Éviter le burn out émotionnel pendant le confinement…

Nous sommes dans une situation paradoxale. À peine sortis des très longues grèves de l’hiver, avec l’émergence de la puissante énergie du printemps, nous souhaitons nous lancer irrésistiblement dans de nouvelles activités, notamment à l’extérieur, ou initier de nouveaux projets. Or nous ne pouvons pas le faire…

Les mesures de restrictions imposées, aussi justes et nécessaires soient-elles, engendrent des contrariétés, des frustrations, des empêchements de déployer nos idées créatives, nos désirs humains et notre énergie vitale.

À cela s’ajoute l’anxiété générale, la vigilance vitale, nos préoccupations pour notre santé et nos soucis légitimes pour nos proches. La surcharge affective nous guette, c’est-à-dire l’accumulation potentiellement trop lourde de pensées, d’émotions et de sentiments qui nous impliquent directement dans nos relations avec nous-mêmes et avec les autres.

 

Une charge affective particulièrement intense

En ce moment, chacun de nous fait face à énormément d’informations : sur le virus, la maladie, la pandémie et sa progression, avec son nombre de morts qui chaque jour croît de façon exponentielle ; des informations, bonnes ou mauvaises, qui arrivent des amis, de la famille, du voisinage, mais encore du travail, de la banque, de l’école, etc. S’y ajoutent les difficultés économiques qui émergent, en conséquence du confinement, les commerçants silencieux derrière leurs masques, les rayons vides des supermarchés…

Tant de questions très variées se posent alors à nous avec une très forte charge émotionnelle, principalement la peur pour nous, nos amis, notre famille ; la tristesse aussi, les rudesses de l’enfermement, surtout en ville, encore plus pour les personnes isolées, pour lesquelles la distanciation sociale provoque un désert humain très douloureux.

D’innombrables questionnements très vifs émergent inévitablement : sur le climat, la nature, la santé, l’immunité, l’alimentation, la solidarité envers les plus démunis…

Sans oublier ces proches qui ont besoin de déverser leurs lots d’inquiétudes, nous retenant parfois des heures au téléphone.

Lorsque nous sommes malades ou qu’un proche est malade, nous devons éviter la panique, trouver comment différencier une réelle détresse respiratoire d’essoufflements ponctuels passagers.

Autour de nous, alors que certains fuient les émotions (en banalisant ou minimisant la gravité de la situation), d’autres semblent avoir besoin d’entretenir les émotions, de les ressasser en dramatisant, exagérant, s’y complaisant parfois par morbidité.

Pendant ce temps, que nous le voulions ou non, nous sommes soumis à la contagion des émotions, une contamination d’un autre ordre mais tout aussi efficace.

Comment faire le tri et exprimer de façon juste nos émotions réelles ?

Rien de moins facile en ce moment !

Et pourtant… la vie continue autrement et de façon souvent plus humaine qu’avant le confinement, vieux temps du chacun pour soi et de l’activisme frénétique.

 

De nouvelles solidarités

On note l’apparition de nouvelles formes de solidarité spontanée, qui se manifestent autant par la circulation de recettes maison de gel hydro-alcoolique que d’indications pour se confectionner un masque, ou d’informations pour renforcer son immunité, notamment à partir de plantes, d’huiles essentielles, de mouvements de qi gong ou de yoga. Que ces procédés soient efficaces ou non contre le coronavirus, l’intention des personnes qui nous les communiquent est une preuve de sollicitude à notre égard, avec le souhait de nous aider.

Dans notre entourage, des personnes malades témoignent de leur parcours et de leur guérison : c’est rassurant et encourageant. Plusieurs initiatives pour développer des méditations communes reliées entre de très nombreuses personnes à distance donnent chaud au cœur, que l’on y participe ou pas. De même que les remerciements tous les soirs à 20h sur les routes ou les balcons, venant de millions de personnes qui soutiennent le personnel soignant !

 

Retrouvailles et découvertes

Le confinement permet de prendre le temps de se parler. On sort d’anciens jeux de société, on en invente de nouveaux. Des groupes WhatsApp se créent simplement pour communiquer plus facilement. Même à distance, nous pouvons nous envoyer des ondes positives, de bonnes vibrations, des pensées amicales, de l’affection, etc.

Certains sortent leur guitare et renouent avec le plaisir de chanter ensemble. On a le temps de faire un peu de gymnastique à la maison. On apprend forcément à supporter les petits défauts des autres, mais on leur découvre aussi des facettes insoupçonnées, ou oubliées du fait des habitudes. On se met à cuisiner ensemble, à tester de nouvelles recettes. On a le temps de faire le ménage à fond. Beaucoup de créativité semble surgir du fond de nos confinements…

 

Vers une compensation émotionnelle ?

Comme l’équilibriste, nous avons l’impression de marcher sur un fil.

Peut-être que nous pouvons essayer de compenser chaque sentiment douloureux ou émotion difficile que nous venons d’exprimer par une émotion ou un sentiment plus favorables, pour trouver une sorte d’équilibre, et ne pas trop peser sur nos proches. Nous pouvons aussi nous décharger en écrivant dans un journal intime tout ce qui nous angoisse, nous pèse ou nous révolte. Enfin, n’hésitons pas à sortir nos albums photos pour cultiver les bons souvenirs et en parler autour de nous !

Tout cela facilite le retour à l’équilibre émotionnel en favorisant la décharge du trop-plein affectif et l’expression de nos sentiments profonds.

 

Préparer l’avenir

Alors, une fois le danger éloigné et les peurs estompées, nous allons pouvoir profiter de ce temps de confinement pour élaborer et mettre sur pied un projet qui nous tient à cœur. Oui, c’est le moment d’inventer, de créer quelque chose de complètement nouveau. Il ne s’agit plus d’agir pour se mettre en valeur soi – nous l’avons tellement fait –, mais d’apporter des innovations qui soient bonnes pour tous, qui profitent à tous. Il existe des moments clés durant lesquels le cours de notre existence peut prendre une autre direction… Alors, ne manquons pas ce rendez-vous avec nous-même !

 

Saverio Tomasella

 

@ Photographie : Eric Malherbe

Le témoignage d’un « zèbre » qui a mis son expérience au service des autres

Happinez : Qu’est-ce qu’un zèbre et qu’est-ce que cela implique au quotidien ? 

William Réjault : Zèbre, c’est le surnom affectueux qu’on donne aux adultes surdoués, hypersensibles, un peu à côté de la plaque, parfois, ou carrément trop dedans, souvent. 2% de la population est considérée HPI (haut potentiel intellectuel) et j’en fais partie depuis mon diagnostic tardif à 42 ans, suite aux attentats du Bataclan. C’est ce que je raconte dans mon livre.

