis sur deux rangées pour chaque étape, pour gagner de la place. Je ne rapporte pratiquement plus de livres chez moi, sauf chef-d’œuvre, faute de place.  Mais je dois pouvoir retrouver un livre assez vite en cas de besoin. Il y a donc un secteur consacré à la littérature française, un autre pour la littérature américaine, une bibliothèque pour les Britanniques. J’en ai une qui rassemble les autres romans étrangers, de toutes nationalités. Une pour la science-fiction. Et une complète pour Alexandre Dumas. Je collectionne ses romans, toutes maisons d’éditions et toutes époques confondues. Et il a beaucoup, beaucoup écrit.

En revanche, mes livres ne sont pas classés par ordre alphabétique, sauf les Pléiades. Ce serait trop compliqué, parce que les grands formats sont dans le fond de la rangée et les poches devant. Ça voudrait dire classer par ordre alphabétique à l’intérieur de ces différents formats. C’est inutile de toute façon, je fouille tous les jours dans ma bibliothèque. Je sais où est chaque livre. À peu près…

 

Quel est le livre qui vous a le plus éveillé à la beauté de la vie ? 

La beauté de la vie… Peut-être les livres américains de Nature writing, la grande tradition américaine de la littérature de pêche à la mouche et des grands espaces, du Montana en particulier. Alors, ce serait : Et au milieu coule une rivière de Norman McLean. C’est incroyable à quel point la pêche s’accorde bien à la littérature. En lisant, on entend la soie qui vibre au moment du lancer. Il y a une sérénité, une tranquillité qui se dégage de ces romans-là, au milieu de paysages de rivières, qui mêle la fureur d’un torrent, parfois, au calme d’un matin d’été. La vie, au sens de la nature, est toute entière contenue dans ces descriptions.

Maintenant, si vous voulez parler des sentiments humains, je crois qu’il y a beaucoup – et on l’oublie souvent – dans les romans de Dumas. Dans le courage de d’Artagnan, dans la relation entre Edmond Dantès et Mercedes Herrera dans le Comte de Monte-Cristo, dans le ressentiment qu’exprime ce même livre et dans la rédemption du héros. Les tous derniers mots du roman résument la vie, d’ailleurs : « Attendre et espérer. »

 

Auriez-vous quelques bons compagnons de papier à suggérer pour nous autres confinés ? 

Il y en a que je conseille tout le temps : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur d’Harper Lee. Un mythe littéraire bizarrement pas assez connu en France. Ou Courir de Jean Echenoz. C’est le livre que j’offre systématiquement. C’est la biographie romancée d’Emil Zatopek, un coureur de fond. Ou Différentes saisons, un recueil de nouvelles de Stephen King qui renferme notamment La rédemption de Shawshank, adaptée en film sous le titre : Les Évadés.

Et puis, comme on a un peu de temps, je vous conseille les cinq tomes du Guide du voyageur galactique de Douglas Adams. C’est un roman culte, britannique, des années 70. Un humour à la Monty Python. L’histoire d’un terrien qui part en stop avec un journaliste qui travaille donc pour le guide du voyageur galactique, une sorte de guide du routard à l’échelle de l’univers. C’est un chef d’œuvre. Rien que les titres des différents volumes sont drôles : Le guide du voyageur galactique, Le dernier restaurant avant la fin du monde, La vie, l’univers et le reste, Salut, et encore merci pour le poisson et le dernier tome : Globalement inoffensive.

 

Propos recueillis par Aubry François

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Des sophro-comptines pour aider les enfants à vivre sereinement cette période

Suivre à tout instant la course effrénée de notre hamster cérébral nous conduit irrémédiablement à négliger notre corps et oublier tout ce que notre être profond nous dit de nous-même à travers ses mouvements, ses sensations, son état global.

Cette amnésie commence dès l’enfance, c’est pourquoi, après le recueil d’amour maternel Trente cette mère maintenant, la sophrologue Marcella tenait à rappeler aux plus jeunes qu’ils ont, avant tout, des mains et des pieds, un ventre et un cœur, des yeux et des oreilles.

Dans le livre de sophro-comptines Hop hop hop Je grandis, illustré par Marie Poirier, elle les convie, en poésie, à une célébration du corps, à un parcours de découverte de leur vie charnelle par les mots et les formes. S’appuyant sur la méthode sophrologique originelle, cette promenade expérimentale inspirée et guidée par le souffle ramène l’enfant vers son centre, cet espace personnel d’où il pourra accueillir les tensions du quotidien pour s’acheminer enfin vers le calme.

Pour écouter 5 sophro-comptines extraites du livre et partagées par Marcella, rendez-vous ici

 

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Comment tirer le meilleur du confinement, par Marie-Pierre Dillenseger

« Vide ton esprit de toute pensée. Laisse ton cœur être en paix. »

 

 (Lao Tseu, La Voie et sa Vertu)

 

Le confinement n’est pas entièrement nouveau puisque de nombreux pays ont connu le couvre-feu, le confinement dans les caves pendant les bombardements et la loi martiale, laquelle impose un contrôle strict sur la vie civile et les déplacements. Ce qui est nouveau, c’est le caractère international du confinement face à un ennemi commun et invisible.

