Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Les conseils santé du Dr V. : Faire la paix avec l’étranger
Chères lectrices, chers lecteurs, j’ai décidé de stationner mon cabinet spatial parmi vous car, plus que jamais, il y a urgence à soigner les liens. Si je me préoccupais le mois dernier des vivants et des morts, il me semble aujourd’hui essentiel d’évoquer la peur. Et l’étranger en est le cœur, car moins on le reconnaît en tant que source d’enrichissement, moins on l’accueille, moins on lui laisse de place, plus la peur enfle. Le cercle est vicieux.
L’étranger est radicalement autre. C’est l’enfant qui naît, un voisin, un migrant. Considéré comme un « semblable », il perd son altérité ; on l’envisage à partir de nous-même et on lui ôte, au passage, tout ce qui fait de lui un être autonome (mystérieux… effrayant). L’étranger, c’est l’animal. Domestiqué, parqué dans un zoo, nous ne le craignons plus. C’est l’insecte nuisible, envahisseur incontrôlable qu’on éradique. L’étranger, c’est l’être imperceptible qui laisse des traces dans le réel : un dieu, un esprit, un mort, un monstre sous le lit : d’emblée confinés à l’intérieur de l’individu, ces « produits de notre imagination » restent inoffensifs. Et enfin, invisible, incontrôlable, surgit l’étranger mal intentionné par excellence : le virus.
Nous sommes programmés pour nous méfier de l’étranger. Or, dans tous les textes fondateurs, l’étranger est là pour nous apprendre quelque chose : il nous enrichit depuis sa différence, il sait ce que nous ignorons. Ce virus étranger nous met sous le nez une vérité vieille comme la mort : nous sommes impuissants à maîtriser le vivant. Et plus on empêche le vivant de vivre sa vie, plus il devient imprévisible, plus il nous fait peur, plus on le persécute… cercle infini.
Je crois que l’idéologie humaniste – l’humain et ses « semblables » sont au centre et à la source de tout – a fait son temps, et déjà trop de ravages. Ce virus nous offre l’occasion inespérée d’expérimenter un autre mode relationnel, fondé sur l’écologie. Regardons de plus près une forêt tropicale, ou même un lopin de terre en permaculture : chaque organisme y est une ressource irremplaçable, un puits de connaissance et de savoir-faire uniques. Chaque être y a une place, et se relie à l’autre sur le mode de la négociation. Je sais, ce mot n’est pas séduisant, mais l’autre terme, harmonie, me paraît encore hors de notre portée. En fin de compte, tout est peut-être une question de perception, d’espace et d’organisation.
Je vous prescris donc ce mois-ci un test. Si une mouche vous dérange, offrez-lui, sur une parcelle de votre espace, quelque chose dont elle aurait besoin, en échange de votre tranquillité (ça marche aussi avec les fourmis, les rats, les voisins).
Bon rétablissement,
Dr. V