Avec le Soleil, pas de surprises : en position ON, c’est le jour, en position OFF, c’est la nuit. Il nous donne de l’énergie et un joli hâle. Si on s’y expose trop longtemps sans protection, on brûle. Jusque-là, tout est clair. Avec la Lune, c’est une autre histoire. Associée par de nombreuses cultures à une énergie féminine, elle nous offre chaque jour un visage différent. Elle croît et décroît, brille ou se cache. Nombre d’entre nous ressentent consciemment ou non ses effets. Certains, par exemple, dorment mal les nuits de pleine lune, une période durant laquelle les enfants seraient plus agités que d’habitude. Mais comment notre satellite naturel agit-il exactement sur nous ?
La sagesse séculaire du yoga voit notre corps comme un univers en miniature, comme un reflet du ciel sur la Terre. L’énergie de la Lune réside donc aussi en nous, dans le côté gauche de notre corps, pour être plus précis. L’énergie vitale (prana) y circule dans un canal féminin, appelé Ida, et associé à l’énergie lunaire, au froid, à l’obscurité, au calme et aux émotions. Cette énergie est axée sur le rythme et sur la vie dans le présent. À droite, l’énergie circule dans le canal Pingala, associé à l’énergie solaire, à la chaleur, à la lumière, à l’action et à la logique. Cette énergie concerne les aspirations spirituelles et l’avenir.
La doctrine du yoga dénombre dans notre corps plusieurs dizaines de milliers de canaux où circule l’énergie vitale. Ida, Pingala et Sushumna – dont nous reparlerons plus bas – sont considérés comme les plus importants. Situés autour de la colonne vertébrale, ils sont invisibles car de nature éthérée. Ces trois canaux partent du même point, au niveau du coccyx, puis suivent chacun un trajet différent : Ida et Pingala remontent en s’entrecroisant et aboutissent respectivement à la narine gauche et à la narine droite. Sushumna se dresse tout droit vers le haut. Les études scientifiques semblent confirmer l’existence des énergies solaire et lunaire.
On sait que chaque narine est associée à l’hémisphère cérébral opposé. La narine gauche (Ida) correspond donc à l’hémisphère droit, siège des émotions, de l’intuition, de l’inspiration, tandis que la narine droite (Pingala) correspond à l’hémisphère gauche, lié aux facultés de pensée logique, linéaire et d’analyse. En équilibrant Pingala et Ida, on améliore l’harmonie du corps, de l’esprit et de l’âme. Voici quelques exemples : les grands idéaux (énergie solaire) doivent s’incarner dans la vie quotidienne (énergie lunaire). Bien dormir la nuit permet de rayonner le jour.
Et le fait d’accepter que notre corps ait besoin tantôt de vitesse, tantôt de lenteur, favorise une vie harmonieuse.
L’équilibre des énergies
Si on vous demande d’inspirer profondément, vous aurez sans doute l’impression d’aspirer la même quantité d’oxygène par les deux narines. Or, la plupart du temps, ce n’est pas le cas : selon les moments de la journée, l’énergie solaire est plus forte que l’énergie lunaire, ou inversement. L’un des côtés “sommeille” tandis que l’autre est actif. La durée pendant laquelle le côté solaire ou lunaire prédomine varie largement selon les individus.
En prenant conscience de votre respiration, vous sentirez peut-être qu’elle est plus puissante à droite, du côté solaire de Pingala, ou à gauche, du côté lunaire d’Ida. Voici un petit exercice à effectuer de temps en temps pour harmoniser les deux côtés : bouchez l’une des narines à tour de rôle ; inspirez et expirez par le nez, trois fois à droite puis trois fois à gauche. Reprenez le tout trois fois. Ressentez-vous l’équilibre ? Des exercices de ce genre, tout comme la méditation ou la récitation de mantras, contribuent à rééquilibrer en soi les énergies solaire et lunaire. Lorsque Ida et Pingala sont actifs en même temps, l’énergie peut circuler dans le canal central, appelé Sushumna. C’est par exemple ce qui se passe lors de la “relève de la garde”.
Dans ces moments-là, la kundalini peut s’animer. Cette énergie est enroulée au bas de la colonne vertébrale, tel un serpent endormi. Le kundalini yoga a pour but d’éveiller et de faire circuler cette force vitale propice à la croissance. On vit ainsi de manière plus consciente et plus vigilante, on supporte mieux les hauts et les bas de l’existence, on se sent plus joyeux et plus détendu.
En lien avec le cosmos
Le kundalini yoga, un courant importé en Occident par Yogi Bhajan, approfondit encore davantage la vie en lien avec la Lune. Comme on l’a dit, l’homme constitue un microcosme dans lequel les énergies de la Lune et du Soleil jouent un grand rôle. Mais il fait aussi partie d’une relation encore plus vaste, qui l’unit au cosmos tout entier. Une relation qu’on peut ressentir par l’intermédiaire de la Lune, puisque celle-ci passe chaque mois devant toutes les constellations du zodiaque.
Anne Kittelmann, professeur de kundalini yoga, s’inspire de la Lune dans sa vie quotidienne : « Je considère la Lune comme mon accoucheuse cosmique, mon guide spirituel. Pour moi, tout est une question de rythme. Plus j’apprends à m’accorder au rythme lunaire, plus je sens ce dont j’ai besoin à cet instant et comment je peux utiliser au mieux mon énergie aujourd’hui. » Chaque mois, la Lune se trouve dans une constellation différente, associée à un (voire deux) organe du corps humain, auquel correspond à son tour un thème mensuel sur lequel on peut se concentrer. L’énergie de la Lune croissante exerce sur cet organe une certaine pression, qui devient maximale à la pleine lune, puis diminue progressivement lorsque l’astre décroît.
Grâce à l’alimentation, à des exercices et à la méditation, le kundalini yoga aide à prévenir les déséquilibres provoqués par cette pression. Sans quoi on risque par exemple de se sentir un peu irrité ou perturbé lors de la pleine lune.
Si l’organe concerné est rééquilibré durant le mois, la pression aura au contraire un effet purifiant, et l’équilibre physique, mental et spirituel s’améliorera.
Comme la Lune passe tour à tour devant les douze constellations zodiacales, on peut prêter attention à tous les organes à tour de rôle. Voilà une chance précieuse de soutenir la santé de son corps et de son esprit. Mais suivre le rythme de la Lune exige aussi de renoncer au contrôle, à accepter de se laisser guider par quelque chose de beaucoup plus grand que soi. Il faut peut-être un peu de temps pour s’y habituer, mais pour Anne Kittelmann, cela en vaut largement la peine. Les yeux brillants, elle conclut : « Je vis cela comme une danse avec la Lune. Je ressens de plus en plus d’harmonie et de complicité naturelle. »
Texte : Astrid Maria BOSHUISEN
Illustration : Cécile VRINTEN