Au début du confinement, l’angoisse a d’abord été associée au risque mortel de contagion et à la peur de la mort. Le problème était personnel, vital et logistique : ne pas attraper le virus, protéger ses proches, gérer le télétravail et les enfants. Depuis que les signes d’une stabilisation voire du recul de la pandémie apparaissent, les craintes deviennent collectives et économiques : comment sauver l’économie, inventer la suite, faire confiance aux dirigeants ?

Le face à face avec un problème global auquel personne ne peut répondre seul est inédit. La situation est anxiogène car la réponse individuelle est inopérante (et interdite). La solution ne peut être que concertée et collective.

Privés de nos capacités individuelles de décision, nous sommes confinés, sans visibilité temporelle, sans certitude ni même donnée fiable. Nous dépendons de décisions gouvernementales et de leurs variances nationales. Nous n’avons jamais été aussi connectés et autant isolés dans nos cubes, en suspens, en attente de clarification, dépouillés de nos habitudes et de notre liberté d’action. Les frustrations, l’angoisse et les interrogations en boucle sont absolument légitimes.

En lecture temporelle chinoise, 2020, l’année du rat de Métal véhicule une énergie puissante, comparable à une rivière qui entraine TOUT sur son passage. Les freins sont inexistants et en particulier les deux premiers mois de l’année (février et mars). Ces deux mois étaient porteurs d’une force exponentielle de renouvellement, de dissémination, de diffusion et de contagion. Devant cette vague irrépressible, force dynamique (yang), nous pouvions soit nous laisser entrainer par le courant sans résister, soit “créer du yin” c’est à dire du calme, de l’inertie, du surplace et de la lenteur jusqu’à ce que la vague se calme. Le confinement imposé à l’ensemble de la population en est une excellente version.

Habitués comme nous l’étions à dériver les résultats de nos efforts de productivité, voilà qu’il nous est demandé d’être agissants en ne faisant rien. « Rester chez soi sauve des vies ». Le changement de paradigme est colossal alors que s’évente au fil des semaines de confinement la possibilité d’un retour à l’avant.

En avril, mois du Dragon, la météo temporelle collabore au travail de freinage. La métaphore est celle d’une terre fertile, disponible et irriguée (terre, bois et eau). Encore faut-il résister à l’agitation, prendre son mal en patience et lui donner le temps d’agir. Le Dragon, le seul animal du Zodiaque chinois qui n’existe pas, témoigne d’un ailleurs, non pas farfelu et imaginaire, mais associé à ce que nous ne voyons pas encore. Le moment est encore périlleux mais la clarification est en chemin.

Le risque en attendant serait de céder, par besoin de réassurance, à la tentation de positions trop tranchées et de décisions encore prématurées. Ayons l’audace de la confiance en une intelligence collective en pleine gestation mais dont le terme se fait encore attendre.

Le monde d’avant est passé. Le suivant est à construire. Osons prendre et perdre le temps qui nous était encore il y a peu volé. Osons faire les listes de ce que nous ne voudrons plus jamais faire comme avant. Et celle encore plus importante de ce que nous nous promettons de faire différemment quand le monde se remettra à tourner rond. Tenons ces promesses. Collectivement, cela fait 67 millions de promesses, rien qu’en France.

Et si la peur est trop impérieuse, osons l’exercice de la panique :  deux fois, cinq minutes par jour, pendant cinq jours, trouvons toutes les raisons de paniquer. Vautrons-nous dedans. Puis, ouvrons grand une fenêtre, respirons un grand coup et remercions la vie d’être là.

 

Marie-Pierre Dillenseger

 

 

Retrouvez également son site ainsi que son dernier livre :

 

 

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Portrait © KenRivard_2019_MamaEditions

 

 

« Maintenant », le nouvel album du chanteur enchanteur Yor Pfeiffer

Longtemps mis à l’épreuve par la vie (ou par la mort), l’ancien prof de philosophie est néanmoins parvenu, par-delà les deuils et les écueils, à retrouver une invincible joie ! Et la musique n’y est pas pour rien.

Si le chanteur rayonnant et charismatique, qui aime faire rimer humour et poésie, esquive avec fougue les étiquettes qu’on cherche à lui coller, nous ne lui ferons pas offense en disant qu’il a pour langue les musiques du monde et pour rêve l’harmonie.

Fous-toi la paix, Émerveille-toi, Soutiens qui te soutient, Légalisons l’intelligence… Les titres des chansons de son nouvel album, Maintenant, en disent long. Son sourire aussi.

« On se sent un peu plus intelligent après avoir écouté ce bijou ».
Serge Marquis, docteur, spécialiste de la santé mentale au travail au Québec, auteur des bestsellers On est foutu, on pense trop et Le jour où je me suis aimé pour de vrai

“Superbe album ! Bravo, Yor ! J’adore !! Très juste et très réussi !! Belles paroles…
Saverio Tomasella, psychanalyste, docteur en psychopathologie, fondateur de l’Observatoire de l’ultrasensibilité, chercheur en psychologie et écrivain.

Yor raconte également son histoire dans le livre Je suis parce que nous sommes, paru aux éditions Ipagination, hymne à la résilience et à l’allégresse.

Pour l’écouter ou le soutenir : www.yorpfeiffer.bandcamp.com/releases

Pour en savoir plus sur Yor Pfeiffer : www.yor.mu

© Portrait : Denis Dommel

© Photo album : Marie Planchard