Fondateur du CENATHO (Collège Européen de Naturopathie Traditionnelle Holistique©), Daniel Kieffer est l’un des chefs de file de la naturopathie en France. Grand invité de HAPPINEZ 70, que vous pouvez retrouver dès aujourd’hui chez tous les marchands de journaux, l’auteur du livre Les causes cachées des maladies (son quarantième ouvrage, publié aux éditions Jouvence) partage avec nous ce qui constitue à ses yeux l’essentiel d’une vie humaine, ce à côté de quoi nous ne devons vraiment pas passer. L’occasion d’avoir envie de découvrir l’intégralité de notre échange autour de la lecture holistique que donne Daniel de l’être humain et de l’enseignement qu’il prodigue depuis bientôt un demi-siècle, toujours en complémentarité avec la médecine allopathique.

Happinez : Que ne faudrait-il jamais perdre de vue dans une existence humaine ?

Daniel Kieffer : C’est d’abord, je crois, notre quête de sens qui doit guider notre chemin de vie et d’évolution. Il existe un postulat selon lequel nous sommes des âmes incarnées avant d’être des “egos”, ces personnages porteurs de masques bien adaptés, ces sous-personnalités qui font de nous des êtres plus ou moins brillants au plan familial, professionnel, sportif, financier, etc.

Or, les humains, par définition, n’aiment pas trop l’ordre, les lois, les règles, les principes, et pourtant nos sciences – l’astronomie, la biologie, la physique quantique ou l’épigénétique, etc. – nous montrent qu’il existe partout des lois qui organisent la vie de l’univers, du microcosme au macrocosme. Je pense à trois de ces lois : celle de cause à effet, sur laquelle on ne réfléchit jamais assez, et qui est une évidence scientifique analogue à la “loi du karma” en Orient. Il n’y a pas de cause sans conséquence, pas de conséquence sans cause. En clair, surveillons nos actes, nos paroles et nos pensées… Cela va de pair avec une autre merveilleuse loi qui est celle de l’évolution. Tout évolue en effet, tout respire et croît à son rythme dans l’univers. Sans oublier la loi de coresponsabilité qui unit tous les êtres, les règnes et les mondes. On parle aussi de loi de l’enregistrement, indissociable de la loi du Karma.

Le drame est simple : nos egos, nos petits “moi” se sont autoproclamés l’unique réalité, les seuls maîtres à bord dans l’aventure existentielle. Mais c’est confondre notre précieux libre arbitre et… l’anarchie. Ma liberté m’amène-t-elle à verser une goutte d’huile ou un grain de sable dans le grand système ?

Pour nous aider, les orientaux nous invitent volontiers à travailler sur “les trois poisons” qui inhibent ou retardent notre chemin vers le bonheur et l’évolution.

C’est tout d’abord l’ignorance, qui prend racine dans la tête, dans le mental, les pensées. Elle crée les illusions, toutes les croyances erronées, la psychorigidité.

C’est ensuite l’avidité, l’attachement, en lien avec le désir et qui fait de nous des êtres de consommation de biens matériels, d’argent, mais aussi des autres.

C’est aussi, pour finir, tout ce qui rejette : la haine, la répulsion.

Mais comment sortir de ce cercle vicieux où, dans notre état d’ignorance, nous sommes partagés entre le rejet et la possession ? Il y a bien des voies occidentales et orientales, sûrement toutes valables, mais j’aimerais peut-être aujourd’hui reprendre trois principes essentiels à la réflexion.

Le premier est l’impermanence : Oui, dans le monde de la matière, le monde corporel, moléculaire, nous nous transformons à chaque seconde. Tout change aussi dans le monde de l’énergie (électrons, souffle, Prâna…). Tout change également bien entendu au cœur de nos émotions, de nos passions, tous ces mauvais films auxquels on s’accroche de façon répétitive et qui font le romantisme désuet de nos relations. Enfin, tout change en permanence aussi dans nos pensées, tellement fugaces et volatiles…. Tout cela ne devrait-il pas nous permettre de prendre un recul, distancié et plus serein, et de choisir de vivre dans le non-attachement – tout à fait compatible avec l’Amour et la joie inconditionnels ?

La deuxième loi, c’est l’interdépendance entre tout ce qui vit. S’il y a interrelation entre les humains, il y a donc coresponsabilité et forcément une leçon, une invitation à prendre soin de l’autre, parce que prendre soin de l’autre, c’est prendre soin de soi, et réciproquement ! Même chose au niveau de la nature, et l’on ne peut plus se couper aujourd’hui des grandes lois écologiques ou environnementales.

Quant à la troisième clé, elle nous dérange énormément : C’est que rien n’a d’existence propre en soi en dehors de l’ego créateur de ses rêves, de ses mythes, de ses illusions (et c’est la conséquence de l’impermanence).

Alors, est-il trop exigeant de se confronter à ces clés spirituelles et métaphysiques ? Non ! En fait, chacun d’entre nous doit apprendre à déconstruire beaucoup plus qu’à construire. Je suis persuadé que se libérer du connu, comme enseignait le grand Krishnamurti, est une démarche d’auto-psychothérapie quotidienne, de manière à abandonner tout ce qui a créé de nos limites, dans les trois mondes des illusions mentales, des mirages émotionnels ou des attachements sensoriels (Maya pour les yogis). L’idée est de lâcher-prise vis-à-vis à tout cela, car notre noyau spirituel, notre “précieux”, s’il évoque la vacuité alors dont parle le zen, il est surtout plénitude. Nos ressources, nos potentiels divins sont infinis ! Ainsi, cheminer vers son centre, c’est se réaligner entre ciel et terre, et c’est aussi vivre en méditation, en pleine conscience. Le tout est de consacrer courageusement du temps à cette métamorphose, via ce regard (celui du Témoin, du Veilleur intérieur), en quête de la paix inconditionnelle et d’alignement avec l’Âme. Toutes les méditations ont pour point commun de se relier à sa source, au précieux, qu’on l’appelle le Soi, l’Essence ou le Maître intérieur.

Je pourrais conclure en partageant qu’au-delà des croyances, des dogmes, des religions ou des philosophies, il est utile de ramener les choses à des clés aussi simples qu’opératives : qu’est-ce qui me rend meilleur pour moi et pour les autres ? Si je garde cet objectif à l’esprit, je ne peux qu’aller vers un chemin d’évolution et je réalise vite que cela ne peut se faire sans prendre soin des autres. Le Bouddha lui-même disait qu’il ne pourrait être heureux et libre tant qu’un humain ne serait pas éveillé sur terre. Cela veut dire que le service et l’évolution sont les deux faces d’une même pièce : « Servir pour évoluer, et évoluer pour mieux servir », voilà ce que je souhaiterais voir sur mon urne funéraire. C’est la quintessence de tout ce qu’il y a de plus précieux pour moi à ce jour.

Propos recueillis par Nathalie Cohen, Aubry François et Agathe Lebelle

Portrait : © Élodie Daguin

 

Retrouvez, dès le mardi 6 décembre, l’intégralité de l’interview de Daniel Kieffer, dans HAPPINEZ 70, chez tous les marchands de journaux.