J’ai un parcours de vie en zig-zag et j’aurais bien aimé mieux me connaître, plus tôt, pour peut-être avoir une carrière différente. J’ai commencé comme infirmier, j’ai ensuite travaillé dans une grande maison de disques, puis pour Zazie, j’ai été chroniqueur à la télévision puis je suis passé en régie m’occuper des réseaux sociaux d’une grande chaîne de télé… et j’ai bifurqué consultant en communautés pour un grand groupe agroalimentaire ! Une seule constante, un seul fil rouge : le besoin d’apprendre, permanent, et le désir de répondre aux demandes professionnelles les plus variées, de tout mon être. On vient me chercher car je suis « l’homme qui murmure aux oreilles des communautés”… J’ai écrit 8 livres, depuis une dizaine d’années. Si je devais résumer qui je suis, je dirais : curieux de tout, empathique à toute onde émise et désireux de partager ce que je sais. Au quotidien, ça donne forcément des hauts et des bas émotionnels, des grands moments de bonheur et rarement l’occasion de s’ennuyer !

Comment parvenir à faire de cette singularité un moteur plutôt qu’un frein à l’épanouissement ?

D’abord en reconnaissant que la différence est une chance pour peu qu’on arrive à la faire rentrer dans un certain format, utile aux autres, sans se renier. J’ai rencontré une coach pro, sur ma route, Florence Auvray-Loney, qui m’a aidé à développer tout un potentiel si mal utilisé depuis des années. On a fait le point sur mes qualités, mes forces, mes talents, mes limites aussi (les vraies et celles que je m’imposais) et j’ai reçu plein de clefs pour ouvrir toutes les belles portes que j’avais devant les yeux, sans forcer les serrures ! J’ai enfin connu la joie d’être moi, entièrement moi, dans un cadre professionnel pour la première fois de ma vie et d’être reconnu pour ma singularité. Il me manquait un langage, des grilles de lecture, des petits détails “évidents” mais que je n’avais jamais remarqués. Une fois intégré tout ça, j’ai pu mettre un tigre dans mon moteur.

Vous considérez-vous aujourd’hui comme un zèbre heureux ?

Oui. Ça m’est toujours compliqué de m’arrêter parfois et de me dire : oh là là, regarde, tu as de la chance, tu vis un moment magique, c’est le bonheur. Mais j’y arrive. Je traverse des moments de bonheur forts, quand j’écris, quand je médite, quand je lance un nouveau média pour une marque ou quand… je suis amoureux. Les années difficiles n’ont pas été vaines : j’éprouve beaucoup de gratitude pour les épreuves traversées, j’ai toujours appris dans ces moments-là des choses qui m’ont servi pour plus tard. Et si le bonheur, c’est de trouver sa tanière, d’être entouré de livres, d’avoir quelqu’un qui vous aime et d’entendre les petits oiseaux le matin alors oui, je le confesse, je suis heureux. Je n’ose pas le dire trop fort…

Vous êtes également médiateur pour les couples en difficulté. Quelles seraient vos suggestions pour vivre au mieux ce confinement à deux ? 

De ne pas vivre ensemble (rires) ! J’ai lu qu’il y avait eu une explosion de divorces en Chine suite au confinement, je n’ai pas été étonné. Comme disait un ami sur Facebook ce matin, avec malice : « On se marie pour le meilleur et pour le pire, mais pas pour se voir le midi ! ». J’ai ri, c’est tellement vrai. Je pense tout d’abord que c’est une formidable opportunité de faire le point sur son couple, de pouvoir vérifier que vous avez effectué “le bon choix de vie”, une personne avec qui vous allez vieillir et passer beaucoup, beaucoup de temps, dans des zones de plus en plus limitées. Si vous ne tenez pas ensemble sur ce confinement forcé, c’est peut-être une bonne chose. Vous savez quoi faire.

Je pense qu’il faut, comme pour tout problème dans le couple, c’est la chose la plus importante, se parler et exposer son angoisse : j’ai peur de ce confinement avec toi, j’ai peur de m’ennuyer, j’ai peur de me sentir envahi, j’ai peur de me mettre en colère, j’ai peur d’être malheureux avec toi entre ces quatre murs…J’ai peur de ne pas te connaître si bien que ça…Il y a tant de peurs (légitimes ou pas) derrière un mal-être. Et puis il faut se faire confiance : il y a toujours quelque chose de positif derrière chaque situation. Toujours. Cette crise, ce confinement, cette cassure dans le quotidien, c’est peut-être l’opportunité que vous attendiez depuis des années, la chance d’une vie, le moment où tout va basculer enfin pour vous dans la direction que vous choisirez. Alors souriez !

Propos recueillis par Aubry François

 

 

Découvrez le premier chapitre du roman « Cent millions d’années et un jour » de Jean-Baptiste Andrea

ÉTÉ

J’oublierai bien des choses, c’est inévitable, jusqu’à mon propre nom peut-être. Mais je n’oublierai pas mon premier fossile. C’était un trilobite, un petit arthropode marin qui n’avait rien demandé à personne quand mon existence percuta la sienne un jour de printemps. Une seconde plus tard, nous étions amis pour la vie.

Ses compagnons et lui, il me le raconta quand je fus en âge de le comprendre, avaient survécu à plu- sieurs extinctions de masse. À la lave et à l’acide, au manque d’oxygène, au ciel qui penchait. Et puis un jour ils avaient dû baisser les armes, reconnaître qu’ils avaient fait leur temps et se rouler en boule, bien au chaud au fond d’un caillou. Il fallait accepter la défaite, laisser la place aux autres.

L’autre c’était moi, Homo sapiens en pantalon trop grand, debout dans les hautes herbes d’un siècle encore jeune. J’avais été renvoyé de l’école communale, ce matin de 1908, pour avoir corrigé la maîtresse. Pépin n’était pas le nom d’un roi de France, comme elle le prétendait. C’était celui d’un chien, mon chien, un berger bleu que nous avions trouvé dans la grange. Il nous protégeait des esprits maléfiques et des chats errants – souvent les mêmes, tout le monde savait ça.

Mlle Thiers m’avait montré une illustration d’un petit barbu couronné, sous les lettres P-É-P-I-N dont il m’avait semblé, même si j’apprenais à peine à lire, qu’elles épelaient une preuve crédible de mon erreur. Lorsqu’elle avait demandé « Tu as interrompu la classe, tu as quelque chose à dire ? », j’avais répondu « La prochaine fois, j’aurai raison ». Elle avait écrit insolent à la plume sur mon carnet, souligné deux fois, et tu me feras signer ça à tes parents s’il te plaît.

Je rentrai directement par le chemin des Brousses avec mon insolence à deux traits et ma tête de victime. De tous les gars du coin, j’étais le seul qui aimait l’école, et j’étais le meilleur. Qu’est-ce que j’y pouvais, moi, si ce roi avait un nom de chien ?

Aux volets tirés de la chambre, je compris que je ne devais pas déranger ma mère. Dans ces moments, il lui fallait du noir et du noir seulement. Le Commandant n’était pas à sa place sur l’horizon, là où nos champs basculaient vers le village. Il n’y avait que Pépin, justement, sa jeunesse vigilante blottie dans le vent au sommet d’une butte. Il redressa sa bonne oreille et me toisa un instant, un peu roi c’est vrai, avant de se rendormir.

