Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Comment tirer le meilleur du confinement, par Marie-Pierre Dillenseger
Les semaines défilent et nous voilà toujours confinés, sommés de rester tranquilles à contempler le monde d’avant qui s’éloigne et le monde de demain qui ne se profile pas encore. Ce monde, chacun est alors libre de l’imaginer depuis son propre univers intérieur. Praticienne des arts chinois consacrés aux forces spatiales et temporelles, l’écrivaine et conférencière Marie-Pierre Dillenseger, auteure du livre Oser s’accomplir (Mama éditions, 2019), s’appuie sur sa connaissance de la pensée chinoise pour nous livrer un texte particulièrement éclairant en cette période de maturation très lente et néanmoins fulgurante.
« Vide ton esprit de toute pensée. Laisse ton cœur être en paix. »
(Lao Tseu, La Voie et sa Vertu)
Le confinement n’est pas entièrement nouveau puisque de nombreux pays ont connu le couvre-feu, le confinement dans les caves pendant les bombardements et la loi martiale, laquelle impose un contrôle strict sur la vie civile et les déplacements. Ce qui est nouveau, c’est le caractère international du confinement face à un ennemi commun et invisible.
Au début du confinement, l’angoisse a d’abord été associée au risque mortel de contagion et à la peur de la mort. Le problème était personnel, vital et logistique : ne pas attraper le virus, protéger ses proches, gérer le télétravail et les enfants. Depuis que les signes d’une stabilisation voire du recul de la pandémie apparaissent, les craintes deviennent collectives et économiques : comment sauver l’économie, inventer la suite, faire confiance aux dirigeants ?
Le face à face avec un problème global auquel personne ne peut répondre seul est inédit. La situation est anxiogène car la réponse individuelle est inopérante (et interdite). La solution ne peut être que concertée et collective.
Privés de nos capacités individuelles de décision, nous sommes confinés, sans visibilité temporelle, sans certitude ni même donnée fiable. Nous dépendons de décisions gouvernementales et de leurs variances nationales. Nous n’avons jamais été aussi connectés et autant isolés dans nos cubes, en suspens, en attente de clarification, dépouillés de nos habitudes et de notre liberté d’action. Les frustrations, l’angoisse et les interrogations en boucle sont absolument légitimes.
En lecture temporelle chinoise, 2020, l’année du rat de Métal véhicule une énergie puissante, comparable à une rivière qui entraine TOUT sur son passage. Les freins sont inexistants et en particulier les deux premiers mois de l’année (février et mars). Ces deux mois étaient porteurs d’une force exponentielle de renouvellement, de dissémination, de diffusion et de contagion. Devant cette vague irrépressible, force dynamique (yang), nous pouvions soit nous laisser entrainer par le courant sans résister, soit “créer du yin” c’est à dire du calme, de l’inertie, du surplace et de la lenteur jusqu’à ce que la vague se calme. Le confinement imposé à l’ensemble de la population en est une excellente version.
Habitués comme nous l’étions à dériver les résultats de nos efforts de productivité, voilà qu’il nous est demandé d’être agissants en ne faisant rien. « Rester chez soi sauve des vies ». Le changement de paradigme est colossal alors que s’évente au fil des semaines de confinement la possibilité d’un retour à l’avant.
En avril, mois du Dragon, la météo temporelle collabore au travail de freinage. La métaphore est celle d’une terre fertile, disponible et irriguée (terre, bois et eau). Encore faut-il résister à l’agitation, prendre son mal en patience et lui donner le temps d’agir. Le Dragon, le seul animal du Zodiaque chinois qui n’existe pas, témoigne d’un ailleurs, non pas farfelu et imaginaire, mais associé à ce que nous ne voyons pas encore. Le moment est encore périlleux mais la clarification est en chemin.
Le risque en attendant serait de céder, par besoin de réassurance, à la tentation de positions trop tranchées et de décisions encore prématurées. Ayons l’audace de la confiance en une intelligence collective en pleine gestation mais dont le terme se fait encore attendre.
Le monde d’avant est passé. Le suivant est à construire. Osons prendre et perdre le temps qui nous était encore il y a peu volé. Osons faire les listes de ce que nous ne voudrons plus jamais faire comme avant. Et celle encore plus importante de ce que nous nous promettons de faire différemment quand le monde se remettra à tourner rond. Tenons ces promesses. Collectivement, cela fait 67 millions de promesses, rien qu’en France.
Et si la peur est trop impérieuse, osons l’exercice de la panique : deux fois, cinq minutes par jour, pendant cinq jours, trouvons toutes les raisons de paniquer. Vautrons-nous dedans. Puis, ouvrons grand une fenêtre, respirons un grand coup et remercions la vie d’être là.
Marie-Pierre Dillenseger
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