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Tu n’es plus mon ami.e…

Catégorie(s) : Non classé, À la une, À découvrir, Psychologie, Développement personnel, Art de vivre

Sur Facebook, un simple clic permet de rayer tout individu de notre liste d’amis. Mais dans la vraie vie aussi, il arrive que l’on veuille “désamifier” certaines personnes pour lesquelles on ne ressent plus d’attachement.

Il y a un moment, j’ai vu circuler sur Facebook un de ces aphorismes dont la toile raffole : « The more I find myself, the more people I lose » – plus je me trouve, plus je perds de personnes. Quelqu’un y avait réagi en disant : « Mais de nouvelles personnes arrivent aussi dans votre vie. »
C’est vrai. Nous perdons des amis avec lesquels nous n’avons plus de contact et nous nous en faisons de nouveaux – c’est aussi simple que cela. Selon certains psychologues, nous aurions en moyenne un ou deux meilleurs amis et cinq très bons amis. Une autre étude pose même que chaque personne n’a en réalité que trois contacts intimes. Tout dépend de l’âge : plus on est jeune, plus on a d’amis. Nombre d’entre eux quittent notre vie lorsque nous commençons à construire une famille. Tant les hommes que les femmes perdent alors en moyenne la moitié de leurs amis.
C’est logique : nous avons nettement moins d’énergie à consacrer au monde extérieur – les personnes de notre foyer accaparent la majeure partie de notre temps et de notre attention. Les contacts s’effritent et finissent par disparaître. Mais ce va-et-vient ne se déroule pas toujours aussi naturellement, et il peut arriver que certaines amitiés nous pèsent. Comment y mettre un terme, et quand ? Comment savoir que quelqu’un ne nous convient plus ? Et comment s’en défaire sans le blesser inutilement ?

Une autre voie
Selon Eckhart Tolle, les rencontres négatives n’existent pas. Elles peuvent être un test, une épreuve nécessaire pour avancer sur le plan spirituel, ou encore une manière d’accomplir un approfondissement personnel, car vous comprenez que vous ne souhaitez pas ou plus être comme cela. À l’inverse, il se peut également que vous soyez nécessaire à ces autres personnes, pour leur apporter une certaine lumière et une prise de conscience. Eckhart Tolle parlait certes ici des confrontations avec des personnes ennemies ou irritantes, et non des amitiés. Mais le même raisonnement s’applique aux relations dites “amicales” que vous considérez comme pénibles, qui commencent à vous étouffer. Si vous considérez votre entourage comme votre reflet, n’avez-vous pas intérêt à vous séparer de cet ami qui ne cesse de vous tourmenter ?
N’est-il pas égoïste de rompre avec cet ami qui n’arrête pas de se plaindre de tout ? Et comment réagira votre cercle d’amis lorsque vous ne participerez plus aux tournées des bars, aux marathons de shopping et autres séances de commérages ? Si vous changez, les personnes autour de vous ne vous emboîteront pas automatiquement le pas. Barry Long raconte dans son livre Stillness is the way (Le silence est la voie, non traduit en français) l’histoire d’une personne ayant commencé à méditer, au grand dam de ses amis. « Ils trouvent que j’ai changé, et que je suis moins intéressant qu’avant. Cela me préoccupe. » Oui, répond Barry Long, c’est le prix à payer lorsque l’on devient soi-même. « En devenant plus profond, votre personnalité évolue. Vous n’êtes plus tenu de vous mesurer aux autres et la superficialité ne vous procure plus de plaisir. Les autres ne vous trouvent dès lors plus très intéressant. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Il y aura toujours quelqu’un pour apprécier la personne que vous êtes devenue. » Peut-être n’avez-vous plus votre place parmi ces personnes et d’autres gens vous attendent-ils ailleurs, avec lesquels vous aurez bien plus à partager.

