Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Paroles inspirées de Michael Lonsdale
Michael Lonsdale habite le paysage cinématographique, théâtral et radiophonique français depuis plus de cinquante ans. L’acteur évoque volontiers sa vision des hommes et à travers eux son rapport à la foi et à l’art.
Qu’est-ce qui vous rend heureux ?
La musique, la bonté, la gentillesse, un sourire, les enfants. Je crois que ce qui a été créé naturellement est ce qu’il y a de plus beau, c’est vraiment la création de Dieu. Pour les chrétiens, le grand amour, la joie, c’est d’essayer d’accomplir ces grandes paroles du Christ, comme : « Si vous n’êtes pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume. » J’adore ça ! Les enfants, eux, croient totalement à leurs jeux. Mon père spirituel m’a dit un jour : « Vous voulez être comédien parce que vous avez des choses à dire, que vous ne pourrez dire qu’en jouant, à travers le je, au sens ‘’je est un autre’’ ». Nous, comédiens, nous jouons toute la journée. C’est capital, l’art c’est ça. Un enfant qui ne joue pas, c’est gravissime. Certains comédiens se rongent les sangs, moi je suis un acteur d’instinct. Je ne travaille jamais un rôle. Il faut laisser venir l’instinct, qui sait très bien ce qu’il faut faire. Et travailler la mécanique de la mémoire, mais il faut aussi en jouer.
Croire, est-ce avoir confiance en l’homme par dessus tout ?
Bien sûr. Prier vous amène à considérer l’essentiel avec simplicité, à essayer de vivre ce que le Seigneur nous demande et qui n’est pas toujours facile. « Aimez-vous les uns les autres. » Il faut arriver à un état de connaissance du genre humain, à savoir que chaque être est un trésor unique au monde, que chaque personne est une création voulue de Dieu donc infiniment respectable. Évidemment les gens ne sont pas toujours bien, ils commettent des choses malsaines ou égoïstes. Ça ne fait rien, au contraire, le Christ a bien dit « Je viens pour les pauvres, les malades, les prostitués et les voleurs », ce qui en choque beaucoup… Mais lui ne voit pas le voleur, il voit ce qu’il y a derrière le voleur. « Aimez-vous les uns les autres », il y a de quoi se nourrir, cultiver cette recherche de supporter les autres. Je me suis surpris à médire des autres et je me suis dit : « Attention, là, où tu vas ? ». Mais on est tellement surpris et bouleversé par certains comportements humains, que l’on condamne. On ne pense pas tout de suite à pardonner.
Pour pardonner, il faut s’aimer…
Pascal Ide, qui est prêtre, a parlé du mépris de soi-même, c’est passionnant. Je ne comprenais pas cette virulence qu’ont certains, cette méchanceté, cette dureté vis-à-vis des autres, les traitant comme des chiens, souhaitant leur mort. Lui prétend que c’est généralement une blessure intérieure très sourde, inconsciente, parce que leur vie a été une déception et cette déception a engendré le regret et le jugement sur soi-même. Tout cela travaille et quand on ne se considère plus, on ne peut plus aimer les autres, on reporte tout ça sur eux . Se pardonner soi-même, c’est reconnaître qu’on est comme on est, qu’il ne faut pas faire le malin ou essayer de faire des prouesses mais se considérer calmement et dire au Seigneur : « Voilà, je suis comme je suis ». Le pardon est une chose extraordinaire. Le Christ nous a donné le Notre père, c’est court, il aurait pu en dire des choses mais c’est le pardon qui est le plus long dans cette prière : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Le pardon est salutaire.
La peinture pour vous est une forme de prière ?
Oui, c’est une drôle de fonction, on a des petites couleurs là sur une palette, de la matière inerte, jolie, et on met ça sur une toile ou un papier et on la transfigure. C’est une sanctification de la matière, cette matière qui finit par montrer la beauté, à travers les rapports harmonieux de la couleur. J’ai des moments de contemplation silencieuse quand je me mets à la peinture, j’entre dans un état où je suis parfois obligé de m’arrêter… Chaque rapport avec Dieu est personnel, c’est difficile de dire comment c’est mais c’est un grand bonheur de prier. J’ai fréquenté un peu la spiritualité indoue, chez Râmakrishna. Le védantisme, c’est une apparition de Dieu, Bouddha, Jésus, Mohamed et enfin Rama. Voilà des gens tout à fait bien, heureux, discrets et serviteurs des autres. Le Swami Sidesh Varananda, par exemple. J’ai passé un moment avec lui, il y avait un sentiment de paix incroyable, tout était dit sans parole. Ce genre de spiritualité existe dans un tas d’endroits du monde, il ne faut pas croire que nous avons le monopole de Dieu.
Qu’est-ce qui vous fait espérer ?
Le fait qu’il y a toujours chez l’être humain une possibilité de retourner la médaille et de changer radicalement. Il n’y a pas à désespérer… Aujourd’hui, nous sommes un petit peu submergés par toutes ces choses nouvelles, les quantités, la surpopulation, ça me fait un peu peur parfois, c’est vrai… Mais il y aura toujours des saints. Il faut espérer. Et souhaiter le bonheur et l’harmonie à chaque être qu’on rencontre… Vous, maintenant !
Rencontre extrait de Happinez n°1 p.54