Psychiatre-psychanalyste à Paris et auteure d’une dizaine d’ouvrages, dont « Aime-toi, la vie t’aimera » (Robert Laffont, 1992) et « Libre d’être femme » (L’Iconoclaste, 2016), Catherine Bensaid continue cette année son exploration du thème de l’amour. À partir de sa longue expérience de thérapeute et d’histoires de patients riches de sens, elle nous invite à nous libérer des sentiments négatifs qui obscurcissent notre relation à nous-même et notre expérience de la vie.

Happinez : Quelles sont les origines de la peur chez l’être humain ?

Catherine Bensaid : Le nouveau-né ne pouvant subvenir seul à ses besoins, sa première peur est de ne pas recevoir la nourriture nécessaire à sa survie.  La façon dont elle lui est donnée, avec chaleur, attention et douceur, ou froideur et distance, va faire naitre une autre peur : celle de ne pas être aimé à la mesure de ses attentes, de manquer d’une nourriture essentielle à son désir de vivre. Cette peur demeure en chacun de nous. Être ou ne pas être aimé, là est la question.

 

Happinez : Quels “chemins de guérison” proposez-vous d’emprunter pour sortir de cette émotion négative ?

Catherine Bensaid : Les histoires de vie que je raconte sont le témoin d’une évolution, d’une libération.  Elles montrent qu’il est possible de se défaire des liens qui ont éveillé en nous de multiples peurs : celle de ne pas être à la hauteur, de ne pas réussir sa vie, mais aussi d’aller de l’avant, d’affronter l’inconnu. Il faut du temps pour avoir conscience des situations et réflexions à l’origine d’un sentiment d’abandon, d’insécurité ou d’impuissance. Du temps aussi pour comprendre que nous ne sommes pas responsables des difficultés de nos parents et nous délester de ce qu’ils nous ont fait porter malgré eux : des reproches, des critiques, une culpabilité qui nous empêchent d’avancer, qui sont un frein dans la réalisation ce qui nous tient à cœur. Dès lors que nous parvenons à faire ce que nous aimons, à nous entourer de ceux que nous avons choisi d’aimer, l’élan de vie transcende les peurs et nous sommes concentrés sur le meilleur à vivre, et à créer, à chaque instant.

 

Le regard de la thérapeute sur lamour diffère-t-il de celui de la femme ?

Catherine Bensaid : Le regard d’amour d’un thérapeute n’est pas celui d’un amoureux, ou d’une amoureuse. Il ne demande pas à son patient de le rendre heureux, mais est là pour l’aider à trouver son bonheur, comme il le souhaite, à sa façon et à son rythme. Il n’attend et ne désire rien pour lui-même ; sa façon d’aimer est d’écouter, d’accueillir avec respect et attention celui ou celle qui se confie à lui : de lui permettre de s’accepter tel qu’il est, de porter sur lui-même, sur les autres et sur la vie un regard plus aimant. L’amour devient alors plus fort que la peur.

 

Propos recueillis par Aubry François