Reconnaissance et confirmation
Parfois, il est aussi tout simplement plus sain pour votre propre développement de vous détacher. Vos amis vous influencent. Jim Rohn, coach américain en développement personnel, l’a formulé ainsi lors d’un exposé resté célèbre : « Vous êtes la moyenne des cinq personnes avec lesquelles vous passez le plus de temps. » Ou, formulé différemment : dis-moi qui sont tes amis et je te dirai qui tu es. Si votre entourage aime jaser, vous le ferez également, et si vos amies raffolent de gâteaux à la crème, il ne sera pas simple de passer pour une rabat-joie en déclinant une dégustation. Une amie qui vous déballe chaque semaine la litanie de ses déboires et autres difficultés aura tendance à jeter un voile gris sur votre propre vie. Que vaut réellement une amitié où vous n’êtes le bienvenu qu’en vous travestissant ? Ou dans laquelle vous êtes tenu de prêter l’épaule sans jamais pouvoir demander de l’aide à votre tour ? Ces paroles du blogueur américain Nate Steere sont certes crues, mais elles vous aideront peut-être à sauter le pas : « À force de vous laisser utiliser comme une béquille, vous finissez par sentir les aisselles. » Selon une étude américaine, l’amitié est avant tout une question de reconnaissance et de confirmation de sa propre identité. Nos amis nous rendent heureux lorsqu’ils nous apprécient pour ce que nous sommes et lorsqu’ils nous soutiennent et nous encouragent dans notre développement. Mais la question peut également être retournée : est-il vraiment bénéfique pour cette amie cloîtrée dans son rôle de victime de pouvoir compter à tout moment sur votre oreille attentive pour épancher ses complaintes ? Ne lui rendriez-vous pas plutôt service en mettant vos limites ? Vos compagnons de virée ont-ils quoi que ce soit à gagner à ce que vous confirmiez par votre présence le fait qu’il s’agit d’un passe-temps amusant ? Ou ne serait-il pas éclairant pour eux que vous vous en distanciez clairement ?
Une loi spirituelle veut que le monde extérieur soit notre propre reflet. En d’autres termes, si vous êtes entouré de personnes qui pompent votre énergie, vous tirent vers le bas et vous causent des maux de ventre, il est temps de vous interroger sur vous-même. Qu’est-ce qui vous a attiré chez ces personnes lorsque vous les avez rencontrées pour la première fois ?
Auquel de vos besoins ce lien répond-il ? Peut-être avez-vous éprouvé la nécessité d’être utile, d’être important. Ne pouvez-vous pas le ressentir sans vous brader ? Ou peut-être vous sentiez-vous mieux dans votre propre vie en vous confrontant de temps en temps à quelqu’un qui a encore plus de soucis que vous. Vous aviez peut-être besoin de réconfort et étiez tellement seul que vous avez accepté la première compagnie venue. Ou votre amour-propre était tellement peu solide que vous vous êtes laissé utiliser. Aujourd’hui, toutefois, vous nourrissez suffisamment d’amour envers votre propre personne pour vous séparer de ces “amis”.

Comment s’y prendre ?
Certaines amitiés devenues indésirables périclitent en silence, comme les feuilles qui tombent de l’arbre en automne. Vous ne répondez plus aux coups de fil, vous ne donnez plus suite aux invitations, et l’autre finit tôt ou tard par comprendre le message et par vous laisser tranquille. Si vous vous croisez, vous vous adressez un signe cordial de la tête ou de la main depuis l’autre bout de la salle. Ce n’est pas la méthode la plus courageuse, mais cela fonctionne. Déclarer, face à l’autre, que vous rompez tout lien demande légèrement plus de bravoure et de tact. L’idée n’est certainement pas de créer une dispute. Un conflit vous emprisonne alors que vous souhaitez justement vous détacher, vous libérer.
Le secret d’une bonne discussion de séparation repose sur trois principes-clés : soyez présent, soyez vous-même et soyez clair. Soyez présent, “enraciné”, pour être entièrement dans le moment présent. Sentez vos pieds sur le sol, vos fesses sur la chaise. Sentez votre corps et soyez conscient de vos sentiments, de votre nœud à l’estomac, de votre boule dans la gorge, de vos muscles tendus. Cela vous aidera à garder le cap lors de la conversation et à ne pas vous laisser distraire ou déconcerter.
Tenez-vous-en à vos sentiments – ne jugez pas l’autre. Au lieu de lui dire ce qu’il ou elle a fait de mal à vos yeux, expliquez ce à quoi vous aspirez pour vous-même. Comment vous souhaitez vivre, comment vous voulez être. Restez le plus positif possible. « Je veux pouvoir me réveiller en forme le week-end pour faire du sport. » « Je souhaite me consacrer à ma paix intérieure. » « J’ai beaucoup avancé ces derniers temps au niveau de mon développement personnel et ragoter sur les autres personnes ne m’apporte plus de satisfaction. »
Le plus dur est de ne pas verser dans le jugement. Chacun est libre de mener la vie qu’il souhaite. Les autres ont visiblement besoin de faire ce qu’ils font, pour suivre leur propre processus, pour tirer leurs propres leçons. Comme Swami Vivekananda disait : « Votre voie est bonne pour vous, mais pas pour moi. Ma voie est bonne pour moi, mais pas pour vous. » En d’autres termes, ils ne doivent pas changer ou accélérer leur développement pour vous faire plaisir. Vous poursuivez votre voie sans eux et leur souhaitez le meilleur sur la leur. Soyez également clair quant à vos intentions : n’attendez pas d’excuses, de compliments ou de propositions de paix et n’y répondez pas. Il se peut naturellement que quelqu’un soit sincèrement intéressé par ce que vous dites et manifeste le désir de vous accompagner sur votre voie. Si vous n’avez pas totalement confiance, n’hésitez pas à dire que vous avez besoin de temps et que dès que vous serez prêt vous le lui ferez savoir. Mais n’excluez pas la possibilité – qui sait ? – que votre acte de courage donne le jour à une nouvelle sorte d’amitié, plus profonde, plus authentique et plus sage.

Photo Jens Lelie/Unsplash