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Mieux vivre son écoanxiété : Réparateur, récupérateur, recycleur… des métiers d’avenir

Catégorie(s) : Développement personnel, Art de vivre, Nature, DIY, À découvrir, Rituels

Hausse des prix de l’énergie, donc des coûts de fabrication, de transport, de commercialisation… Et si l’heure était venue de faire avec ce que nous possédons déjà, de devenir des adeptes convaincus de la récupération, du recyclage, de la réparation ? Nous disposons de tout ce dont nous avons besoin, déjà, en grande quantité, une profusion dont une large part finit bien trop tôt dans les déchèteries. Une démarche active et engagée qui fait du bien autant à notre moral qu’à notre environnement.

Depuis plusieurs mois, la recharge de mon portable s’avérait de plus en plus aléatoire, sans doute à cause d’une connectique devenue avec le temps défaillante. Malgré l’achat d’un câble neuf, de nombreuses tentatives de nettoyage par le souffle du minuscule orifice adéquat, rien n’y faisait. Un premier professionnel dans une petite boutique d’entretien m’indiquait qu’une réparation me coûterait plus cher que la valeur résiduelle du téléphone, et à peine moins qu’un appareil plus récent. Un second m’expliquait, sur un ton convaincu et convaincant, que mon modèle largement daté allait entrer dans sa phase d’obsolescence programmée, et qu’il boguerait de toute façon de plus en plus fréquemment. J’étais sur le point de m’en procurer un neuf (d’occasion, bien sûr) quand un ami m’offrit un conseil inespéré. Prends un cure-dent (en bois), me dit-il, gratte dans le petit orifice pour en faire sortir les impuretés, et tout devrait rentrer dans l’ordre.

Il disait vrai.

C’était il y a presque un an, et depuis, mon smartphone se porte comme un charme.

Cette mésaventure somme toute banale illustre à quel point nous sommes désemparés face à la panne, désarmés à l’idée même de réparation, et dramatiquement inaptes à la bidouille. Les particuliers comme les professionnels. Notre monde est ainsi fait : il est moins cher pour un constructeur de changer une scie sauteuse sous garantie que d’en déceler la panne et de la remettre à neuf. L’objet défectueux part à la poubelle, sans que quiconque prenne le temps d’essayer de le sauver. Dans mon cas de figure, puisqu’il s’agit d’une expérience vécue, il s’agissait d’une simple petite pièce en plastique à remplacer, une rondelle améliorée qui doit valoir à peine quelques dizaines de centimes d’euros, mais qui, dans l’organisation actuelle de notre modèle économique, n’est pas disponible à l’unité. Une aberration totale, et un monumental gâchis quand on pense à toutes les autres pièces en parfait état qui composaient cette scie sauteuse.

En ces temps incertains, nous pourrions faire mieux.

Nous devrions faire mieux.

Depuis une quinzaine d’années, le recyclage a acquis ses lettres de noblesse, que ce soit à travers des enseignes spécialisées, des foires à tout ou autres brocantes toujours plus nombreuses, ou encore des établissements à vocation plus ou moins caritative. Et cela fonctionne : on peut acheter et revendre un four à micro-onde dans la rue, se procurer un ordinateur chez un recycleur, ou un jeu d’assiettes à soupe de seconde main (ou plus) chez Emmaüs. C’est une victoire, puisque ce qui reste dans le système, ce qui n’est pas détruit, brûlé ou enterré, engendre forcément une économie d’énergie, et ce à tous les niveaux.

Il devrait en être de même pour la réparation. Les machines à laver la vaisselle, le linge, les tondeuses, les écrans plats, les cocottes minute… Les mécaniciens le font, dans une certaine mesure, avec nos voitures et nos scooters, les techniciens avec nos téléphones et nos ordinateurs, avec les limites émises ci-dessus. Mais soyons réalistes, le principe est loin d’être généralisé. Même de grandes enseignes refusent d’envisager la réparation, et lorsqu’elles s’y engagent, c’est à prix prohibitifs destinés à nous orienter vers le neuf.

Il est temps que cela cesse, ou au moins évolue.

J’entends déjà les économistes libéraux m’expliquer que si nous ne consommons pas, si nous ne créons pas de richesse, l’emploi en souffrira, donc notre sacro-saint pouvoir d’achat. Je leur répondrais, en béotien que je suis, que si nous exploitions mieux dans le temps nos biens, nous aurions moins besoin de revenus, puisque nous n’aurions pas sans cesse à tout racheter.

Une forme de décroissance ?

Non.

Juste, dans notre situation, une forme d’intelligence.

Mieux consommer passe aussi par faire durer ce que nous possédons déjà. Entretenir, réparer, et refuser de céder à la facilité en achetant du neuf. Un acte engagé au quotidien qui soulage la planète et nous fait du bien, ne serait-ce qu’en nourrissant notre bon sens. Nous y viendrons, j’en suis convaincu, de notre propre chef ou contraint par cette fin de l’abondance officiellement annoncée depuis peu. J’y crois à tel point que si j’avais des enfants en âge de choisir leur futur métier, je leur suggérerais de devenir réparateur pluridisciplinaire, des couteaux suisses de la bricole ! Nous avons besoin de ce genre de talents, et aujourd’hui moins que demain !

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il a récemment publié Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.