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À la découverte de soi… Rencontre avec Frédéric Lenoir

Catégorie(s) : À la une, À découvrir, Rencontres, Sagesse & spiritualité, Psychologie, Développement personnel

Psychanalyste visionnaire du XXe siècle, père de la psychologie des profondeurs et théoricien de notions incontournables comme l’ombre et l’inconscient collectif, Carl Gustav Jung demeure trop peu connu. Le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir, dont il a marqué le chemin, a souhaité partager avec le plus grand nombre les apports essentiels de sa pensée complexe qui n’a d’autre horizon que la connaissance de soi.
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Il a largement inspiré les divers courants du développement personnel qui fait de l’exploration de soi une voie à même d’éclairer chaque individu. Père spirituel du magazine Happinez, Carl Gustav Jung n’est sans doute pas la figure du psy mondialement connu à laquelle chacun pensera d’abord. Freud, qui souhaitait au départ le voir poursuivre son œuvre, l’a aimé puis détesté, ne comprenant pas les orientations spirituelles de sa pensée, une pensée construite à travers la vertigineuse confrontation à son propre univers intérieur, qui a su enrichir, ô combien, nos psychés. Synonyme de l’âme pour Jung, la psyché pourrait aussi représenter ce miroir dans lequel nous nous regardons pour en apprendre davantage sur nous-même, une porte ouverte sur nos ombres et nos lumières, ainsi qu’une fenêtre de dialogue entre conscient et inconscient. Dans son nouveau livre, Jung, un voyage vers soi, publié en novembre 2021 chez Albin Michel, Frédéric Lenoir a exploré la psyché jungienne, rendant accessible aux néophytes que nous sommes une œuvre essentielle mais complexe, signée par la fulgurance d’intuitions géniales qui n’entrent pas dans le cadre confortable d’une démonstration rationnelle. Lors de cette rencontre d’une importante richesse, Frédéric Lenoir nous a raconté ce que Jung et son processus d’individuation – théorie fondatrice du travail qu’il a mené tout au long de sa vie – ont éveillé en lui, dans son propre parcours, à travers des outils comme le rêve ou la synchronicité, et des notions comme l’ombre, l’inconscient collectif, ou encore l’anima et l’animus, dont il précise la potentielle portée pour tous ceux qui désireraient, comme lui, communiquer avec leurs parts inconscientes et tendre vers qui ils sont vraiment.

Happinez : Quand avez-vous découvert Carl Gustav Jung ?
Frédéric Lenoir : À l’adolescence. J’ai lu Ma vie, un récit autobiographique dans lequel il parle de ses expériences, de ses recherches, et où il aborde toutes les questions existentielles : la mort, la connaissance de soi, la spiritualité, le sens de la vie. À cet âge-là, je me posais toutes ces questions. J’avais déjà trouvé un début de réponse du côté de la philosophie grecque qui, pour moi, a été le point de départ d’un cheminement à la fois intellectuel et spirituel. Jung, en parlant de la psyché humaine, de la possibilité d’étudier nos rêves, de faire dialoguer conscient et inconscient, m’a apporté des outils concrets et tout à fait passionnants. Il est pour moi l’un des auteurs les plus importants de notre temps et comme je me suis rendu compte que très peu de gens l’avaient lu, j’ai eu envie de le faire connaître à un large public.

Qu’est-ce qui fait de lui un des pères fondateurs du développement personnel ?
Jung a renversé la finalité de la psychologie. Si l’on remonte au début du XXe siècle, tous les pionniers de la psychanalyse, comme Freud, mais aussi les psychiatres, avaient pour unique but de guérir des maladies mentales, des névroses ou des psychoses. En d’autres mots, réparer. Jung, en écoutant les récits oniriques de ses patients et en devenant lui-même le sujet de ses expérimentations, a compris que l’inconscient n’est pas qu’un lieu de refoulement et qu’il nous donne des indications qui nous permettent de grandir. L’une des fonctions de la psyché est de nous aider à nous accomplir. C’est, au fond, un outil de connaissance de soi en vue d’un perfectionnement et, pour lui, il faut aller vers cette complétude dont parlera son processus d’individuation. Tous les mouvements apparus dans les années 1960 – Gestalt-thérapie, sophrologie, etc. – sont nés de ce constat jungien.

Un phénomène fascinant qui nous fait réfléchir sur la nature de la réalité est la synchronicité. Quelle définition Jung en donnait-il ?
La théorie des synchronicités est l’une des choses qui m’ont le plus intéressé chez lui. Il relate une histoire, désormais connue : un jour qu’il faisait une séance de thérapie dans son bureau, sa patiente lui a parlé d’un rêve qu’elle avait fait où elle avait vu un scarabée doré. Et au moment où elle lui racontait cela, un scarabée doré s’est cogné contre la fenêtre. Ils ont tous deux été extrêmement bouleversés par cette incroyable coïncidence. Des synchronicités, Jung va en voir très souvent et y réfléchir de plus en plus. Il va se demander comment il se fait qu’il puisse exister une corrélation entre un événement psychique et un événement physique sans la moindre causalité. Il y a bien un sens, mais comment l’expliquer ? Les outils classiques de la science ne lui seront d’aucun secours. Il rencontrera cependant un physicien très connu, Wolfgang Pauli, Zurichois comme lui, l’un des fondateurs de la physique quantique et prix Nobel de physique en 1945, qui s’intéressait exactement à la même question et avait lui aussi observé, en physique, cette fameuse concomitance entre deux phénomènes de nature différente. En faisant des expériences sur le microcosme, il s’était aperçu que l’expérimentateur influençait l’expérience – ce qui, selon le paradigme scientifique dominant, est complètement incompréhensible. Pendant vingt-cinq ans, Jung et Pauli vont réfléchir à cette question et arriver à une hypothèse passionnante. Il existerait, en parallèle du réel visible, que l’on peut explorer par nos cinq sens, notre raison logique, et qui est intrinsèquement lié à l’espace-temps, une réalité invisible où esprit et matière seraient reliés mais qui échapperait, quant à elle, aux catégories de l’espace-temps. Ce réel voilé, accessible uniquement par l’inconscient et l’intuition, expliquerait les rêves prémonitoires et les synchronicités, mais aussi tous les phénomènes paranormaux, comme la voyance, que la science considérait jusqu’ici comme absurdes et aberrants. Le problème de cette formidable hypothèse, c’est qu’elle n’est pas démontrable par les outils matériels de la science. Mais elle rejoint beaucoup de travaux réalisés ensuite : ceux de Christian de Beauregard ou encore de Rupert Sheldrake. Beaucoup de scientifiques se sont inspirés de cette hypothèse.

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Retrouvez l’intégralité de la rencontre avec Frédéric Lenoir dans Happinez 64 – être soi, en vente chez les marchands de journaux le 22 février !

Jung – Un voyage vers soi, Frédéric Lenoir, Albin Michel, nov. 2021.