Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Le film de ceux qui avaient entrevu l’après-vie
Que se passe-t-il vraiment après la vie ? Vécues par des millions de personnes à travers le monde, les expériences de mort imminente (EMI) suggèrent des pistes de réponses pertinentes à cette question existentielle tout en réconciliant science et spiritualité. Dans le film Thanatos, l’ultime passage, de retour dans les salles après le confinement, le réalisateur Pierre Barnérias donne justement la parole aux expérienceurs, ces individus de tous horizons qui ont pu entrevoir une autre dimension de l’existence, ainsi qu’à des chercheurs reconnus qui consacrent leur temps à ce passionnant mystère. Il partage aujourd’hui ses impressions sur un thème qui commence enfin à toucher le grand public et qui possède un potentiel positif et transformateur, autant sur la vie des gens que sur notre vision du monde en général.
Happinez : Comment avez-vous eu l’idée d’un film sur le thème des EMI ?
Pierre Barnérias : Cela fait 30 ans que j’ai la chance de parcourir le monde au service d’une information qui donne du sens à notre existence. Soit à travers des enquêtes sur des faits inconnus ou rarement mis en lumière, soit sur des personnes dont les actions transforment le monde en profondeur.
La mort est un vrai tabou dans nos sociétés occidentales dirigées par le marché par le Marché avec un grand M. Et la peur l’alimente. Un homme heureux et apaisé par rapport à sa finitude consomme moins et mieux. Au 20ème siècle, l’homme occidental est à l’origine de la mort de 230 millions de personnes. Chaque année, l’homo sapiens dépense pas moins de 2.300 milliards pour se donner la mort et deux fois plus pour en échapper. La peur, on le sait, est souvent la source de bien des conflits et de guerres. En ces temps de confinement, elle se propage plus vite que le Covid 19, avec comme allié des médias de masse qui vous maintiennent dans une dépendance affective. S’attaquer à ce réel tabou me semblait avoir du sens.
Qui n’a pas peur de la mort ? Je ne connaissais rien aux expériences de mort imminente en 2016. Cela a été une vraie belle découverte. Cette enquête m’a transporté 30 ans en arrière car en 1988, ma vie a basculé à la suite d’un grave accident de moto. Je n’ai, certes, pas fait d’EMI, juste 15 jours de coma. Aucune fracture, aucune séquelle. Mais je me suis souvent questionné sur cet accident dont je n’ai aucun souvenir. Et pourtant, il a changé ma vie. C’est lui en effet qui m’a fait devenir journaliste alors que je m’apprêtais à choisir un tout autre métier. Et aujourd’hui, me voilà à enquêter sur les EMI. Juste retour des choses ? Peut-être…
Aussi troublantes soient-elles, les expériences de mort imminente sont encore loin de faire l’unanimité. Du sérieux de la question ou de son aspect extraordinaire, quelle dimension avez-vous souhaité privilégier ?
Les deux sont indissociables. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit et pensé ce film, non pas pour la télé, mais pour le cinéma. Ce sujet de l’après-mort ou de l’après-vie a vraiment tout pour toucher le grand public. Il est autant universel qu’énigmatique. Et l’enquête journalistique permet de le traiter façon captivante. Elle crédibilise le propos avec des spécialistes scientifiques qui consacrent leur vie à cette question, comme le Dr Jean-Jacques Charbonier ou encore le cardiologue néerlandais Pim Van Lommel. Les témoignages bouleversants propres aux EMI alimentent de leur côté l’imaginaire nécessaire au cinéma. Ces expériences offrent une émotion véritable que seule la réalité du documentaire rend possible. Il ne s’agit pas d’acteurs mais de vrais témoins. C’est un sujet aux nombreuses énigmes, avec un début et une fin comme on est en droit de les vivre quand on va au cinéma.
Quels arguments valables reste-t-il aujourd’hui aux détracteurs de cette hypothèse de la vie après la mort ?