Je m’emparai d’un marteau, remède souverain à bien des problèmes. Il valait mieux s’en servir loin de la maison et je traversai un maquis de salades, tout droit, jusqu’au moment où une grosse pierre m’arrêta dans le champ du voisin. J’y superposai le visage de Mlle Thiers, un, deux, trois, et lui assenai un coup vengeur. La pierre s’ouvrit aussitôt, comme si elle avait fait semblant d’être entière. Et mon trilobite me regarda droit dans les yeux, aussi surpris que moi, depuis ses profondeurs.

Il avait trois cents millions d’années, et moi six ans.

 

***

 

 

– Destination ?

J’ai répondu terminus, l’endroit où je vais n’a plus de nom. Un simple hameau perdu au bout d’un jour d’été. Le type assis sous son parasol m’a tendu mon billet et s’est rendormi.

Devant moi une nuque ballotte, menace de rompre à chaque virage. Une vieille femme. Nous sommes les seuls passagers, elle, moi et cette chaleur de damnés qui coule par tous les interstices, joints usés, vis branlantes, fenêtres mal ajustées du véhicule. Mon front contre la vitre cherche en vain un souvenir de fraîcheur.

Umberto n’était pas au départ de la navette à Nice. Je l’attendrai là-haut puisqu’il le faut. Il prendra un autre de ces bus avec leurs drôles de pneus aux flancs tout blancs. Il montera pendant des heures lui aussi, pariant que la route ne peut plus continuer bien longtemps – il se trompera. Je ne lui ai pas parlé depuis un mois mais il viendra, j’en suis sûr, il viendra parce que c’est Umberto. Et je m’impatienterai, je tempêterai jusqu’à ce qu’il arrive, parce que je suis moi.

La nuque craque comme une brindille, la vieille s’est endormie sur son cabas. Une fillette était assise avec sa mère de l’autre côté du couloir il y a quelques instants encore, jambes étendues sur le cuir rouge. Je lui ai offert la socca que j’avais achetée sur le port – les premiers virages m’en avaient fait passer le goût. Elle m’a tiré la langue en louchant, dédaignant la galette de pois chiches. Sa mère l’a grondée, j’ai fait signe que ce n’était pas grave même si je pensais sale gosse. La mère et la fille sont descendues il y a peut-être deux heures, dans une autre vie. La route, elle, est toujours là. Et si tout commence souvent par une route, j’aimerais savoir qui a fait la mienne si tortueuse.

 

***

 

C’est un pays où les querelles durent mille ans. La vallée s’y enfonce, s’égare comme un sourire de vieillard. Tout au fond, pas loin de l’Italie,  un cyprès immense cloue le hameau à la montagne. Les maisons font cercle, se bousculent et tendent leurs tuiles brûlantes pour le toucher. Les ruelles sont si étroites qu’on s’écorche les épaules à les parcourir. Ici, la place est rare et la pierre la convoite. À l’homme, elle ne laisse que des miettes.

Le village ressemble à la photo que j’ai vue, floue, bue par du mauvais papier. L’épingle verte du cyprès et tout autour, un grand battement ocre de papillon agonisant. Derrière une  vingtaine de cigarillos, des faciès calcaires me dévisagent avec curiosité. Au milieu d’eux, membre à part entière de la communauté, un âne allonge sa tête curieuse. Le maire s’est avancé, main tendue et sourire de chicots.

La petite foule m’a entraîné, poussant, tirant, touchant pour s’assurer que j’étais bien le Professore, celui de Paris, parce qu’on n’en avait jamais vu un par ici et donc scusi, on ne savait pas à quoi ça ressemblait. On m’a servi un café comme seuls les Italiens savent le faire, goudron amer qui me rappelle mon enfance, quand je tombais et que je m’éraflais le genou. D’abord, on ne sent rien, puis vient cette gifle qui fait monter les larmes aux yeux, et le vertige du soulagement quand la douleur s’éteint.

Je les appelle « Italiens » alors que ces gens sont français depuis 1860, le maire l’a répété trois fois depuis mon arrivée, « de vrais Français, Professore », un doigt patriotique rebondissant sur son écharpe tricolore. C’est qu’ils n’ont rien perdu de leur terre d’origine, de l’autre côté de la crête. Tout en eux évoque la pierre. Leur peau, leurs mains, la poussière dans leurs cheveux. Elle les fait naître et elle les tue. Avant d’être maçon, menuisier, cocu, avant d’être brigand, riche ou pauvre, on est ici alpiniste. Comment s’en étonner ? Dès ses premiers pas, l’enfant de ces vallées se heurte à une paroi. Il lui faut bien apprendre à l’escalader ou il n’ira nulle part.

France, Italie, peu importe. Ce ne sont que des mots de gamins qui poussent des billes sur une grande carte en se chamaillant. Nous ne sommes nulle part, dans le ventre du monde, et cet endroit n’appartient à personne, à personne d’autre qu’à la science qui m’y amène aujourd’hui. En fin de journée, je me suis installé dans la chambre réservée à mon nom dans la seule locanda du village. Il flotte dans la pièce un parfum de grand âge. L’inconfort est absolu. Les volets, couverts d’une écaille mauve, ouvrent sur un horizon chamboulé. Vertical.

Sous ma fenêtre, un chiot patauge dans l’ombre du mur, tourbillonnant après sa queue. Il ignore encore qu’il ne la rattrapera pas, que d’autres ont essayé avant lui et qu’ils ont renoncé. Je connais ce chiot, mes lèvres s’arrondissent pour l’appeler, mais non, bien sûr, nous sommes le 16 juillet 1954 et Pépin est mort depuis quarante ans.

 

Extrait du livre Cent millions d’années et un jour, L’Iconoclaste, 2019 (p. 9-19), 18 €.

Portrait © Vincent Guth / Unsplash

 

Aux portes du printemps, initiez-vous à la sagesse des plantes

Happinez : Ce livre semble être la continuité de votre communauté Les Herbes Vives

Séverine Perron : La communauté Les Herbes vives, avec les lettres médecines mensuelles et le livre se sont nourris l’un et l’autre, durant 9 mois. Quand le livre est sorti, j’ai décidé d’ouvrir un nouvel espace plus universel : Nés de la Terre.

Les plantes ne sont pas qu’un truc de « bonnes femmes », si nous limitons les connaissances des herbes à des recettes de grands-mères ou de sorcières, nous restons attachés à un récit, qui n’a constitué qu’une partie de l’Histoire et dans une seule région du monde, l’Europe, à l’époque du Malleus Maleficarum (traité religieux contre les sorcières rédigé au 15ème siècle).

Il s’agit d’une vision limitante (et parfois volontairement entretenue) de nos savoirs autour des plantes, de nos traditions en matière de préparations – régionalisées et inscrites dans la culture celte, comme toute culture chamanique – et de notre lien à la Nature, qui détourne du véritable enjeu : la souveraineté des peuples (leur autonomie). Cette partie de l’histoire raconte aussi la séparation du mystique et du païen (dont l’origine latine paganos est aussi celle de paysan et de paix), du sacré et du sauvage, de l’intellect et du corps, de la science et du vivant.

