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Guidez votre avenir avec les synchronicités

Catégorie(s) : Art de vivre, À découvrir, Rencontres, Sagesse & spiritualité, Livres, Rituels, Psychologie, Développement personnel, Bien-être

Pourrions-nous accéder, grâce aux synchronicités, à des informations provenant du futur pour mieux orienter nos choix de vie et nous relier ainsi à notre essence profonde ? Romuald Leterrier est chercheur indépendant en ethnobotanique et spécialiste du chamanisme amazonien. Jocelin Morisson est journaliste scientifique, auteur et traducteur, passionné depuis deux décennies par les états modifiés de conscience et les frontières de la science. Ensemble, ils ont publié, aux éditions Guy Trédaniel, Se Souvenir du futur (Guider son avenir par les synchronicités), un livre qui relie, dans un langage accessible à chacun, les enseignements millénaires et les connaissances les plus pointues de la science contemporaine afin d’ouvrir des perspectives révolutionnaires et pratiques sur notre réalité.

Happinez :  Qu’entendez-vous par l’expression paradoxale “Se souvenir du futur” ?

Romuald Leterrier : Le processus de rétrocognition est basé sur la capacité naturelle de notre mémoire à fonctionner à l’inverse de la flèche du temps. C’est en tous cas le constat que l’on peut faire des nombreuses expériences de synchronicités provoquées volontairement par un nombre croissant d’expérienceurs. Prenons l’exemple du rêve rétrocognitif : vous faites un rêve où par exemple vous vous trouvez dans un hangar avec des graphistes ayant l’apparence de rastas. À votre réveil, vous vous souvenez de votre rêve et vous le notez. Le lendemain, vous zappez sur une émission où vous voyez le peintre Jean-Michel Basquiat dans les années 1980 en train de peindre avec des amis rastas dans un grand hangar. À ce moment, vous repensez à la similarité avec votre rêve de la veille. Ce faisant, le fait de repenser à votre rêve dans le passé lui donne toute sa substance, son contenu. Cet acte de mémoire crée le rêve dans le passé à partir d’un contenu se trouvant dans le futur.

Jocelin Morisson : L’expression est volontairement provocatrice pour susciter la réflexion. Elle repose fondamentalement sur l’idée que notre futur existe déjà, à chaque instant, mais sous une forme potentielle qui est susceptible de changer sous l’effet de nos intentions et de nos choix. C’est une idée qui dispose d’une base empirique et théorique en physique, dans un domaine que l’on appelle aujourd’hui la physique de l’information.

 

Happinez : En quoi consiste le phénomène de synchronicité ?

Jocelin Morisson : le fondateur de la psychologie analytique Carl Gustav Jung définissait la synchronicité comme l’occurrence simultanée de deux événements, l’un dans la sphère psychique (une pensée, une idée, une interrogation…) et l’autre dans le domaine physique (une image, une phrase, une personne…) ; les deux événements étant reliés par un lien de sens et non de cause. Mais il a par la suite élargi le concept à des événements qui relèvent de ce qu’on appelle la parapsychologie, à savoir des phénomènes de vision à distance ou de prémonition. Il y a, dans ces cas-là, une distance spatiale ou temporelle entre les deux événements. Cette définition élargie correspond bien à ce dont nous parlons dans le livre car il s’agit de “créer” des synchronicités, et donc cette création ne peut se faire qu’avec un décalage temporel entre l’intention qui est posée et la survenue de la synchronicité elle-même. Pour Jung, le phénomène de synchronicité était avant tout révélateur d’une union fondamentale, d’une continuité entre le psychique et le physique, entre le spirituel et le matériel, en opposition avec le dualisme cartésien. Romuald et moi avons vécu une synchronicité au même moment à 900 km de distance, en lien avec le scarabée doré. L’histoire du scarabée doré est emblématique de la synchronicité car Jung l’a rapportée à propos de la cure analytique d’une patiente très “cartésienne”, justement. Elle lui raconte le rêve d’un scarabée d’or égyptien et, au même moment, un scarabée doré vient cogner doucement à la fenêtre. Jung le recueille et lui montre, ce qui « perfore son rationalisme ». Romuald a eu un scarabée qui s’est posé sur son épaule alors qu’il écrivait un passage du livre dans lequel il fait aussi mention du scarabée en référence à Jung. Quand il a posté la photo du scarabée sur Facebook, je venais de décider de raconter, pour ma prochaine conférence, la synchronicité de Jung avec le scarabée, ainsi qu’un épisode que j’avais vécu avec un scarabée quelques années auparavant. Et alors que je commentais son post sur Facebook, un scarabée est venu tourner autour de ma tête et s’est posé tout près de moi !

 

Happinez : Vous expliquez que nous pourrions provoquer ces synchronicités. Comment ?

Romuald Leterrier : En 2013, j’ai voulu expérimenter la possibilité, encore à l’époque théorique, de créer volontairement des synchronicités. J’ai donc créé deux boîtes, l’une contenant une cinquantaine de photos d’animaux et une autre avec une cinquantaine de symboles. J’ai ensuite sélectionné dans chacune de ces boites une image d’animal et une image de symbole. Puis j’ai posé l’intention de voir se manifester dans la réalité une synchronicité composée de ces éléments sélectionnés au hasard, dans un timing de dix jours. Ma première expérience s’est concrétisée dans la réalité quatre heures seulement après le tirage des éléments par un biais aléatoire. J’ai reproduit ces expériences pendant trois ans à raison d’une expérience par mois. J’ai ensuite enseigné cette méthode à d’autres personnes pour simplement vérifier si cette pratique était accessible à tout le monde. Là aussi, les résultats ont été encourageants.

