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Et si notre alimentation devenait enfin affaire d’intuition ?

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Diététicienne-nutritionniste, instructrice de méditation de pleine conscience (MBSR), d’autocompassion (MSC) et enseignante de yoga, Alexandra Palao nous présente sa spécialité, l’alimentation intuitive, une approche qui invite à se mettre réellement à l’écoute de ses besoins comme de ses envies, en alliant réconciliation avec soi et plaisir de se nourrir.

Happinez : De nos jours, quel est notre rapport à l’alimentation ?  

Alexandra Palao : Aujourd’hui, nous sommes tous devenus des experts en nutrition. Manger sain est une course quotidienne à la performance. Limiter les aliments jugés néfastes. Contrôler son poids. Maigrir ou rester mince. À l’approche de l’été, il faut se préparer au Summer body. Quand certains réussissent, d’autres échouent. Et la plupart dépensent une énergie psychologique considérable à planifier, anticiper la composition de leurs repas. Et si le plaisir est mis en avant dans les campagnes d’informations institutionnelles, les aliments sucrés, gras, apparaissent dans la catégorie “à consommer avec modération”. Ce qui sous-entend le risque d’une consommation excessive. Cultiver un rapport à l’alimentation source de charge mentale, de restrictions, est-ce vraiment notre seule option ?

« Une alimentation qui se fonde sur les pensées de l’esprit est généralement fondée sur l’inquiétude. »
Jan Chozen Bays

Le corps est une “machine” infiniment complexe et intelligente. Depuis notre naissance, à travers les signaux qu’il nous adresse, il nous donne de précieuses informations sur nos besoins, nos motivations et les choix à mettre en place pour les satisfaire. Des mécanismes neurobiologiques œuvrent pour défendre notre poids d’équilibre. Des messages hormonaux et nerveux en provenance du tube digestif, de l’estomac informent le cerveau sur nos besoins à court terme et régulent la prise alimentaire. Des signaux d’adiposité régulent sur le long terme notre comportement alimentaire. C’est là une vision simplifiée qui donne une idée de la “technologie de pointe” qu’il y a derrière notre comportement alimentaire.

André Holley, dans Le Cerveau gourmand, nous rappelle qu’en une décennie « un sujet adulte aura consommé quelque 10 millions de kilocalories, son poids aura idéalement augmenté de quelques centaines de grammes, ce qui correspond, dans l’hypothèse où le surplus consommé est entièrement stocké sous forme de graisse, à un déséquilibre de 0,17% sur 10 ans » (Friedman J.M., « Obesity in the new millenium », Nature, 2000, 404). Donc vouloir contrôler l’alimentation avec des règles, des facteurs extrinsèques, est une course infernale vouée le plus souvent à l’échec, compte tenue de la complexité du corps et de ses systèmes de régulation, en grande partie inconscients.

 

Que faire alors ? Quelle est l’alternative au contrôle ?

L’alimentation intuitive propose une voie entre chaos et rigidité. La voie du bien-être. Elle est une manière de manger centrée sur des signaux intrinsèques – sensations alimentaires, plaisir, réconfort – pour ramener le corps au poids d’équilibre et retrouver un rapport à l’assiette source de paix et de joie. Elle donne le rôle principal à la FAIM. La faim signale l’existence d’une dette énergétique. Impossible de grossir en mangeant avec faim. Quelle que soit la nourriture consommée et quel que soit son poids. C’est l’apport énergétique en excès par rapport à nos besoins qui fait grossir. Bien sûr, il nous arrive tous de manger sans faim. Lorsque c’est le cas, nos systèmes de régulation ajustent le niveau de faim des repas suivants. Les repas sont autant de variables d’ajustement si nous sommes à l’écoute de ce signal. Or, nous le sommes rarement. Par habitude. Par éducation. Par les normes sociétale et sociales qui se sont imposées dans nos vies. Revenir au contact de la faim va être d’une aide précieuse pour savoir si nous avons besoin de manger et vers quel aliment aller. La faim marque le début d’un repas (nous verrons ensuite dans quels cas elle n’est pas indispensable). Au départ, la faim apparaîtra à des moments peu adaptés à la vie en société, mais peu à peu avec le travail autour de l’appétit prévisionnel, on va apprendre à ce qu’elle se manifeste aux moments les plus adaptés.

 

Si je commence un repas avec faim, qu’est-ce qui m’arrête ?

