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Tentative de Bonheur n°7 : Contribuer au plaisir collectif

Catégorie(s) : Sagesse & spiritualité, Rituels, Développement personnel, Bien-être, Art de vivre, Rencontres

Artiste engagée dans la mise en commun de nos systèmes de pensée, Camille Bondon a ouvert un Département du Plaisir, sait Faire parler les livres et a pris la Mesure du Temps. Elle aime régulièrement (se) raconter des histoires, a imprimé un abrégé visuel capable de parler de tout à l’aide de flèches et propose de vous faire faire une Histoire des histoires en moins d’une demi-heure. Si elle rédige actuellement le Programme du Futur avec d’autres pour aller manifester ses rêves et sa joie publiquement, elle met aussi en lumière nos plaisirs quotidiens à travers l’exposition “Tentatives de Bonheur”, présentée jusqu’au 26 juillet au MAIF Social Club (www.maifsocialclub.fr), dans le 3ème arrondissement de Paris.

Happinez : Quelle est votre vision du bonheur ?

Camille Bondon : La vision du bonheur est une vision multiple. C’est une succession de situations où les composantes environnementales me sont importantes : les individus qui m’entourent et le cadre-prétexte de ces retrouvailles. Car l’autre a une grande part dans ma vision du bonheur. Si je dois essayer de répondre en un mot à la vision du bonheur, ce serait par celui de “relation”. Être en relation. Avec des ami.e.s, ma famille, des inconnus… Rencontrer quelqu’un est une chose formidable. Dans ce que le langage verbal et gestuel permet comme mise en relation. Par ce que cet étranger va nous éclairer sur une part de soi encore inconnue. Le bonheur est une forme de gymnastique. C’est un mouvement, une habitude à prendre. Un conditionnement de regard, de langage aussi. Par le vocabulaire que l’on emploie et les tournures syntaxiques. Oui, le bonheur est une langue, une mélodie.

Happinez : Qu’est-ce que le projet des journées du plaisir et quel nouveau regard permet-il d’adopter sur le quotidien ?

Camille Bondon : C’est une correspondance par sms que je mène avec des inconnu.e.s volontaires. Chaque heure, on se partage trois plaisirs ressentis. Et puisque c’est pour le plaisir, on danse avec les règles et les horaires en fonction de nos occupations respectives.

Ce qui me touche dans cette performance, c’est la poésie qui se dégage de ces compilations de plaisirs. Comment, dans cet espace plutôt restreint d’un sms, la langue de chaque individu s’exprime. Une règle, des réponses infinies.

Prenons l’exemple du café du matin. Certain.e.s aiment le préparer dans le silence de la maison, pour leur compagne, en terrasse, dans une tasse bleue à poids blancs. D’autre l’aiment pour l’odeur qui se dégage à l’ouverture du sachet, pour le souffle vaporeux de la cafetière filtre tandis que d’autres ne jurent que par la montée crachotante de l’italienne. Un plaisir commun au final, celui de boire du café, mais qui va être désigné et attrapé d’une multitude de manières. Et ce sont ces singularités qui me touchent et que je souhaite donner à entendre. Le paradoxe de partager des goûts communs de manière unique. Car tous ces plaisirs ainsi récoltés viennent nourrir un inventaire des plaisirs quotidiens et sont ensuite rediffusés sur un panneau d’affichage lumineux dans un autre temps.

Ce mouvement d’extériorisation du plaisir a pour effet de l’amplifier. En plaçant son attention sur ce qui nous plaît, on réoriente tout. On se met à raisonner en termes de « et là qu’est-ce qui me plaît ? », « qu’est qui me plaît précisément ? ». Les gens sont souvent inquiets à l’idée de trouver trois plaisirs par heure. Ils pensent que ça fait beaucoup, qu’ils n’en auront jamais assez. Et mon plaisir est ensuite de lire dans leur journée que leur plaisir du moment est d’avoir à ne choisir que trois plaisirs…

Cette expérience dure une journée. C’est un temps qui me semble juste pour marquer, pour imprimer dans l’esprit un éclat, celui de la joie de vivre et de commencer à faire prendre une (bonne) habitude.

Cette action me plaît aussi pour une autre chose encore : celle d’être une petite souris dans la vie de quelqu’un d’autre. De goûter à une autre réalité, une autre temporalité de vie. De voir comment les plaisirs de cette personne viennent faire écho à nos propres plaisirs. Lorsque je découvre les messages pendant la journée du plaisir, je suis sans arrêt en train de me dire « mais oui ! Bien sûr ! » et de me réjouir à distance avec eux de ce qui leur arrive. On se laisse facilement contaminer par le plaisir des autres. C’est contagieux et c’est tant mieux.

Happinez : De quelle manière chacun de nous peut-il “contribuer au plaisir collectif” ?  

Camille Bondon : Cette habitude à regarder les choses sous leur bon angle, c’est ce qui me semble être l’une des contributions au bonheur collectif la plus agissante. Regarder et dire. Énoncer ce qui nous plaît, ce qui nous fait plaisir, ce que l’on aime. Aimer. C’est bien là une valeur qui m’est fondamentale. C’est peut-être ça finalement, le bonheur, aimer. Et au-delà : aimer aimer. Être dans le plaisir d’être dans le plaisir. Quand on commence à être content.e, on est de plus en plus content.e, c’est phénoménal. C’est étonnant d’être autant content.e.

Chez moi, ça passe en grande partie par le langage. Par le vocabulaire, les adjectifs que l’on va accoler aux choses et aux gens. La sonorité des mots, leur sens qui résonne fort. Se connaître soi par ce que l’on aime pour ensuite aller toujours dans cette même direction, celle du plaisir. Et si chacun agit pour se comprendre, pour comprendre son fonctionnement, alors entre nous, la communication sera fluide et simple, de même que nos relations. La boucle est bouclée !

 

Pour en savoir plus : www.maifsocialclub.fr ; www.camillebondon.com

 

Propos recueillis par Aubry François

© Édouard Richard / MAIF