Ré-enchantement, le terme est à la mode. Par opposition au désenchantement, bien sûr. Mais aussi parce que, pour paraphraser le célèbre aphorisme, attribué (à tort ou à raison) à André Malraux, « le XXIe siècle sera connecté à la nature, ou ne sera pas ». Et cette révolution devra s’accompagner d’un changement de paradigme dans notre manière de la voir, et de la vivre. Pour notre avenir à moyen terme autant que pour notre bien-être au quotidien.

Marcher pieds nus dans l’herbe humide.

Me baigner dans l’eau glaciale d’un lac de montagne.

Caresser mon chat.

Parler à ma plante verte.

Randonner dans une forêt.

Enlacer un arbre.

En replanter.

Participer au sauvetage des abeilles.

M’extasier face à un coucher de soleil.

Croire aux trolls, aux elfes, et aux licornes.

Autant de pratiques qui peuvent paraître curieuses, étranges, mais qui, en ces temps incertains, ont une véritable raison d’être : se reconnecter avec la nature.

Sentir le contact de l’herbe humide ou du sable chaud sous la plante de mes pieds, de l’eau froide ou de la canicule sur mes épaules… Autant de manières de réveiller mes sens, de me replacer dans un environnement dont je fais partie, de me souvenir qu’il influe sur moi comme j’influe sur lui.

Parler à mon chat, à mon ficus, enlacer le chêne centenaire de la forêt d’à côté, écrire à la Lune. Des actes qui surprendront mes voisins non-initiés, mais qui entretiennent et renforcent mes liens avec les autres espèces animales et végétales avec qui je partage cette petite planète. Et m’aident à lutter contre mon penchant pour l’anthropocentrisme, phénomène culturel à tendance congénitale qui m’amène à considérer que l’homme est au-dessus de tout, et nuit à l’harmonie du Grand Tout.

Installer des ruches sur les toits des immeubles haussmanniens de la capitale, prendre part à des actions de reboisement, de nettoyage des plages, accompagner les bénévoles de l’association Sea Sheperd dans leurs campagnes de sensibilisation. Ou, pour les plus téméraires, dans leurs opérations commando pour assister des bélugas perdus dans les boucles de la Seine ou défendre des baleines pourchassées par des navires japonais en Antarctique. Des actions qui permettent, chacune à sa manière, de participer concrètement au sauvetage du vivant.

Enfin, s’extasier devant un lever de soleil, un paysage, le manteau d’un mammifère, le plumage d’un oiseau, une colonne de fourmis en action. Croire aux farfadets, aux sirènes, aux licornes, aux dragons et aux elfes. Pas parce que ces êtres existent, mais par qu’ils réveillent, entretiennent et nourrissent une vision plus poétique du monde.

Parce que vivre dans une biodiversité en danger est une épreuve par moment douloureuse, que s’y adapter de son mieux demande des efforts, de la rigueur, des sacrifices, et qu’il faut sans cesse trouver des raisons d’avancer, et que la beauté en est une. Celle issue du génie humain comme celle offerte par la nature. Cette beauté qui, pour Pierre Rhabi, est « une nourriture immatérielle absolument indispensable à notre évolution. »

Parce que le jour où tout ira plus mal, survivre ne suffira pas.

Pour exister, il nous faudra continuer à rêver, à bâtir des idéaux, et à nous émerveiller du monde qui nous entoure. Et que, comme le prône Marianne Williamson, auteure américaine spécialisée dans le développement personnel, « créer le monde que nous voulons est bien plus puissant que de détruire celui dont nous ne voulons plus. »

Autant de raisons de réenchanter le regard que je porte sur ce monde qui m’entoure. Pour mieux vivre au quotidien, et jeter les bases sur celui de demain.

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il a récemment publié Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.

 

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