Habituellement, je me sers une portion “raisonnable”. Je peux me resservir. Mais ce qui indique la fin du repas est mon assiette vide. En mangeant de manière intuitive, c’est le rassasiement qui va me dire : tu peux t’arrêter, tu n’as plus envie de manger. Lorsque je mange avec faim, que je suis attentif(ve) à ce signal, il disparaît au bout de quelques bouchées en règle générale. Il reste l’envie. Lorsque celle-ci disparaît, c’est l’indice de l’arrêt physiologique du repas. Aujourd’hui, de nombreux mangeurs n’y sont plus attentifs ou font l’expérience d’un rassasiement tardif.

Il y a donc tout un travail à mener autour de ce processus, afin de voir comment on peut faire apparaître le rassasiement plus rapidement.

 

Pourquoi le rassasiement arrive-t-il tardivement ?

Pour de multiples raisons. La vitesse d’ingestion rapide, le fait que nous mangeons parfois des aliments parce qu’ils sont là mais qu’ils ne nous procurent pas plus de plaisir que cela. L’envie ne disparaît pas car souvent le plaisir n’est tout simplement pas convié au repas. “Je mange sain” parce que je ”sais” que c’est bon pour moi, le mental prend alors le relais. Avec le risque de nous déconnecter du corps et du ressenti et de ne pas percevoir les réels besoins énergétiques du moment.

Sur le chemin de l’alimentation intuitive, le mangeur va choisir des aliments qui lui apportent du plaisir, pour lesquels il ressent de l’envie ici et maintenant. Il va ensuite rester présent à ses sensations alimentaires, sensorielles en consommant son repas. Cela va l’inviter à ralentir. Tout naturellement. Enfin, il va peu à peu développer un sentiment de sécurité dans le contexte des prises alimentaires. L’acquisition de cette sécurité est centrale dans la thérapie. Il n’aura pas peur de grossir, de manger en excès. Il apprendra à se faire confiance à travers des expériences, tout au long du voyage. Il sortira de table rassasié – s’il mangeait avec faim – ou réconforté – s’il mangeait sous l’effet d’une émotion : les deux principales motivations qui nous poussent à manger.

 

Que fait le mangeur quand il a une envie de manger émotionnelle ?

Lorsqu’une envie de manger se manifeste, en dehors des clous de la faim, le mangeur intuitif est invité à y répondre inconditionnellement. Il doit respecter le rituel de choisir un aliment qui fait envie, avec attention, dans une atmosphère intérieure sécurisante. C’est ainsi qu’il se sentira pleinement réconforté. Le plaisir a donc un second rôle central dans la régulation du comportement alimentaire du mangeur intuitif. Il va contribuer à l’extinction du désir de manger par les signaux de rassasiement et réconfort. Là où la frustration ou l’insatisfaction pourrait entraîner des compulsions.

 

Et si l’on a intuitivement l’envie de dévorer un pot de glace ou un plat préparé industriel, c’est-à-dire des produits objectivement néfastes pour notre corps ? Cela ne va-t-il pas à contrecourant de ce désir de bien-être ?

Avoir une envie, c’est être en vie. N’est-ce pas une sensation à célébrer ? Si j’ai intuitivement envie de manger un pot de glace au parfum que j’adore, pourquoi aurais-je besoin de le dévorer ? Parce je ne suis pas ok avec ce que je suis en train de faire. Pour manger « à l’insu de moi-même » me confiait E., une de mes participantes. On parle de comportement égodystonique, à l’origine des compulsions. Un décalage entre ce que je pense que je devrais faire et ce que je fais. Si je pense que cette glace est « objectivement néfaste pour mon corps » et que j’en ai envie, c’est la lutte intérieure.

« Tout à quoi je résiste persiste, ce à quoi je fais face s’efface. »

Si je résiste à mon envie, lorsque ça lâche, par épuisement psychologique, je succombe. En dévorant. Comme les vannes d’un barrage qui s’ouvrent. Plutôt que de s’attacher au symptôme (la face émergée de l’iceberg), l’alimentation intuitive s’intéresse à la face immergée. Qu’est ce qui se cache derrière ce comportement quand je l’observe avec bienveillance et compassion ? Manger une glace peut raviver un souvenir d’enfant. Celui qui allait piocher dans le grand congélateur rempli de spécialités glacées de sa grand-mère et savourait sa glace comme le plus précieux trésor.

