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Prendre un nouveau départ – Découvrez la “vision quest”

Catégorie(s) : Nature, À la une, À découvrir, Rituels, Développement personnel, Bien-être, Art de vivre

Face au besoin de prendre un nouveau départ, Anjali Taneja s’est retirée pendant trois jours dans une région isolée du sud de la France. L’ancien rituel chamanique de la quête de vision lui permettra-t-il d’y voir plus clair ?
Extrait de Happinez 53 – Se retrouver
Texte Anjali Taneja

Malgré la tension que je ressens, ces trois jours d’isolement arrivent à point nommé. Non seulement j’aspire à plus de sagesse et de clairvoyance, à vivre librement sans honte ni culpabilité, mais j’espère aussi me débarrasser une fois pour toutes de ma bonté excessive. En outre, j’aimerais me reconnecter avec la nature, laquelle est difficilement accessible depuis la ville où j’habite.
Une quête de vision, ou vision quest en anglais, est un ancien rituel chamanique lors duquel, dans un isolement total, vous subissez une transformation qui vous conduit à votre subconscient. Environ deux mois avant le début du rituel, les six autres participants et moi-même avons entamé un régime alimentaire adapté à base d’aliments végétaux. Je remarque que j’ai souvent tendance à me tourner vers la nourriture lorsque je me sens mal à l’aise. Je comprends tout à coup le sens de l’expression comfort food, ou aliment-réconfort. Un voile de sucre recouvre tous mes sentiments, les tenant bien au chaud, et m’aide à ne pas regarder de face ce qui se passe en moi.
Deux jours seulement avant ladite “quête”, je rencontre les autres. En arrivant dans ce magnifique endroit boisé et humide du sud de la France, je sens que ma nervosité cède la place à la curiosité. Nous partageons nos intentions et cela me conforte dans l’idée que je ne suis pas la seule à entreprendre cette aventure.

Jour 0
Un jour avant, nous allons chercher notre “endroit”, chacun de son côté. Notre accompagnatrice, Melissa Noordervliet, demande la permission à la Terre et invoque les esprits pour qu’ils nous protègent. Elle appelle les ancêtres pour nous aider à briser les vieux schémas et nous donner des idées. Comme une écolière en excursion, je la suis sur un sentier humide et étroit. Quand, au bout d’un moment, elle nous indique que nous pouvons désormais quitter le chemin, je pénètre au hasard dans un buisson. Mais peut-être ai-je pris sa remarque un peu trop au pied de la lettre…
Selon Melissa, la recherche de notre endroit est déjà un rituel en soi. Notre corps nous indique le chemin, comme une baguette de sourcier. Cela peut prendre cinq minutes, ou cinq heures. Comme mon corps et moi avons un lien très fort, je dois sûrement faire partie de la première catégorie.
La réalité allait vite me faire déchanter. J’avance le long de branches épineuses, sur un terrain marécageux. Après une marche glissante, j’atteins une clairière verdoyante. Ce pourrait bien être lui, mon “endroit”. Jusqu’à ce que mon regard se pose sur des os : un morceau de mâchoire avec encore quelques dents et un sabot coupé. Les restes d’un cerf ? Je me vois déjà déchiquetée par une meute de loups et m’apprête à m’enfuir lorsque j’entends la voix de Melissa dans ma tête. Lors d’une quête de vision, les animaux ne vous rendent pas visite sans raison. Vous pouvez aussi leur demander ce qu’ils veulent vous raconter. Est-ce cela que je dois faire ? J’attends un moment, dans l’espoir d’une réponse, mais rien ne vient rompre le silence.
Je descends le long de rochers escarpés. Mon corps, censé me servir de boussole, est complètement à l’ouest. Le constat est amer pour l’ambitieuse que je suis. Mes joues se mouillent, mais je n’ai aucune envie de pleurer. Pourquoi est-ce si difficile ? Et si je ne trouvais jamais mon endroit ? Emportée par un flot de pensées misérabilistes, je n’ai plus du tout fait attention à l’environnement. Tout à coup, j’aperçois des arbres couverts de mousse, une petite cascade. Une lueur chaude me traverse le corps. C’est lui. C’est mon endroit !