Avec Nés de la Terre et le livre Alchimie végétale, j’ai posé cette intention de réconcilier ce qui a été séparé et de remettre en perspective tout ce qui entrave la liberté et la protection du vivant, à commencer par nos terres et nos cultures, dans notre ère moderne. La rencontre avec Laura Wencker a permis de faire de ce voyage une initiation visuelle et poétique de cette intention, retranscrite par ces arts visuels et notamment ces photographies magnifiques.

« Alchimie végétale » est un titre bien intriguant. La nature peut-elle constituer une porte vers la spiritualité ?

La Nature est une porte d’or vers le monde de l’Esprit. La Nature que nous voyons englobe toutes les manifestations physiques d’une intelligence collective appelée Matrice ou Mère par les indiens Kogis et partagée par d’autres cosmogonies animistes. Nous sommes parties prenantes de la nature et la manifestation d’un esprit, comme les plantes, les animaux, l’eau, le vent, la montagne. Comme la Nature, nous vivons des cycles et sommes sensibles à l’influence des éléments premiers : l’eau, la lumière (le feu), la terre, l’air. Chaque élément porte sa médecine et la Nature nous invite à une alchimie, à vivre nos cycles, de l’incarnation à la mort. Nos modes de vie occidentaux, notre vision du monde techniciste et anthropocène nous a fait croire que nous étions coupés de cela, avec l’illusion du contrôle et de la croissance. Aujourd’hui, les sciences quantiques réconcilient spiritualité et science, et les peuples ont besoin de croire en de nouveaux mythes fondateurs pour se projeter dans une nouvelle civilisation.

Alchimie végétale porte cette intention d’éveiller aussi bien à l’Esprit qu’à la Matière, dans une reconnexion simple et vraie à la Nature.

Quand avez-vous compris que vous ne vous sentiriez jamais vraiment à votre place dans nos sociétés de vitesse, de compétition et de profit ?

Très jeune, au travers de mes premiers contacts avec l’école, la société qui commence son processus de domestication pour devenir des outils de production. Plus tard, à l’Université, et même si j’aimais apprendre, vivre une vie en milieu urbain, assise toute la journée, avec une quantité d’informations à absorber, a été éprouvant, et mon corps a montré la disharmonie intérieure qui s’était installée, la maladie. Ce fut le début de mon initiation et d’une vie “adulte” qui s’est construite sur le fil, telle une funambule, avec comme seule boussole mon intuition et la conviction que de vivre comme je vis aujourd’hui était mon rêve, le seul. Je l’avais imaginé et nourri depuis mon enfance.

J’ai su m’adapter sans me perdre, créer les moyens de m’offrir des espaces pour servir ma vision par la création, cohabiter avec le monde moderne pour tisser un rêve collectif nouveau, puiser la force dans mes héritages paysans tout en prenant la liberté d’explorer des voies nouvelles. Ce fut une forme d’insurrection certes, mais pacifiste, qui a pris racine dans mon héritage de petite fille de résistants et émigrés. L’alchimie végétale et la poésie sont ma manière d’embrasser une dimension sensible pour porter un message en touchant le cœur des gens. C’est la vocation première de l’Art : interpréter le monde, atteindre la part sensible et universelle en chacun de nous et oser tisser du Rêve.

Sans forcément faire appel à des étiquettes comme celles de guérisseuse, de sorcière, ou de druidesse, pouvez-vous décrire qui vous êtes ?

Artiste animiste. Jadis, les arts médecines ne se limitaient pas à une connaissance technique, ils se tissaient avec l’âme du guérisseur (ou guérisseuse) et sa culture native, sa sensibilité, pour entrer en lien avec les autres mondes et en décrypter les messages, offrir des rituels de guérison, avec la préparation de plantes indigènes ou endémiques. Bien souvent, les femmes ou hommes médecines avaient aussi une manière d’exprimer leur vision du monde, sauvage et sacrée, par le chant, la danse, la musique, l’écriture, les symboles, la peinture… Ils étaient gardiens d’une vision pour la communauté et de sa stabilité, de l’équilibre avec les autres mondes, ils pouvaient être chef de famille, homme ou femme, servir la communauté avec leurs dons multiples.

Je me sens traversée par tout cela et mon quotidien est fait de tout cela. Marcher ma parole est une manière de garder une tenségrité (le fait de pouvoir tenir l’espace comme une toile d’araignée structurée, tendue mais souple également) et une intégrité qui sont essentielles à notre ère. Humaine avant tout.

Ce désir de transmettre particulièrement aux femmes est-il né justement d’un héritage féminin ? Et en termes de tradition, où avez-vous puisé votre inspiration ?

Après être partie en quête, dans des voyages personnels, dans la réalité physique et non physique, en écoutant les sages, en rencontrant des guérisseurs ici et ailleurs, et en comprenant les différentes cosmogonies des peuples racines et les différentes médecines holistiques millénaires telles l’Ayurvéda ou la Médecine Traditionnelle Chinoise, j’ai fini mon cycle d’apprentissage. C’est ici, sur mes terres natales, que j’ai appris les plantes de terrain en sauvage, avec une paysanne de 40 ans mon aînée, et que j’ai remonté le fil de nos propres traditions autour des plantes et rituels : de la médecine des simples, dite populaire transmise par mon arrière-grand-mère, à celle des femmes puissantes de l’Égypte antique.

La transmission arrive à un moment de notre vie, homme ou femme, où nous devons lâcher notre histoire et notre passé, nos espoirs et nos illusions, nos rôles ou nos missions, nos enseignements et nos maîtres, pour faire de notre expérience notre propre initiation. Ce n’est pas une question d’âge civil ni de diplôme, mais de cycle, d’alchimie personnelle en lien avec l’alchimie sociétale et collective. Trans-mettre, c’est aller au-delà de Soi, de sa propre quête, de son intime, vers l’universel. On m’a dit aussi que mon nom, Perron, veut dire « transmission » dans la culture pygmée.

Connaissez-vous un rituel d’entrée dans le printemps que vous pourriez partager avec nous ?

Nature et nature humaine sont liées.

Dans de nombreuses traditions, l’année débute au printemps, marquée par l’équinoxe, Ostara, le jour du réveil de la terre. Symbole de l’équilibre entre le jour et la nuit, c’est aussi la sagesse de l’union du féminin et du masculin, du soleil et de la terre. Le printemps est le temps de l’incarnation et de l’information – énergie dont la manifestation physique sera graine, puis feuilles, fleurs, fruits, graines… C’est le début d’un nouveau cycle. Le temps de l’éveil est symbolisé par l’œuf, célébrant le renouveau, la renaissance, la fertilité. Même si nous avons l’impression de vivre le chaos actuellement, chacun peut poser cette intention de choix, en soi et pour les autres. Chacun peut faire sa part et prendre cette responsabilité d’incarner le changement qu’il souhaite voir advenir en ce monde, pas seulement avec sa tête mais aussi le cœur.