Et pour le plat industriel, le meilleur moyen de se mettre à cuisiner n’est-il pas de déguster en conscience ce plat industriel ? Est-ce un plat industriel qui va mettre en danger notre santé ? L’alimentation intuitive nous invite à cultiver la souplesse dans nos choix. Le bien-être est une expérience vivante. Donc changeante. Il peut passer parfois par un aliment gras, sucré, industriel. Et parfois par la plus jolie des salades. Cette injonction au manger sain obsessionnelle dessert l’objectif premier. Si je savoure un gâteau industriel, dois-je me sentir coupable ? Chacun fait comme il peut (n’oublions que l’alimentation est un marqueur social) et veut. La culpabilité et la honte font des dégâts considérables chez les mangeurs. Et je ne parle pas de la grossophobie ambiante qui les accentue. Alors plutôt que de juger (qui sommes-nous pour le faire ?), je propose des expériences dans lequel j’invite à manger différemment. Vous seriez étonné de voir comment les comportements changent d’eux-mêmes. Et sont durables dès lors qu’ils sont cultivés.

 

Sans les influences de l’éducation et de la société en matière d’alimentation, les enfants ne seraient-ils pas naturellement enclins à se nourrir intuitivement ?

Sans le marketing, l’environnement publicitaire, et les projections parentales (émanant des meilleures bonnes intentions, je suis moi-même maman de quatre enfants et je projette forcément malgré moi…), les enfants seraient tranquilles et régulés (à l’exception de pathologies neurologiques rares comme le syndrome de Prader-Willi). L’enfant s’arrête naturellement quand ses besoins sont satisfaits. Dans mon programme d’éducation au goût en pleine conscience (soutenu par la Fondation SEVE), j’accueille des binômes parent-enfant. Les enfants sont encore petits, de 7 à 10 ans. Très vite, les parents prennent conscience que ce sont leurs peurs (que l’enfant grossisse, qu’il mette en danger sa santé, qu’il soit carencé…) qui représentent une grande partie du problème. Je ne veux pas généraliser à outrance. Mais je constate que chez les enfants élevés à écouter leur instinct, leurs envies, les choses sont assez simples et marchent bien. Dans les familles où les repas sont des moments sources de conflit, d’opposition, les enfants sont dans la résistance. Forcer un enfant à manger des légumes, lui interdire les féculents le soir parce qu’il en a consommé le midi ou lui refuser le dessert sous prétexte qu’il n’a pas fini ses légumes, rendent le temps des repas aversif. C’est le meilleur moyen de perturber le rapport de confiance de l’enfant envers la nourriture. Je ne dis pas que c’est simple aujourd’hui avec l’offre alimentaire pléthorique et les aliments ultra-transformés. Je suis maman et à ce titre, je constate à quel point c’est un défi d’offrir aux enfants ce modèle intuitif. Cela me semble être un merveilleux cadeau à leur faire !

« Les enfants suivent les exemples mieux qu’ils n’écoutent les conseils. » Roy L Smith

Au sein de ma famille, j’incarne une mangeuse qui se délecte des aliments bruts, qui joue avec les couleurs, les textures et les saveurs. Mon enfance en Afrique imprègne mon rapport à l’alimentation. Simple, coloré et plein de joie.

Une alimentation qui nourrit mon enfant intérieur. Je vous avoue qu’à la maison, nous mangeons très sain, mais c’est l’alimentation qui nous vient intuitivement. Naturellement, lorsque l’on se met à l’écoute du corps. Mes enfants sont des mangeurs exigeants et intuitifs. Le petit dernier (11 ans) peut manger des lentilles, des petits pois ou des tomates au petit-déjeuner. Je le laisse faire des expériences depuis son plus jeune âge. Il en tire des leçons et devient un mangeur autonome, sûr de ses capacités à choisir en conscience. Je peux vous dire que son papa freinait des quatre fers au départ. Aujourd’hui, il est émerveillé de voir son fils se mettre aux fourneaux et se préparer des assiettes colorées !

 

Comment l’adulte peut-il retrouver cet instinct ?

