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“Vous ne savez plus où vous en êtes ? C’est un excellent début !” Bernie Glassman, maître zen

Catégorie(s) : Bien-être, Art de vivre, À la une, À découvrir, Rencontres, Sagesse & spiritualité, Développement personnel

Répondre à la situation présente avec amour et compassion. Tel est l’enseignement que le maître zen américain Bernie Glassman dispense à ses élèves, un peu partout sur la planète et incarne avec des projets socialement engagés. « En m’ouvrant au monde, j’exprime ma compassion à son égard. »
Extrait de Happinez 13 – Sérénité

« Avez-vous un nez de clown sur vous ? » Voilà une première question plutôt insolite, j’en conviens, pour un enseignant zen de la trempe de Bernie Glassman, pionnier du mouvement zen américain. Connu pour ses projets engagés dans les quartiers défavorisés de New York, il est le créateur de l’ordre international et interreligieux des Zen Peacemakers (artisans zen de la paix). Auteur de nombreux livres, il organise des retraites dans des endroits a priori peu propices à la méditation zen, qu’il s’agisse de la rue ou de l’ancien camp de concentration d’Auschwitz. Le grand maître zen affiche un look presque grotesque. Un blouson sans manche élimé, une cravate aux motifs de petits cochons. Une longue chevelure grise tirée vers l’arrière. Une nonchalance qui en dit long sur son indifférence à l’égard de concepts aussi bassement terre à terre que la vanité et l’apparence, lesquels n’ont depuis longtemps plus aucune prise sur lui. Mes ongles soigneusement vernis m’apparaissent soudain comme des enseignes lumineuses vantant un certain goût pour le matérialisme. Il se renverse sur sa chaise et me scrute du regard sans prononcer le moindre mot. Je ressens une certaine gêne – le maître et la petite fille. Il plonge alors la main dans sa poche et en sort le fameux nez de clown évoqué dans son livre Le Dude et le maître zen : « Lorsque je commence à prendre les choses, ou les personnes avec qui je parle, trop au sérieux, j’enfile mon nez rouge. Ce nez change tout. » Nous éclatons tous les deux de rire. « Les questions recèlent une prodigieuse énergie, poursuit-il. Elles sont une invitation. Mais je ne donne aucune réponse, j’exprime simplement mon avis. J’estime qu’il y a là une grande différence. Les réponses mettent un point, tandis que les avis peuvent continuer d’être partagés. Raconte-moi ton avis et je te dirai le mien. »

Au sein du mouvement des Zen Peacemakers, dont vous êtes le fondateur, vous défendez trois règles de vie qui synthétisent votre vision du zen. Pouvez-vous les expliquer ?
La première règle de vie est le non-savoir. Il s’agit d’être disposé à perdre le contrôle de la situation. Parvenir à troquer ses idées établies sur soi-même et sur le monde contre une vie faite d’interrogations est un processus de longue haleine.
La deuxième règle de vie consiste à reconnaître les choses telles qu’elles sont : à savoir de la joie et de la souffrance. Vivre sans réponses précises vous permet d’apprécier les situations telles qu’elles sont, aussi pénibles ou douloureuses soient-elles. Enfin : il s’agit de passer aux actions qui découlent de cette attitude de non-savoir et d’acceptation du réel. Dans la pratique, cela signifie que vous abordez les personnes et les situations sans idées précises, sans plan, sans savoir ce qui se passera ensuite.

Le zen est souvent associé au détachement. Quelqu’un d’imperturbable sera par exemple très vite qualifié de “zen”…
Un concept comme le “détachement” serait plutôt, à mes yeux, antibouddhiste. Lorsque vous prenez conscience de la nature des choses, vous essayez de ne faire qu’un avec la situation et de ressentir une profonde compassion. Le nom “Bouddha” signifie  “l’éveillé”, c’est-à-dire éveillé au caractère complet, intègre de la vie. J’ai toujours vu dans le bouddhisme le fait de ressentir l’interconnectivité de tout ce qui nous entoure. Comment dès lors en être détaché ? Ma vie n’est pas une question de détachement, mais bien de profonde compassion et d’unité avec les autres et l’endroit où nous nous trouvons. Du non-savoir et de la prise de conscience naît une voie, un acte, un fait affectueux.

Il m’est également arrivé de faire des choses bêtes “sur le moment”. Quelle est la différence avec le fait d’agir de façon impulsive ?
Le résultat du non-savoir peut être extrêmement varié, on ne peut le prédire. Mais je pense que, lorsque vous êtes présent avec toute votre attention, vous ferez toujours au mieux pour servir la situation. Imaginons que ma main saigne : j’essaierais immédiatement d’arrêter l’hémorragie. Pourquoi ? Parce que, à l’instar de la plupart d’entre nous, je considère mon corps comme une unité, un tout. Lorsque vous éprouvez cette unité avec ce qui vous entoure, vous ne pouvez que vous en soucier. Je suis vous et vous êtes moi. Je crois que les actions impulsives découlent plus de l’habitude et du sentiment d’être détaché que d’une attitude ouverte. En développant votre ouverture, vous dites : je me préoccupe de ce qui se passe ici, je suis disposé à écouter attentivement ce moment et je suis ouvert à ce qui se produira. Les actes impulsifs sont donc rarement le fruit du moment lui-même, vous ne pensez pas ?

[…]

Retrouvez l’intégralité de la rencontre avec Bernie Glassman dans Happinez 13 – Sérénité

Pour aller plus loin :
* Le Cercle infini, Albin Michel
* L’Art de la paix, Albin Michel
* Le Dude et le maître zen, coécrit avec Jeff Bridges, Octave
* Formation cœur, corps, esprit, par Thi-Bich Doan

Photo Faye Cornish/Unsplash