Nettoyer en soi (son corps et sa psyché qui sont intimement liés) par un rituel de purification (cure de sève de bouleau ou décoction de racines de pissenlit par exemple) et pratiquer quotidiennement la méditation pendant quelques jours ou semaines.

Nettoyer sa maison et son jardin.

Profiter de ces temps creux qui invitent à un retour à soi pour faire le tri et s’inspirer pour manifester son rêve par des projets positifs, des idées fertiles, qui nourriront un rêve collectif fécond et désirable pour nos futures générations.

 

Propos recueillis par Aubry François

Visuels © Laura Wencker

 

Sabrina Philippe, le véritable sens de la rencontre avec soi

Happinez : Votre héroïne, Sophia, est loin d’être un symbole d’échec. En quoi peut-on pourtant dire qu’elle s’est trompée ?

Sabrina Philippe : On peut même dire qu’elle est un symbole de réussite, elle en a tous les attributs extérieurs. Mais la réussite extérieure ne signe pas toujours l’accomplissement. En réalité, elle se ment, s’oublie, se néglige, se maltraite même, sans en avoir conscience. Dans le tourbillon du succès, elle a oublié l’essentiel, elle-même.

Et puis, elle est l’esclave de son ego, ce que dans ce roman j’appelle l’ego altruiste. Elle est persuadée qu’elle contribue au bien être des autres et même de l’humanité, mais en réalité elle utilise cette fameuse « mission » pour servir sa propre cause, son ego, et son portefeuille… Alors qu’est-ce que la réussite finalement, briller dans les yeux des autres ou se connecter à notre lumière intérieure ?

 

Votre roman remet en question toutes ces méthodes de développement personnel qui font florès de nos jours…

Clairement, d’où le titre, Un développement très personnel. Aujourd’hui, c’est un peu la foire à tout, aux coachings peu scrupuleux, aux dérives spirituelles qui sont parfois dangereuses. Chacun y va de sa recette miracle, et ce roman en montre les limites. Il en montre aussi le côté lucratif, c’est devenu un énorme business. En tant que psychologue appartenant à un ordre qui a une déontologie, je suis souvent écœurée par ces pratiques qui surfent sur la souffrance. Alors autant le dire : il n’existe aucune méthode miracle, la clé se trouve au fond de vous-même, elle commence par une sérieuse remise en question et se termine par une main tendue. Car ne l’oublions pas, et c’est l’un des messages essentiels de ce roman, que vaut notre mieux-être personnel s’il n’est pas utilisé pour transmettre à notre tour ? Le défi est sans doute, plus encore à notre époque, de sortir du « personnel » pour tendre vers « l’universel ».

 

Vous donnez une place assez importante aux Évangiles dans votre livre. Quel regard portez-vous sur cette source religieuse ?

J’ai étudié beaucoup de textes religieux de sources différentes. Ils portent tous le même message, que ce soit le Coran, la Bible, la Torah et même l’enseignement de Bouddha. Dans les Évangiles, il est un peu plus abordable. Ces textes montrent le chemin vers soi-même pour se connecter au divin. Ils détaillent les différentes étapes pour que l’homme « animal » s’élève vers une conscience supérieure. Chaque phrase porte un sens caché extrêmement puissant. Alors dans ce roman, j’ai tenté également d’induire un sens caché, qui peut-être parlera à l’inconscient avant même que la conscience ne s’en empare. Il y a bien une histoire, une intrigue, mais chaque chapitre détaille aussi, au travers des aventures que va traverser l’héroïne, les différentes étapes de l’élévation spirituelle. Un petit indice pour les lecteurs, les prénoms des protagonistes… Pierre, Marie, Thomas, ils n’ont pas été choisis par hasard.

 

Vous évoquez la thérapie assistée par l’animal, spécialité que vous avez développée à une époque de votre carrière. Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?

J’ai choisi d’être psychologue pour pouvoir développer cette forme de thérapie très novatrice au début de ma carrière, surtout avec les chiens. Elle était inexistante en France, contrairement aux pays anglo-saxons. Puis, en tant qu’enseignante en psychologie, j’ai suivi les recherches de certains de mes étudiants qui s’intéressaient aussi à la thérapie assistée par l’animal.

Les choses ont un peu évolué mais il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. Seule l’équithérapie s’est réellement développée.

La plupart des entreprises menées avec des chiens le sont sous forme associative et bénévole, alors avec le temps, les enthousiasmes s’épuisent… Et pourtant, de nombreuses études démontrent que la médiation par l’animal comporte de grands bénéfices, surtout avec les enfants. Le chien, qui de plus est un animal accessible et que l’on peut aisément déplacer, est vecteur de vie, notamment dans le milieu hospitalier. Il permet également à l’enfant de verbaliser, de se socialiser. Peut-être que ce livre contribuera à de nouvelles initiatives, qui sait ?

 

Propos recueillis par Aubry François

Portrait © Roberto Frankenberg – Flammarion

 

Les cristaux, des alliés précieux de notre bien-être au quotidien. Rencontre avec Aurore Widmer

Happinez : Question très pragmatique pour commencer : faites-vous une différence entre les cristaux et les minéraux ?

Aurore Widmer : Le minéral est par essence un organisme regroupant différentes catégories de pierres, dont les cristaux ; tout comme le monde végétal regroupe de nombreux arbres et plantes.
Un cristal est ainsi une pierre semi-précieuse ou précieuse, créée par différents procédés naturels comme le refroidissement de la matière en fusion ou encore à partir de solutions hydrothermales. Chaque pierre possède ainsi sa propre composition, forme, couleur, texture, en fonction de la façon dont elle a été créée, au contact des différents éléments naturels.
Il existe des milliers de cristaux, tous plus fascinants les uns que les autres, provenant du monde entier. Certains ont la capacité d’apaiser notre mental, d’autres de soutenir notre guérison physique, certains développent l’empathie ou encore nous permettent de nous protéger face aux énergies dont nous n’avons pas besoin.
Les pierres sont utilisées depuis des millénaires par de nombreux peuples autochtones pour les soins, en Egypte à l’époque des pharaons pour embaumer les morts avant leur passage dans l’au-delà, ou encore au Moyen Âge comme symboles de prospérité. Il aura fallu attendre une nouvelle ère, pour que l’homme se reconnecte à la Terre, ses cycles et tout ce qu’elle peut nous offrir.

D’où vous vient cette passion pour les cristaux ?

