Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Partez à la découverte de votre singularité dans le Bazar du zèbre à pois de Raphaëlle Giordano
Nous oublions souvent qu’en chacun de nous un être brûle de pouvoir offrir au monde ce qui le rend unique. Avec une grande “audacité”, néologisme de son cru qui décrit le courage de persévérer sur des voies inexplorées, Raphaëlle Giordano nous présente son nouveau roman, Le Bazar du zèbre à pois (Plon), une histoire sensationnelle et pleine d’émotions qui nous encourage à rejoindre notre propre océan de créativité et à en manifester les potentiels, dans un équilibre entre cerveau droit et cerveau gauche.
À quoi fait référence le titre de votre roman ?
Le Bazar du zèbre à pois est le nom de la boutique qu’ouvre mon personnage principal, Basile. Il ne s’agit pas d’une boutique ordinaire, mais bel et bien d’une boutique “d’un troisième type”, comme il n’en existe pas… Car Basile est un étonnant inventeur, pas un inventeur de concours Lépine, mais un inventeur d’objets provocateurs… d’émotions, de sensations, de réflexions ! Des objets tout sauf utiles qui font du Bazar ce qu’on appelle, dans cette étrange période, une boutique “non essentielle”. Et pourtant. À travers ses inventions, Basile va venir réveiller en nous la part sensible, intuitive et créative. Il nous embarque dans son univers plein d’émotions et de poésie qui redonne à l’ordinaire ce supplément d’âme si précieux, et vient toucher en nous peut-être justement “un essentiel”. Ce roman, à sa manière, fait l’éloge de la “singularité qu’on porte en soi”. C’est une invitation à découvrir ce qui fait de chacun de nous un être unique, et à s’affirmer dans ses talents spécifiques. Quand j’ai cherché un symbole graphique fort pour incarner la notion d’atypisme et de singularité, j’ai d’abord songé au zèbre, déjà incroyable avec ses rayures ! Mais les “pois” renforcent encore le concept. Je me suis demandé comment faire vivre à mon lecteur ce cheminement intérieur pour trouver sa singularité. Alors, je me suis amusée à le mettre dans la peau de mon inventeur, dans la tête d’un explorateur, d’un esprit libre qui ose, invente et entreprend… Basile, ce personnage de zèbre qui s’affirme tel qu’il est et a réussi dans la vie sans rien renier de son originalité, c’est un modèle inspirant, je trouve. Les zèbres, c’est ainsi qu’on appelle aujourd’hui les personnes dites “à haut potentiel”, des personnalités souvent perçues comme singulières, avec une forme de surdouance et de sensibilité exacerbée. Pas forcément plus intelligentes, mais plutôt intelligentes “autrement”. Nous vivons dans un système qui privilégie encore beaucoup la normo-pensée et les capacités du cerveau gauche : réflexion, pragmatisme, esprit rationnel, performance, parce que c’est rassurant et quantifiable. Le quotient intellectuel est encore mis sur un piédestal. Pourtant, le quotient émotionnel témoigne d’une autre forme d’intelligence tout aussi précieuse, si ce n’est plus. Je me plais à dire que Basile est un ambidextre du cerveau. Lui a réussi à “décloisonner son esprit” et sait utiliser les pleines capacités de ses deux hémisphères. Ce qui lui a permis de déployer d’incroyables potentialités et de se donner “une autre dimension d’être”.
Y a-t-il un fossé entre les personnes considérées comme “normales” et les autres, ces fameux zèbres ?
Pour moi, il n’y a pas de fossé. Nous avons tous deux cerveaux à disposition, donc, a priori, tous la possibilité d’en exploiter les potentialités. Seulement, dans la pratique, on retrouve d’un côté les personnes qui, par nature, intuitivement, ont appris à se servir du potentiel de leur cerveau droit, et de l’autre des personnes qui ont ces capacités mais n’en ont pas toujours conscience ou n’ont pas appris à les utiliser. Quand nous étions petits, nous avions tous l’incroyable énergie de “l’enfant libre” qui explore le monde sans se mettre de freins ou de limites. L’enfant libre, ce sont vraiment les caractéristiques fondamentales de l’esprit créatif : beaucoup de spontanéité, une créativité foisonnante, et surtout une ouverture d’esprit non limitée par un esprit critique envahissant. En grandissant, nous passons ensuite tous par un système éducatif qui, en posant ses règles et ses normes, nous fait parfois perdre contact avec cette partie de nous. L’adulte normatif a repris le dessus et avec lui beaucoup d’injonctions, de croyances limitatives, sur ce qu’il faut, ce qui doit être fait… Bien sûr que le cadre et les normes sont importants pour structurer. C’est quand ils nous enferment que cela pose question. L’esprit créatif, c’est apprendre à sortir du cadre pour mieux y revenir, le temps de trouver des idées et des solutions en élargissant ses points de vue.
Quelles sont les conditions nécessaires pour permettre à ce quelque chose qui nous rend unique d’éclore ?
