Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Les conseils santé du Dr V. : Récupérer le sensuel
Chers lectrices, chers lecteurs, nous voilà déjà au mois de mai… les jours plus doux, je l’espère, approchent à grands pas. Le mois dernier, j’invitais celles et ceux qui le désiraient à décrire l’espace perçu derrière une fenêtre. Ardue, quelquefois désespérante, cette proposition m’a permis de dériver vers les mots. Flottons-y encore un peu, si vous le voulez bien.
Mes travaux, vous le savez, portent sur les moyens à notre disposition de réanimer l’interaction subtile entre nos corps et le monde sensuel dans lequel ils se sont formés. Ces recherches se fondent sur un principe simple ; si j’existe, c’est uniquement parce que je ne suis pas autre chose que moi-même. Dès lors que je ne suis ni une musaraigne, ni un pommier, ni un caillou, ni une barrière de corail, ni un ruisseau, ni ma mère, je suis moi. Cependant, c’est aussi, évidemment, parce que tout cela existe que je suis moi. Pour le dire d’un peu plus loin encore, nous ne sommes humains que dans la convivialité avec ce qui n’est pas humain. Nos corps font partie d’un réseau de textures, nos yeux, nos oreilles, nos bouches, notre nez et notre peau ne jaillissent pas du néant. Notre matière est en lien avec la Terre animée où prennent racine tous nos modes d’expression. Attardons-nous sur le langage. Les mots ne flottent pas, détachés, distants, au dessus de nos têtes et dans les dictionnaires. Même si notre culture les a lessivés avec acharnement, leur sensualité respire encore dans la poésie, dans le théâtre, dans l’art, où la langue retrouve sa parenté avec le sifflement du merle, le chant de la baleine, le souffle du vent, le hurlement des loups, le crépitement du feu. Soigner la Terre, et donc nous-mêmes, c’est raviver sans relâche cette délicate réciprocité de tout ce qui vit. Et le langage est un puissant soufflet. Comment le réanimer au quotidien ?
D’abord, chers lecteurs, affirmez sans hésiter que tout ce que vous percevez du monde est animé. Vous ne serez alors plus la source des mots mais un passage, et vous pourrez sentir le pouvoir du langage parlé, capable de modifier, d’influencer, de transformer les perceptions. Plus concrètement encore, mettez le sens au corps. Par exemple, si vous avez du mal à avoir confiance en vous, prenez la phrase « je me fais confiance », et étalez-la comme une crème sur toute la surface de votre peau. Essayez, ça marche avec tout, et ça hydrate. Pour les mots écrits, c’est plus difficile. On a trop vite fait de croire qu’ils sont séparés du mouvement, du temps, de l’espace, du corps. J’ai demandé dernièrement à une patiente de réveiller l’intelligence terrestre qui sommeille dans certains mots coincés en les plantant, comme des graines, sous les rochers, aux pieds des arbres… Hippocrate me défend de dévoiler la façon dont cette femme, par la suite, a fleuri.
Bon rétablissement,
Dr V. (Lisa Diez)
Photographie : Milo Blond
Lisa Diez est une chercheuse tout-terrain. Depuis sa tendre enfance, elle ausculte avec passion les facettes du vivant, du sensible, de l’invisible et déniche dans la matière les formes qui les relient. Plasticienne, clown, auteure mais aussi formatrice et médiatrice artistique, elle invite les personnes à plonger dans l’expérience de la création.