Enfant, j’étais déjà fascinée par la beauté des pierres, je les collectionnais et arpentais les foires à la recherche de nouvelles pépites. J’étais persuadée de leurs capacités à nous soigner et je n’ai jamais questionné la magie, que je retrouve aujourd’hui tout autour de nous.
Je passais de longues heures à l’extérieur, au contact de la nature, à communiquer avec les animaux et écouter le bruit du vent dans les arbres. J’étais passionnée par ce que l’on peut appeler « ésotérisme » et je tirais déjà des cartes pour m’amuser dans ma chambre.
En grandissant, j’ai mis de côté cette connexion au subtil, avant de la retrouver lorsque je me suis réorientée. C’est une maladie qui est à l’origine de mon (r)éveil, car je n’étais pas à ma place. J’ai ainsi entamé des études en naturopathie, une « médecine » holistique qui considère le corps dans son ensemble et va au-delà d’une simple considération de la santé sur les plans physiques.
Je me suis alors retrouvée au milieu de ce nouveau monde qui est désormais le mien, entre chamanisme et méditation, entre yoga et phytothérapie, en perpétuelle recherche d’évolution et de vérité.
Les pierres font ainsi partie de mon parcours, elle m’ont accompagnée et m’accompagnent toujours lors de mes pratiques et quand j’en ressens le besoin. Je n’envisagerai pas de vivre au quotidien sans les solliciter.

La lithothérapie s’inscrit dans une conception de la santé à l’exact opposé de la médecine conventionnelle ou allopathique. Quels fondements d’un autre ordre vous permettent de prêter malgré tout crédit au pouvoir de guérison des pierres ?

Il n’y a malheureusement à ce jour aucune étude qui ait osé se pencher sur le sujet de la guérison par les pierres. Je base donc mes croyances sur mes expériences ainsi que mes ressentis.
Néanmoins, de nombreux chercheurs ont prouvé l’importance de la méditation ou le principe de résonance entre tous les éléments qui constituent notre monde. Nous sommes constitués de fréquences, que nous soyons humains, animaux, végétaux ou minéraux. Il est donc logique de croire que nous entrons tous en résonance les uns avec les autres.
C’est sur ce principe que se base la lithothérapie. Lorsque nous intégrons la présence et le fonctionnement de différents corps : physique, énergétique, émotionnel, mental et spirituel. Les pierres agissent ainsi avec nous sur ces différents plans, grâce à ce principe de résonance.
De plus en plus de médecines non conventionnelles démontrent jour après jour les bénéfices de leurs pratiques : acupuncture, magnétisme, phytothérapie, sophrologie… Nous sommes à l’aube d’une nouvelle vision. L’Homme commence à comprendre que nous sommes bien plus qu’une simple machine qui dysfonctionne sans raison.
Prendre en considération tous les plans de notre être et expérimenter l’impact des cristaux sur nous est ainsi la meilleure façon de se faire une idée, face à cette nouvelle façon de s’accompagner, en gardant le cœur et l’esprit ouvert.

Ne vous semble-t-il pas paradoxal que les pierres, éléments pleinement inscrits dans la matière, soient néanmoins un moyen choisi par l’humanité pour se rapprocher du spirituel ?

L’être humain a besoin de se raccrocher à du concret justement. Je pense que les pierres sont un moyen tangible pour nous de nous rapprocher du spirituel. Observer leurs différentes textures, couleurs et propriétés stimulent notre curiosité et notre intellect. C’est donc parfois par ce biais-ci que certaines personnes s’ouvrent à des notions plus holistiques de guérison.
Il est difficile pour notre esprit de nous connecter à des notions inconnues, que nous ne comprenons pas toujours. Passer par des outils et supports concrets comme les cristaux, le yoga, les huiles essentielles ou encore les techniques d’alimentation saine, permettent d’ouvrir de nouvelles portes avec douceur.
Je pense profondément que l’être humain est en train de s’éveiller, de se reconnecter à la nature, à ses cycles et sa sagesse. Les pierres sont donc naturellement une voie d’accès intéressante pour toutes les personnes en quête de sens.
Le seul point d’attention est de ne pas tomber dans le consumérisme inconscient, en pensant qu’une pierre est la solution à tous nos problèmes. Car malgré leur puissance et leur beauté, elles sont essentiellement des soutiens, afin de s’inscrire sur le chemin de notre responsabilité, de notre santé et autonomie.

Outre les propriétés d’une pierre, quels facteurs peuvent nous aider à faire notre choix ?

Le choix d’une pierre est une question qui revient régulièrement et il n’est pas toujours simple de s’y retrouver au milieu de ces milliers de merveilles ! Il y a différents critères qui peuvent nous aider, basés sur notre intuition et nos perceptions personnelles.
Tout d’abord, comme vous l’avez mentionné, nous pouvons sélectionner une pierre basée sur des besoins précis, en consultant les informations trouvées dans des livres ou en ligne. Cette démarche est intellectuelle et peut bien sûr convenir si nous savons ce dont nous avons besoin précisément.
Ensuite, nous pouvons choisir une pierre à l’instinct, lorsque nous sommes dans la boutique ou sur un salon spécialisé. Souvent nous sommes attirés par la pierre dont nous avons besoin avant même d’en connaître les bénéfices.
Si une pierre nous parait « éteinte » ou « fatiguée », c’est certainement qu’elle n’a pas été traitée avec délicatesse et bienveillance. La provenance est très importante mais également la façon dont elle est disposée et conservée.
Enfin, plus nous développons nos perceptions subtiles, plus nous sommes capables de « sentir » lorsque nous entrons en résonance avec un cristal. Pour ma part je le prends toujours dans ma main pour ressentir son énergie, je ferme les yeux et je prends un temps de connexion avec ce dernier.
Plus nous nous faisons confiance et plus nous sommes capables de faire les meilleurs choix pour nous et notre bien-être !

 

Pour en savoir plus : www.aurorelumiere.com ; vous pouvez aussi la suivre sur Facebook ou Instagram

 

Propos recueillis par Aubry François

Portrait © Nathalie Carnet

 

 

Pour une écologie joyeuse ! Rencontre avec Éric de Kermel

Happinez : Comment est né votre intérêt pour le monde naturel ?

Éric de Kermel : J’ai grandi entre l’Argentine et le Maroc et j’ai eu le privilège de découvrir une nature grandiose où l’homme est toujours appelé a beaucoup d’humilité car tout est plus grand que lui. Enfant, le scoutisme m’a fait vivre mes premières grandes émotions de nature et, en particulier les nuits à la belle étoile après des soirées passées autour d’un feu de camp.

Ensuite, et toujours aujourd’hui, j’ai pratiqué la montagne sous toutes ses formes. La montagne est mon écosystème de cœur, en particulier une vallée des Alpes, celle de la Clarée, où se déroule mon dernier roman Mon cœur contre la terre.

Puis j’ai pris la responsabilité du magazine Terre sauvage il y a plus de quinze ans. J’ai alors beaucoup voyagé et découvert la nature sauvage sur tous les continents. En même temps que je la découvrais, je prenais aussi conscience de sa dégradation. C’est cela qui m’a conduit à m’engager en faveur de la protection de la nature et plus largement sur le terrain de l’écologie.

Aujourd’hui, je vis dans une bergerie que nous avons restaurée dans les garrigues, du côté d’Uzès. Il faut suivre deux kilomètres de piste pour arriver chez nous. Les nuits étoilées sont ici aussi belles que celles que je voyais enfant quand je dormais à la belle étoile. J’ai un besoin irrépressible de nature, elle me répare, elle me ressource, elle m’entraîne dans son tourbillon de vie.