Pour moi, chacun de nous est un être singulier et il est tout à fait passionnant de se mettre en chemin pour trouver sa véritable essence. C’est comme s’il s’agissait de retrouver son ADN, ce qui caractérise notre être profond. Je me suis amusée à me servir du sigle ADN comme moyen mnémotechnique. A : s’Affirmer dans sa singularité. D : Développer ses talents et compétences spécifiques. N : Nourrir sa confiance en soi, en acceptant sa singularité qui est un mélange de forces et de vulnérabilité. J’ai la conviction qu’en faisant ce travail sur soi, cela va permettre de mettre à jour qui on est vraiment puis de chercher cet endroit “bon pour soi”, où l’on aura le sentiment d’être dans la bonne activité, le bon environnement, entouré des bonnes personnes. C’est en réunissant toutes ces conditions que l’on va pouvoir donner le meilleur de soi. Mieux on se connaît, mieux on connaît sa manière de fonctionner, ce qui nous ressource, ce qui nous motive ou au contraire ce qui plombe nos énergies, plus on se donnera toutes les chances de réussir à s’épanouir dans ses projets. “Trouver sa place” comme on dit, cela implique bien sûr de se mettre en mouvement car les réponses ne tombent pas du ciel. Mais le jeu en vaut tellement la chandelle !
Comment définiriez-vous l’“audacité”, concept important dans votre roman ?
Vous connaissez mon amour pour l’invention de mots concepts ! L’audacité est le petit dernier ! Concept clé de voûte de mon roman Le Bazar du zèbre à pois. J’y prône la notion d’audace. L’audace, c’est un élan extraordinaire, c’est cette énergie qui vous porte et vous pousse à oser. Mais elle n’est pourtant pas tout à fait suffisante si elle s’arrête là. C’est pourquoi j’ai ressenti le besoin d’y rajouter la notion de ténacité. Car sans persévérance, je crois que beaucoup de projets n’iraient pas au bout. Essayer, réessayer, recommencer, ne jamais baisser les bras. C’est cela l’audacité. Ce n’est pas une méthode, c’est une énergie et une philosophie. La philosophie du zèbre ! L’audacité, c’est la pensée hors du cadre, oser changer de point de vue, sortir du conformisme, des sentiers battus. Bien sûr, cela suppose de quitter sa zone de confort, alors précisément ce n’est pas toujours très confortable au départ. L’idée est donc de le faire progressivement sans pour autant tomber dans la zone de panique : un changement trop brutal et radical serait un sabotage ! Certes, il est important de ne pas avoir froid aux yeux, mais le courage d’oser est différent d’une intrépidité irraisonnée qui conduirait à l’échec. Pour moi, l’important dans l’audacité, c’est d’envisager deux phases : celle de l’exploration où on laisse librement toutes les idées émerger – cela correspond, en technique de créativité, à la divergence – et une seconde phase où l’on sélectionne les idées selon des critères plus rationnels, où on pourra étudier la faisabilité du projet et mettre en place des stratégies de moyens.
Votre roman évoque également notre rapport avec les autres, un peu mis à mal par la crise sanitaire actuelle. Comment retrouver, selon vous, ce lien, malgré une année qui nous a séparés ?
Le contexte, depuis plusieurs mois, aura été très pénible et compliqué. Il aura plutôt poussé au repli sur soi et pas tellement à sortir de sa zone de confort, et pourtant… Face à cette forme d’adversité, nous avons deux choix de postures : soit rester dans l’énergie de la peur et nous recroqueviller, entretenir la morosité et la négativité ; soit choisir la posture, lucide sur les difficultés, mais décidé à agir pour aller dans le meilleur sens. Mon roman prône l’ouverture sous toutes ses formes. Ouverture d’esprit, ouverture des possibles, ouverture des idées et des solutions. Combien d’exemples avons-nous vus, pendant cette crise sanitaire, de personnes qui, grâce à leurs idées et à leur élan positif, ont réussi à générer des projets porteurs de sens et fédérateurs ? Dans ma vie, la créativité a toujours été un levier puissant pour m’en sortir et rebondir. Et dans la créativité, il y a aussi l’idée de cocréation. Tout seul, on ne va pas très loin. Quand on est ensemble, il se passe vraiment des choses. C’est encore une fois une vision du monde : soit on joue la méfiance, la mauvaise compétition, soit on croit en la cocréation, aux rencontres-silex, on joue la carte du “être ensemble”, on compose avec les talents, on fait de nos différences une richesse. Cette année, nous aurons été certes souvent physiquement séparés mais peut-être qu’enfin on s’est tous un peu plus sentis appartenir à la même planète ! Ce qui est dommage, c’est d’attendre les situations de crise pour comprendre qu’on fait partie du même bateau. Pour moi, le meilleur de l’humain se révèle dans la mise en commun des idées, des énergies et de tout ce qui va dans le sens du progrès. Dans le Bazar du zèbre à pois, j’ai imaginé un rôle de protagoniste qui s’est perdu dans un mode de pensée un peu trop étriqué qui l’a coupé du chemin du bonheur. Mais qui finira par comprendre, au contact de mes drôles de zèbres, qu’en décloisonnant les esprits, on recommence à penser et à rêver plus grand ! On a tous la capacité de devenir inventeurs de notre vie. Cette flexibilité, cette ouverture d’esprit, cela passe par de la transmission, de l’éducation. Ce n’est pas encore au programme dans les écoles d’aujourd’hui… peut-être une discussion à ouvrir du côté des ministères ? (rires)
Propos recueillis par Aubry François
Photographie Melania Avanzato