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Mieux vivre son éco-anxiété : mode d’emploi

Catégorie(s) : Nature, Philosophie, Maison, À découvrir, Rituels, Développement personnel, Bien-être, Art de vivre

Disparition d’espèces, appauvrissement de la biodiversité, réchauffement climatique… L’Homme fait souffrir son écosystème, assombrissant ses perspectives d’avenir. Et avant d’en souffrir réellement des conséquences, il souffre dans son âme, qu’il se réfugie dans le déni ou qu’il accepte la gravité de la situation. On appelle cela l’éco-anxiété. Voici quelques humbles pistes à explorer pour mieux la vivre et en atténuer les effets négatifs sur notre quotidien.

Ma prise de conscience s’est faite petit à petit, au fil du temps, des lectures, des rencontres, des documentaires et des conférences. Jusqu’à ce que le constat m’apparaisse comme une évidence : l’avenir est sombre. L’Homme se comporte en barbare. Il saccage le vivant, modifie le climat, maltraite sa petite planète, alors qu’il sait pertinemment qu’il n’en a pas d’autres pour se replier. Les plus pessimistes parlent d’une sixième extinction massive. Comme je suis un optimiste de nature, je préfère le voir comme l’appauvrissement d’un écosystème dont nous faisons partie, dont nous dépendons, dont nous avons besoin pour survivre, et dont la détérioration excessive nous retombera dessus, tôt ou tard, sans doute plus tôt que nous le pensons.

Mais tout cela revient un peu au même.

Pendant des années, j’ai résisté. Par peur autant que par lâcheté, je me suis longtemps enfermé dans un déni à l’apparence réconfortante. Et c’est logique : face à un problème apparemment insoluble, aux répercussions graves, face à la perspective d’un avenir plus difficile, moins abondant et luxueux, face aux inexorables sacrifices à venir, mon cerveau encore primitif préférait faire l’autruche et faire comme si tout allait bien. Pourtant, j’ai fini par admettre ce qui m’apparait aujourd’hui comme une vérité, puisque l’immense majorité des membres de la communauté scientifique concernée s’accorde à le crier haut et fort depuis plus d’un demi-siècle : notre écosystème est en danger, et notre espèce avec lui. Une conviction devenue profonde dont j’aurais préféré me passer tant elle est effrayante, et qui s’est vite avérée difficile à vivre. D’autant plus que, c’est une certitude, je ne sauverai pas le monde à titre individuel, et qu’il est peu probable qu’une éminente découverte scientifique ou un homme politique providentiel y parvienne.

Depuis, je vis avec cette peur du lendemain, avec la culpabilité de participer au carnage et, bien sûr, avec les souffrances que ces sentiments engendrent.

C’est ce que j’appelle l’éco-anxiété.

Un mal sournois, lancinant, qui ne m’empêche pas de vivre mais qui pèse au quotidien sur mon moral. Dès lors, la question se pose : comment continuer à avancer chaque jour tout en assistant, impuissant, au massacre du vivant ?

Tout d’abord, l’admettre froidement et définitivement a agi sur moi comme une libération. Sortir la tête du sable, regarder notre situation objectivement, réfléchir et agir, tout cela m’a fait du bien et continue de le faire. Car l’action est le seul remède à l’éco-anxiété. L’immobilisme, par peur ou par déni, agit comme un poison pour l’esprit, pour notre environnement, et pour notre avenir. J’ai trouvé mille manières d’être actif. Car, à bien y réfléchir, tous mes faits et gestes quotidiens peuvent être considérés sous le prisme du combat permanent pour essayer de faire, tel un vaillant colibri, de mon mieux pour aller dans la bonne direction. Les choix que je fais pour me déplacer, me chauffer, me nourrir, consommer, le regard que je porte sur le vivant, sur la nature, sur notre façon de vivre en communauté… Tout a une incidence. J’écris sur le sujet, à travers mon blog, mes chroniques et même mes romans. Et d’autres choix sont là, disponibles, pour qui veut prendre son éco-anxiété en main et se faire du bien : travailler pour des associations, nettoyer les plages, sauver les abeilles, les forêts ou encore militer pour sensibiliser à la cause écologiste atténuent l’anxiété.

Dans mon quotidien, chaque réajustement comportemental, chaque sacrifice utile, chaque progrès est une victoire. Non seulement elles me font du bien, mais elles sont efficaces, de manière infime, mais réelle, pour améliorer la situation globale.

Et oui, c’est vrai, j’ai parfois l’impression de faire des efforts alors que d’autres en font moins, voir aucun. Peu importe : je les fais pour moi, tout d’abord. Pour me sentir mieux, actif dans ma volonté d’améliorer ma propre conduite. Aussi pour nous tous, pour sauver ce qui peut encore l’être, à mon insignifiant niveau. Et je le fais aussi pour montrer à ceux qui ont envie de le voir qu’il est possible de changer sa manière de vivre. Ces évolutions dans les petits gestes du quotidien ne nous préserveront sans doute pas des crises majeures à venir, mais je crois fermement que, si nous nous y mettons tous ensemble, ils peuvent en diminuer l’ampleur.

Car je vois l’humanité comme les passagers d’une voiture lancée à grande vitesse dans un mur. S’il est sans doute trop tard pour éviter le choc, il est encore possible de diminuer la vitesse du véhicule. Donc de réduire la violence de l’impact. CQFD. Les mathématiciens le savent : l’intensité ne dépend pas de la vitesse, mais du carré de la vitesse. Tout cela est exponentiel.

Dans ce contexte, tout est bon à prendre pour freiner la voiture.

C’est une des rares certitudes qui m’animent. Elle m’aide à mieux vivre, et à faire évoluer mes comportements. Et je ne suis pas le seul. Ces dernières années, nous sommes de plus en plus nombreux à participer à cette décélération, en changeant nos habitudes, en œuvrant chacun comme nous le pouvons pour tirer sur le frein à main.

La voiture ralentit, un peu.

Pas assez rapidement, malheureusement.

Mais il ne tient qu’à nous tous d’agir, chacun à notre façon, chacun avec ses grandes victoires et ses petits échecs.

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il a récemment publié Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.

 

Visuel : Austin Neill / Unsplash