« Le mental intuitif est un don sacré, et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don. » Albert Einstein

Que se passe-t-il lorsqu’un adulte fait l’expérience directe de l’aliment ?  En pleine conscience ? En laissant passer les pensées sur ce qu’il déguste, sur son poids, ses expériences passées ? Simplement au contact des messages de ses 5 sens. Voir, toucher, écouter, sentir puis goûter ? Il a beau connaître ce qu’il mange, c’est souvent ce qu’on appelle une expérience (rires). Il y a un avant et un après. L’idée est de proposer aux adultes des expériences de cet ordre. Les ateliers en collectif sont des terrains d’explorations, de découvertes majeures. Ensemble, nous observons les schémas se gommer, les habitudes et les pensées auto-prédictives qui les enchaînent se dissoudre sous l’effet de la bienveillance et de l’auto-compassion.

« Lorsque je m’accepte, alors je peux changer. » Carl Rodgers

Reconnaître notre manière de fonctionner est la première étape. Avec curiosité et bienveillance, deux clés. Le travail en groupe ajouté à ces qualités, vont soutenir la transformation de chacun. Nous réalisons que nous avons tous des failles. Apprenons à changer de regard pour découvrir qu’à travers elles, pénètrent la lumière. Cela demande de se réconcilier avec le corps, de lui porter une attention bienveillante, curieuse. Cela se fait en douceur, en respectant le rythme de chacun. Pas à pas.

« La connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est que de l’information. » Albert Einstein

Je nous invite à lâcher le contrôle pour nous fier à notre intuition. Redevenir humble, se reconnecter à la fraîcheur, la curiosité et l’intuition de l’enfant. Sans peur, sans attentes, sans savoir. Confiant et émerveillé de capter les informations sensorielles, d’admirer ce que la Nature nous offre, ce que le corps métabolise, transforme, presque par magie.

Tout le monde ne s’engagera pas sur cette voie. Lâcher le contrôle et apprendre à faire confiance au processus physiologiques demande du courage et un accompagnement adapté. Fait d’expériences, d’apports didactiques et d’échanges avec d’autres mangeurs. Car si je propose un accompagnement individuel, mes expériences cliniques me démontrent combien le travail en groupe décuple les prises de conscience et les transformations.

Depuis trois ans, j’ai travaillé à l’élaboration du programme Alimentation Intuitive et Pleine conscience en huit semaines dont le pilote a été un moment magique pour tous. Chacun y a découvert bien plus que ce qu’il était venu chercher. Avec une expertise découlant de ses expériences propres, confrontées à des apports plus théoriques. Naturellement, des transformations se sont manifestées avec des comportements de santé plus positifs et plus durables. En se mettant à l’écoute du corps et du cœur, nous découvrons que tout ce dont nous avons besoin est en nous. Pour faire nos choix alimentaires, en quantité et en qualité.

Mon rêve est de mettre en place des actions et des programmes de diététique holistique au profit des populations plus défavorisées, où la prévalence du surpoids et de l’obésité est plus importante. Parce que cette approche ne demande pas de moyens supplémentaires aux familles, mais davantage une rééducation à manger différemment. Ce qui est accessible à tous. Il est temps de redonner le pouvoir à chacun.

Enfin, le marketing fait des ravages. Il est temps d’engager les acteurs des industries agro-alimentaires dans ce sens. Véritablement. Des petits pas. Ou des grands. J’y crois. Sur plusieurs années, cela fera forcément la différence.

 

Quel lien établissez-vous entre diététique holistique, yoga et méditation de pleine conscience ?

« Je suis gros, c’est normal, je suis gourmand », « Je n’ai aucune volonté », « Je dois combattre ma gourmandise », « Je n’y arriverai jamais », « Pour être heureux, je dois perdre x kilos »… sont des échantillons de pensées qui tournent en boucle dans l’esprit des mangeurs, les enchaînant à leurs habitudes et à leurs comportements de santé néfastes. Dans mon travail et dans le programme que j’ai créé, j’ai intégré ces trois disciplines qui sont pour moi indissociables. Le manque d’ancrage, l’absence de présence au ressenti, les pensées, les tensions corporelles sont autant d’obstacles à un rapport confiant et intuitif aux aliments.