 

Dans un monde où “écologie” est pour beaucoup synonyme de “déni”, de “culpabilisation” ou encore de “sacrifice”, peut-on associer cette notion à la joie (et choisir durablement et efficacement le parti de la terre) sans avoir, au préalable, travaillé sur soi pour abandonner l’individualisme qui nous caractérise tous aujourd’hui ?  

Vous avez totalement raison, c’est une des notions que je développe dans Mon cœur contre la terre, sous la forme romancée, et dans Abécédaire de l’écologie joyeuse. Il ne peut y avoir de démarche durable et profonde qui ne commence pas par par une interpellation de nous-même. D’une certaine façon, je crois que la crise écologique interroge le sens même du projet de l’humanité ; et l’humanité, chacun en porte un bout en lui. L’écologie, qui est la culture des liens, nous propose de nourrir, parfois de recréer, trois liens qui, unis ensemble, forment une belle tresse de cohérence :

  • Le lien à soi-même. Ce que certains appellent une “écologie intérieure” : me demander quels sont les rythmes de ma vie, quelle place je donne à la contemplation, à l’épanouissement d’une forme de spiritualité (ce qui est différent de la notion de religion). Mais également qu’est-ce qui me nourrit : quel est mon rapport aux écrans, à ce que je mange, à ce que je lis, etc.
  • Le lien aux autres. Car, soi-même, c’est un peu limité quand il n’y a pas la rencontre avec l’autre, avec les autres. L’autre, c’est celui ou celle que j’aime, ma famille, mais aussi ceux que parfois je croise sans les voir, et également ceux qui sont loin, de l’autre côté de la Méditerranée et qui sont ces autres bouts d’humanité qui ne me ressemblent pas mais ont tant à me dire !
  • Le lien à la nature. Un lien rompu car les jeunes générations n’ont plus, comme c’était mon cas, de grands parents ou d’oncles à la campagne où vivre une relation sensible à la nature. Il est indispensable que cette relation ne soit pas qu’intellectuelle mais bien émotionnelle. Il est urgent que chacun comprenne que nous sommes DE la nature et non pas hors d’elle. Urgent que nous cessions de lutter contre mais que nous retrouvions une alliance merveilleuse avec tous les êtres vivants. Ce rapport avec les “non-humains” comme certains les nomment est indispensable pour que l’humain ne devienne pas comme une tomate espagnole, un être hors-sol.

 

N’est-il pas un peu utopique d’espérer préserver la planète par des actions à échelle humaine quand on constate les conséquences monumentales et souvent désastreuses des décisions prises au sommet des États ? 

Ce que je défends dans l’Abécédaire de l’écologie joyeuse, c’est qu’il n’y a pas pire position que celle de subir. Celui qui est assis devant BFM et qui, après avoir vu les images de l’Australie en feu, suit la comptabilité au jour le jour des morts du coronavirus, se trouve dans une situation de désespoir que son attitude entretient. Celui qui, par contre, s’engage dans le domaine culturel, politique, agricole, alimentaire, social, et rejoint d’autres femmes et hommes comme lui, participe à l’avènement d’un monde nouveau. Je suis frappé de voir combien sont heureux ceux qui, dans les territoires, ont fait ce choix de ne plus subir mais de s’engager. Ils nourrissent un nouveau récit ; Un récit du « c’est possible » comme l’a montré Cyril Dion dans son film Demain. En ce sens, les actions de chacun feront bien basculer le monde. J’ai trois filles et je vois bien que, par leurs actes, multipliés par ceux de millions de jeunes dans le monde, elles obligeront le monde des adultes à changer de modèle. Elles n’achètent plus rien de neuf, elles ne mangent plus de viande, elles pensent tous leurs projets en ayant le moins d’impact carbone, et ce sont des filles joyeuses ! La joie est non seulement un témoin de la justesse de nos vies mais elle est aussi un levier pour faire davantage, la plus belle des énergies avec l’amour !

 

Outre votre travail journalistique, par quelles actions quotidiennes se traduit votre démarche écologique ?  

Nous vivons dans une maison restaurée sans un gramme de plastique, parfaitement isolée. Un poêle la chauffe en hiver avec le bois que je coupe moi-même. Nous avons un forage que nous partageons avec nos voisins qui nous permet de boire une eau sans produit chimique ; un poulailler pour les protéines et un potager pour les légumes. D’ici quelques années, le verger que nous avons planté nous fournira des fruits.

J’ai bien conscience que ce mode de vie n’est pas adapté à tous. Il faut profondément aimer une forme d’isolement, ne pas avoir besoin de la ville et de ses attractions pour vivre ainsi. Mais en vivant comme cela, je suis cohérent avec moi-même. Je ne dis pas que c’est un modèle.

Mais mon engagement s’exprime surtout par tous les lieux où je m’implique, dans des associations locales, en faveur du parc naturel régional local, en m’opposant à l’installation d’Amazon dans la région. Et puis au niveau national. Je fais de nombreuses conférences. J’aime les lieux de débat, surtout quand ils me font dialoguer avec ceux qui ne sont pas comme moi. Je suis fondamentalement un médiateur entre des bords parfois opposés. Ce dialogue est indispensable. Les seuls écolos convaincus ne parviendront à rien sans aller au contact des autres, en les écoutant, en les respectant, car personne ne détruit la nature pour le plaisir ; plutôt par ignorance. Les gens ne sont pas plus mauvais qu’avant, ils sont simplement davantage perdus. Mes livres, et en particulier l’Abécédaire de l’écologie joyeuse, sont là pour ouvrir des portes, des fenêtres, poser des questions, et permettre à chacun de trouver ses réponses, son chemin.

 

Propos recueillis par Aubry François.

 

 

 

« J’irai décrocher la lune », un film sur la différence qui nous rassemble

Associée à une déficience intellectuelle et une apparence physique bien reconnaissable, la trisomie 21 n’est pas libérée aujourd’hui de l’aura de tension, de gêne, voire d’angoisse qui l’entoure souvent.

Autour de cette maladie, les problématiques pleuvent, et beaucoup se demandent quel sens peut revêtir l’existence de ces personnes, quelle place elles peuvent trouver au sein de la société et comment leurs familles gèrent les conséquences parfois pesantes de cette particularité.

Le film J’irai décrocher la lune nous fait partager quelques jours de la vie de Stéphanie, Robin, Elise, Gilles-Emmanuel, Éléonore et Mario, qui, tous, rêvent d’une vie ordinaire. Ces 6 personnalités attachantes nous confient, avec humour et sensibilité, leurs états d’âme, leurs réussites, leurs déboires et les dilemmes qu’ils rencontrent au quotidien et qui ont trait aussi bien à la maladie, au travail, au logement, qu’aux passions qui les animent intérieurement.

Tandis qu’ils nous livrent leurs témoignages sincères, sans filtre et sans complaisance, nous avons l’impression de retrouver cette part d’humanité que nous perdons parfois en nous fondant dans le creuset des normes. À travers ce film qui explore l’univers de la différence pour dépasser les préjugés et les peurs, nous développons un nouveau regard sur la trisomie 21.