Ils s’amenuisent. Ceux qui pensent que c’est le cerveau (en continuant de fonctionner après un arrêt cardiaque de plus de 45 secondes) qui fabrique ces EMI sont souvent les mêmes qui attestent d’une façon scientifique la mort d’une personne, qui se réveillera pourtant quelques heures plus tard à la morgue. Près d’une centaine de chercheurs travaillent aujourd’hui dans le monde sur la notion de conscience. Imaginer cela il y a encore quelques années était impossible. La médecine allopathique avance à grands pas. Un jeune médecin, le Dr Jean François Lallier, a notamment réalisé une thèse sur la conscience extra neuronale intuitive qui a reçu la mention très honorable. Il s’agit ici d’un document officiel de médecine.
Quelle a été la réaction du grand public à la sortie de ce film ?
Elle se situe au-delà de ce que j’aurais pu imaginer. Quand vous avez des salles pleines qui applaudissent à tout rompre à la fin du film, que des personnes témoignent avec des trémolos dans la voix qui font chavirer l’autre moitié de la salle, vous vous dites que ce film répondait vraiment à une attente, un besoin. Ce documentaire semble libérer la parole et soulager ceux qui ont vécu ce genre d’expériences. Après le confinement, le film retrouvera les salles, espace unique qui crée du lien et où les échanges avec le public enrichissent tout autant que le film. J’ai pu constater, lors de ma tournée, qu’ils étaient d’ailleurs nombreux à ne pas oser en parler jusqu’ici, mais osaient sortir de leur silence pour témoigner pendant les débats. Instant hors du temps, presque suspendu avec des témoignages entrecoupés de larmes, d’émotions communicatives… Des moments rares pour un réalisateur et qui resteront gravés. Ce film réunit des individus qui, hier, étaient rejetées par leur entourage car incomprises. La réaction a été telle que nous avons décidé de monter une chaine YouTube “Thana TV” pour recueillir et diffuser ces témoignages. Il y a déjà 10 000 abonnés.
Avez-vous déjà vécu une expérience qui aurait fait vaciller vos croyances ?
Toutes les expériences alimentent ma foi en l’Homme. Je reste subjugué par sa beauté, sa force et sa complexité, tout comme je le suis de cette nature infiniment belle et forte qui lui rappelle actuellement sa fragilité en l’invitant à retrouver sa place. Nous sommes tous issus d’un grand Tout. Nous provenons tous du même acte créateur. Je découvre néanmoins un univers que j’ignorais et dans lequel je me sens bien. Les personnes que j’ai rencontrées vous bousculent par leur bienveillance, leur gentillesse et vous poussent naturellement à croire en cette expérience indélébile.
En ce moment, énormément de gens ont malheureusement contact avec la mort. Avez-vous reçu des témoignages de personnes qui auraient vécu une EMI depuis les dernières semaines, des suites du coronavirus ?
Oui, cela commence. Pas plus tard qu’hier, un médecin belge a été salement malmené par le Covid 19 pendant 3 semaines. Il a été intubé en réanimation, placé dans un coma artificiel et dit avoir vu ce fameux “tunnel avec des proches décédés.” C’est toujours très intéressant d’entendre un médecin témoigner d’une expérience à laquelle la médecine ne croit pas, même si dans ce cas, le médecin, chef de service, n’a pas été déclaré mort par ses confrères. Je suis convaincu que nous allons recevoir d’ici quelques semaines bon nombre de témoignages qui iront dans le même sens.
Après avoir réalisé ce film, votre regard sur la vie a-t-il changé ?
Oui, sans aucun doute. On ne sort pas indemne d’une enquête et de ces rencontres exceptionnelles. Ces expérienceurs sont des cadeaux pour notre humanité. Ils nous révèlent à nous-même et nous font toucher du doigt l’infiniment grand. Je reste persuadé que le monde serait vraiment différent s’il avait conscience de cet “après”. La peur de la mort reste une peur ancestrale. La canaliser pour en faire un simple passage rendrait notre société plus juste et plus aimante. J’en suis persuadé.
Propos recueillis par Aubry François
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