 

Happinez : Votre livre mêle à la fois le chamanisme, la psychologie, la physique et la spiritualité. Quelle cohérence peut-il advenir d’un tel rapprochement ?

Jocelin Morisson : Nous espérons que la cohérence ressort à la lecture, car les catégories du savoir humain sont souvent artificielles. Il se trouve que les chamanismes renferment des savoirs empiriques, provenant notamment des “visions” lors des transes, qui correspondent à ce que l’on découvre aujourd’hui dans les domaines de la physique ou des neurosciences, ce qui amène à repenser la spiritualité dans un cadre laïque, non religieux, en intégrant les apports de la science contemporaine. Ces correspondances ne sont pas des analogies faibles ou forcées mais au contraire extrêmement précises. La “science des signes” que l’on trouve dans les chamanismes amazonien ou aborigène entre ainsi en résonnance avec des concepts physiques comme la non-localité, l’intrication quantique et le rôle joué par la conscience dans la façon dont la réalité nous apparaît.

 

Happinez : Comment expliqueriez-vous, en termes simples, le concept de “rétrocausalité”, essentiel ici ?

Jocelin Morisson : La rétrocausalité est simplement une influence qui s’exerce à rebours du temps, c’est-à-dire du futur vers le présent ou vers le passé. Cette idée a été proposée dès les années 1950 par le physicien français Olivier Costa de Beauregard, notamment comme hypothèse à certains phénomènes inexpliqués (prémonitions en particulier), mais il n’a pas été pris au sérieux à l’époque. C’est différent aujourd’hui parce que la nature du temps est une question centrale en physique, posée par les plus grands théoriciens, comme Carlo Rovelli. Il en ressort que le temps pourrait bien être une illusion due au couple cerveau/conscience mais qui n’aurait pas d’existence propre. Dès lors, il existe un domaine “hors temps”, dans lequel évolue une partie de notre psyché avec sa dialectique conscient-inconscient. Par ailleurs, en physique, il est envisagé que le futur soit déjà là, sous des formes potentielles que nous ”actualisons” au fur et à mesure. Ceci permettrait de comprendre comment une intention posée pour l’avenir peut influencer notre présent et comment les synchronicités provoquées pourraient être des traces de notre futur.

 

Happinez : Que pensez-vous du hasard ?

Romuald Leterrier : Le hasard est en fait le moteur du réel en lien avec notre conscience ou plutôt pour le moment notre inconscience collective. Mais lorsqu’on en est conscient, le hasard devient l’interface entre notre intention et la réalité. Les processus aléatoires seraient ainsi le support d’une conscience qui transite en dehors de l’espace-temps. Ceci explique pourquoi de façon intuitive toutes les traditions depuis la préhistoire à nos jours ont toujours utilisées le hasard comme support de la divination.

Jocelin Morisson : En physique on distingue plusieurs sortes de hasards : le hasard ordinaire est simplement le fruit de notre ignorance des causes, comme lors d’un lancé de dé, mais le hasard quantique est un hasard “vrai”, purement indéterministe. Plusieurs auteurs ont joué avec cette notion, comme André Breton qui parlait de “hasard objectif”, et d’autres qui ont associé le hasard à des adjectifs comme “signifiant”, “nécessaire”, etc. Et vous savez qu’Einstein disait que « le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito ».

 

Happinez : Devons-nous nous attendre à une révolution scientifique ? Pourquoi ?

Jocelin Morisson : Cette révolution est en cours mais “à bas bruit” parce que les notions en jeu sont complexes et difficiles d’accès pour le grand public. La science fait face à de nombreux mystères, qu’il s’agisse de la nature de la conscience, du rôle du cerveau, de la nature ultime de la matière, des questions cosmologiques relatives à la matière noire et l’énergie sombre, etc. Nous pouvons avoir l’impression que la science a compris l’essentiel de la nature de la réalité alors qu’elle n’a peut-être saisi qu’une infime partie. De nouveaux modèles émergent qui nous disent que la réalité serait comme un hologramme “projeté” par la conscience, c’est-à-dire l’équivalent d’un rêve “solide” au-delà duquel se trouve une réalité plus fondamentale, ce qui correspond aux enseignements spirituels de toutes les traditions.

 

Happinez : Concrètement, comment pouvons-nous davantage maîtriser notre existence à l’aune des enseignements que vous avez tiré de votre recherche ?

Romuald Leterrier : La pratique régulière de la rétrocognition a pour fonction de mieux appréhender son destin, de mieux gérer notre pouvoir de décision (notre libre arbitre), ceci notamment avec des informations provenant de son avenir, ce qui est à même d’orienter nos choix avec plus de confiance et de fiabilité.

Jocelin Morisson : Pour moi, ce “jeu” avec les synchronicités, avec les signes que nous adressent le monde autour de nous et notre inconscient, nourrit le processus que Jung appelait “individuation”. C’est tout simplement le contraire de l’individualisation à laquelle nous pousse la modernité. L’individuation, ou éveil spirituel dans d’autres traditions, c’est se relier à notre essence profonde, le “Soi” jungien ou l’âme. Cette entité est transcendante, et cela fait de nous des individus reliés à tout ce qui nous entoure, nos semblables, le vivant et la planète dans son ensemble, et non des individus coupés de tout cela et autocentrés, égotiques et dysfonctionnels. La quête de sens est simplement cela : une quête du Soi et la réalisation que c’est déjà notre nature profonde ; il y a donc seulement à lâcher-prise et accepter, mais le mental ne l’entend pas de cette oreille !

 

Propos recueillis par Aubry François

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