« Mes héros combattent l’uniformité, recherchent l’équité sans gommer les particularités et nous interrogent sur les frontières de la normalité » raconte Laurent Boileau, réalisateur du film. « Faut-il les considérer comme tout le monde ? Peut-être devrions-nous plutôt nous considérer comme eux. »

Rendez-vous au cinéma le 18 mars.

© Ryan Holloway / Unsplash

 

 

Zones bleues… Vivre longtemps et en bonne santé : les secrets

Happinez :  Qu’est-ce qu’une zone bleue et qu’a-t-elle de particulier ?

Vincent Valinducq : Une zone bleue est une zone où il existe une hyper concentration de nonagénaires et de centenaires en excellente santé. Le nom « zone bleue » viendrait du médecin et chercheur italien Gianni Pes qui s’est rendu compte du phénomène dans le village de Seulo, en Sardaigne. Un jour, il aurait colorié – en bleu (d’où le nom) – sur une carte du monde quatre autres zones connues pour cette particularité : Okinawa au Japon, Nicoya au Costa Rica, Ikaria en Grèce et Loma Linda en Californie. Il existe d’autres zones qui n’ont pas encore le label officiel « zone bleue » mais qui en seraient. Peut-être qu’Angèle et moi auront la chance de nous y aventurer. L’une des caractéristiques de ces régions est l’isolement et, pour certaines, c’est même le côté insulaire ce qui les auraient protégées des maladies, de la mondialisation et notamment de l’utilisation de pesticides.

Notre longévité ne dépend-elle pas, en majorité, de notre terrain génétique ?

Non, au contraire. Il semblerait que notre patrimoine génétique ne soit responsable de notre longévité qu’à hauteur de 20%. Les 80% restants se répartissent notamment entre l’alimentation, l’activité physique et le lien social, ce qu’on regroupe sous le terme « épigénétique ». En agissant quotidiennement et assez facilement sur ces trois piliers, nous pouvons tous devenir acteurs de notre santé et de notre longévité.

Votre rencontre avec ces personnes âgées à la santé remarquable vous a-t-elle permis de dégager quelques règles générales de vie à observer pour bien vieillir ?

Oui beaucoup !

En ce qui concerne l’alimentation, les centenaires que nous avons rencontrés mangent de façon plutôt monotone, et similaire à celle de leurs aïeux. Évidemment, nous ne voulons pas adopter ce régime-là. En revanche, consommer, comme eux, des produits locaux, bio et de saison, et cuisiner le plus possible à la maison est à notre portée !

Pour le lien social, nous pouvons, dans la mesure du possible, prendre exemple sur ces familles qui incluent leurs aînés au sein du foyer. Le fait de ne pas être isolé les maintient en forme.

Quant à l’activité physique, ces super-papis ne s’arrêtent jamais de bouger ! Mais pas de salles de sports ni d’entraînements intensifs. Dans les zones bleues, on bouge « utile ». Que ce soit pour garder les bêtes, cuisiner, s’occuper du potager ou des enfants, ils sont toujours en mouvement !

Y a-t-il un seuil à ne pas dépasser pour espérer prendre sa santé en main ? Comment aider des personnes vieillissantes qui pensent qu’il est trop tard ?

Heureusement que non. Il n’est jamais trop tard pour changer ses habitudes ou son mode de vie. Il est évident que plus on s’y met tôt plus les bénéfices sur l’avenir seront importants. Cependant, au-delà de l’investissement que vous pouvez faire sur votre capital longévité, il vous est possible de ressentir un bien-être immédiat en étant entouré de vos proches, la satisfaction d’avoir pratiqué une activité physique (via les hormones secrétées ou tout simplement la fierté d’avoir trouvé la motivation pour le faire), mais aussi par le plaisir simple de « bien » manger. Chacun de nous doit essayer de changer ses mauvaises habitudes. Arrêtons de penser que le bien vieillir n’est que contraintes ou interdits ; par exemple, on sait que rire dix à quinze minutes par jour apporte beaucoup de bienfaits (cela diminue le stress et se révèle bénéfique pour le système cardiovasculaire, etc.) et je ne vous parle même pas des trois rapports sexuels par semaine qui, eux aussi, contribueraient à une bonne santé.

Auriez-vous quelques outils, techniques ou habitudes de bien-être qui vous ont particulièrement marqués ? Si oui, lesquels ?

En effet, d’autres phénomènes m’ont marqué, bien qu’ils ne fassent pas partis de « piliers  » officiels des zones bleus : le fait d’éviter le stress, la spiritualité, la respiration, l’optimisme, la joie de vivre… Ces personnes ne manquent pas une occasion de chanter, de rigoler, de partager, de faire des blagues et même encore a cent ans, de s’émerveiller ! À méditer donc, ou à appliquer directement (sans modération !).

 

Propos recueillis par Aubry François

© Huyen Nguyen / Unsplash

 

 

Il gravit les sommets de l’Himalaya pour les dépolluer

Si vous empruntez les routes enneigées d’un sommet comme l’Everest, ne soyez pas étonné de croiser, ça et là, des montagnes croissantes de conserves, de boîtes cartonnées et de bouteilles plastiques. Les responsables de ces formations géologiques improvisées ? Le changement climatique et les dernières décennies d’alpinisme. Il y a un peu plus de 50 ans, à peine 5 000 visiteurs se rendaient au Népal par an. Ils seraient aujourd’hui plus de 1 million. Et ceci n’est pas sans conséquence. Dans un pays pauvre qui ne peut que difficilement faire face à l’afflux de touristes, la pollution a tout simplement explosé.

10 ans après « Everest 2010 », Luc a choisi de renouveler ses efforts en se concentrant sur le Makalu, également nommé « Pyramide noire ». Entreprise risquée, même pour les alpinistes de très haut niveau, l’expédition de deux mois promet des moments d’ascension intenses et des nuits très longues sous la tente.  « Sur ce type de projet, la préparation physique et mentale est un réel facteur clé de succès. Sous-estimer la préparation physique serait une grave erreur. Au-delà de 6 000 m d’altitude, l’organisme humain est soumis à rude épreuve (perte de poids, d’appétit, perte de masse musculaire, manque d’oxygène, irradiation solaire…). Il faut partir avec un organisme à plus de 120 % de ses capacités. Pour la tête, c’est 200 % car avec le manque d’oxygène, en très haute altitude, au-delà de 8 000 m dans la zone de la mort, il ne vous reste que 20 % de vos capacités intellectuelles et physiques. » explique Luc Boisnard.

Mais « Himalayan clean-up », c’est aussi une manière d’œuvrer pour les populations locales népalaises. Luc Boisnard s’est ainsi rapproché de l’ONG « Montagne et Partage » pour reverser 10% de chaque don en faveur du projet à cette association qui fournit toute forme d’aide humanitaires aux nécessiteux dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’environnement ou encore du développement économique.

Pour en savoir plus ou suivre l’ascension : www.himalayan-cleanup.fr