La pleine conscience est la présence dans l’instant présent à ce que nous faisons, sans juger l’expérience, ni vouloir qu’elle soit autrement. Elle nous permet de comprendre que tout est impermanent (nos sensations, nos émotions, nos pensées) et qu’aucune expérience n’est satisfaisante durablement. Que ces pensées qui nous font souffrir ne sont qu’un ensemble de mots. Qui disparaissent quand nous ne focalisons pas sur eux. Et qui ne témoignent pas de la réalité. Dans les groupes, nous réalisons que nous partageons tous les mêmes peurs (grossir, devenir malade, ne pas être aimé, être rejeté, jugé, pointé du doigt) et les mêmes souffrances (à des degrés différents bien sûr). Nous prenons conscience que nous sommes tous embarqués dans le même bateau – la vie humaine – et partageons le désir d’être heureux, Cette humanité partagée est profondément réconfortante. Son énergie est guérisseuse. Les pratiques de pleine conscience que je propose sont très inspirées de l’auto-compassion. La capacité à nous apporter bienveillance et soin alors que nous souffrons. Les pratiques de pleine conscience et d’auto-compassion nous donnent l’occasion de ressentir le corps vivant, d’apprendre à être bienveillant envers lui et de lui témoigner de la gratitude, ce que nous faisons rarement. Nous découvrons aussi que tout est neuf dans l’instant présent et donc possible (ou presque), en pratiquant l’esprit du débutant. C’est une qualité qui a des effets magiques envers l’alimentation ! L’instant présent est comme une page blanche qui offre au mangeur l’espace pour élargir son cadre de vie, d’habitudes avec des pas (actions) engagés au service de ses valeurs.

J’ai également intégré dans le programme des pratiques d’hatha-yoga en pleine conscience. Le yoga approfondit le travail corporel pour nous connecter à notre essence profonde loin des étiquettes, pensées et identité qui nous collent à la peau. Alors nous apprenons en douceur à ressentir le corps et ses limites, à cultiver la curiosité et la bienveillance dans le mouvement, à accueillir le corps tel qu’il est, sans le juger. Car si bien des mangeurs disent ne pas se reconnaître dans leur corps à l’instant présent, c’est avec ce corps que le voyage démarre. Apprendre à en prendre soin ici et maintenant, va permettre la transformation. Le yoga ancre le mangeur dans ses racines, le met au contact de sa force intérieure à travers le mouvement, le souffle et le symbolisme des postures. Cette interdisciplinarité – alimentation intuitive, pleine conscience et yoga – permet de dévoiler les ressources intérieures présentes en chacun. À l’écoute du cœur, la lumière se fait.

 

Cette pratique peut-elle solutionner des troubles comme la boulimie ou l’anorexie ? N’ont-ils pas des causes plus profondes à tenter d’abord de comprendre à travers un travail psychothérapeutique ?

Cette pratique peut aider des personnes en proie à une alimentation compulsive, de type boulimie, binge eating ou encore l’hyperphagie. Il n’est pas rare que les patients commencent un travail sur l’alimentation pour se rendre compte que c’est l’arbre qui cache la forêt. Ils se tournent alors – ou mènent en parallèle – vers un travail psychothérapeutique.

C’est notamment le cas lorsqu’on se trouve face à une anesthésie émotionnelle, où le mangeur veut remplacer la douleur psychique intolérable par une douleur physique jugée plus supportable. Travailler sur le comportement alimentaire n’est clairement pas la priorité. On retrouve aussi une grande mésestime de soi chez ces patients, souvent l’existence de traumas qui sont autant d’invitations à s’engager dans un travail psychothérapeutique de fond.

Mais dans ces pathologies, se cache souvent une difficulté à se réconforter avec les aliments (le trouble du réconfort) sur laquelle l’approche diététique holistique va se révéler utile. Les patientes anorexiques bénéficient d’une prise en charge psychologique et diététique plus classique selon mes connaissances. L’accompagnement en yoga peut être toutefois précieux – en dehors de la phase aiguë – pour redéfinir le schéma corporel, en douceur, rétablir un lien de confiance avec le corps. Concrètement, dans mes groupes, je peux accueillir des personnes qui ont traversé des phases d’anorexie. Même après des années, pour certaines après des phases de boulimie, elles témoignent d’un rapport à l’alimentation conflictuel, rigide, source de charge mentale et de souffrances. Elles viennent trouver un espace de bienveillance et d’auto-compassion qui les transforme profondément et durablement. Ensemble, nous tissons un lien au corps, aux émotions et à la nourriture fait de souplesse et d’amour.

 

Pour en savoir plus :

Instagram -> Mindful_selfcompassion_diet

Site -> alexandrapalao.com

 

Propos recueillis par Aubry François