Jour 1
La quête commence réellement aujourd’hui.
Équipée de deux grandes bouteilles d’eau dans un petit sac à dos, je marche jusqu’à mon endroit. Mes mains sont moites, mon cœur bat la chamade. Lorsque Melissa me laisse seule, je me sens déracinée, comme un enfant abandonné qui doit désormais se débrouiller tout seul. J’aimerais tellement courir après elle, saisir sa main. Revenir à la civilisation. Melissa nous a dit que, si cela n’allait vraiment pas, nous pouvions laisser un signe sur un grand arbre. Je ressens immédiatement le besoin de le faire, mais, pour me débarrasser de ce sentiment d’orphelin, je bricole une roue de médecine. Il s’agit d’un cercle où les quatre points cardinaux sont reliés entre eux et qui servait de boussole aux Amérindiens, en les aidant symboliquement à suivre leur chemin de vie ici sur Terre. Je m’y consacre corps et âme, et j’orne le cercle de pierres et de feuilles. Satisfaite, j’admire le résultat.
C’est l’heure de manger. Je prends conscience qu’il n’y a rien. Ni maintenant, ni plus tard. Rien avant trois jours. C’est comme si je venais d’être dévalisée. Comment vais-je tenir aussi longtemps sans manger ?
Je bois un peu d’eau pour apaiser ma faim, j’installe mon hamac et place mon sac à dos au milieu du cercle. C’est ici, sur ces quatre mètres carrés, que je passerai les prochains jours. Que vais-je faire de tout ce temps ?
J’enlève mes chaussures et m’allonge dans le hamac. Au-dessus de ma tête, le soleil tente de percer à travers les feuilles des arbres. Plus j’observe, plus l’image prend vie, comme une peinture qui révèlerait sans cesse de nouvelles couches. J’étudie le tronc de l’arbre auquel j’ai attaché mon lit de fortune. Il respire le calme. Les arbres sont, tout simplement. Ils ne se cachent pas derrière d’interminables actions. L’arbre ne se demande pas s’il va fleurir ou non. Les lignes de l’écorce se muent en formes. Un nœud devient un œil qui me regarde. Dois-je faire quelque chose ? M’abandonner ? Comment ?
Je suis une invitée ici, dans ce bout de forêt, mais je ne me sens pas du tout étrangère.
Plutôt une partie du Grand Tout. Prudemment, je tire sur une branche pour me balancer. Je repense à mes longues séances de balançoire quand j’étais enfant. Je ferme les yeux. Des papillons s’invitent dans mon ventre.
C’est ainsi, je suis ainsi, me dis-je. Je ne dois rien faire ici. Cela commence toutefois à me travailler. Je ne vais tout de même pas rester ici à rien faire… Je repense alors aux devoirs que Melissa nous a donnés. Mon agitation se dissipe aussitôt. Je sors les feuilles de mon sac et lis la partie sur le fait de jouer des rôles. Lequel pourrais-je jouer ? J’essaie de me voir sous toutes les coutures, comme si j’étais un personnage en 3D : non seulement de face, mais aussi de côté et de dos. Mon rôle de mère se heurte à celui de fille. J’aime tellement être une enfant, être guidée. Les autres me disent ce que je dois faire ? Je suis ravie. Un guerrier sommeille également en moi, je le sens, mais il est en veille pour l’instant. Il n’y a ici personne pour me donner des instructions, je suis totalement seule. Une prise de conscience terrifiante.
La force du soleil faiblit, il fera bientôt nuit. Bien que mon esprit foisonne de pensées effrayantes sur les loups, mon corps est calme. C’est comme si je ne faisais qu’un avec la nature. En réalité, nous n’avons jamais été séparées, me dis-je. Dans mon hamac, je me penche sur le moment présent, sur l’intemporel. Je ne dois rien faire. Pas de reconnaissance, pas de dépassement de soi, pas de rang dans lequel rester. Je ne dois pas être une mère parfaite, ni une oreille attentive. Si j’arrête de faire de mon mieux, je ne perds rien. Je peux être tout, à l’instar de la nature qui suit son cours en totale liberté et qui, précisément pour cela, est aussi belle.

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