Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Mieux vivre son écoanxiété : le syndrome du kiwi néozélandais
Réchauffement climatique, anéantissement de la biodiversité, multiplication des catastrophes naturelles, effondrement de nos sociétés… Que nous acceptions ces sombres perspectives ou que nous nous réfugions dans le déni, elles jouent forcément sur notre moral au quotidien. Face à ces risques concrets qui pèsent sur notre avenir, soyons actifs. Il existe mille et une actions à entreprendre, grandes et petites, pour nous aider à mieux vivre notre écoanxiété. Et participer à la résolution de nos problèmes. Prenons l’exemple du kiwi néozélandais…
J’aime les kiwis. Dans les salades de fruits, dans les smoothies, dans les tartes ou les crumbles, j’aime les kiwis. Et pourtant, je n’en mange presque jamais. Pourquoi ? Parce que j’ai réalisé il y a quelques années que, la plupart du temps, ils viennent de Nouvelle-Zélande, un pays certes charmant, mais situé… aux antipodes de notre belle Europe. Attention : il ne s’agit pas là de ressortir mon étendard bleu blanc rouge et de militer pour la consommation de produits issus de l’agriculture nationale française au détriment de ceux en provenance de la Nouvelle-Zélande.
Non, pas du tout.
Il s’agit pour moi de bon sens, juste de bon sens.
Le jour où j’ai pris conscience que mes kiwis venaient de si loin, j’ai imaginé leur périple pour arriver jusqu’à mon panier de fruits. Ces petits fruits verts emblématiques de la Nouvelle-Zélande (à ne pas confondre avec l’oiseau qui porte le même nom, et qui vaut aux Néozélandais leur surnom) sont cueillis dans plus de 3000 vergers répartis sur plus de 12 000 hectares, pour la plupart dans la région de Bay Of Plenty, autour de la ville de Te Puke située à l’est de l’île du Nord. Là bas, 4,5 milliards (!!!) de kiwis sont cueillis chaque année pour être majoritairement exportés vers une cinquantaine de pays dans le monde.
Avant d’embarquer vers l’Europe, ces 4,5 milliards de kiwis sont préparés à leur futur exode à travers une opération de préréfrigération, une pratique connue sous le nom de curage, qui, durant deux à trois jours, va diminuer leur température en douceur, sans les abîmer ni en atténuer les vertus nutritives. Ces 4,5 milliards de kiwis seront stockés à bord de cargos réfrigérés (donc à moins de zéro degré), dans lesquels l’intervention quotidienne de quelques produits chimiques complémentaires les aidera à survivre au 88 jours (en moyenne) que durera leur demi-tour du monde sur les océans pour arriver jusqu’à nous. 12 semaines (environ) de convoyage à bord de gigantesques navires dont l’empreinte écologique est, comme nous le savons tous, catastrophique.
Une débauche d’énergie hallucinante que mon amour du kiwi ne peut en aucun cas justifier.
Dans ce contexte, ne pas en consommer n’est ni un acte militant, ni un exploit personnel. Il s’agit simplement de pragmatisme, de décence envers notre environnement. De bon sens. Et savoir l’écouter, de temps en temps, me procure une réelle satisfaction, surtout quand cela me rend actif dans la préservation de notre petite planète.
Depuis, lorsque je croise des kiwis néozélandais sur les étals des supermarchés, je leur offre un petit sourire, à la fois amical et embarrassé, et je passe mon chemin. De temps en temps, trop rarement à mon goût, lorsque les kiwis proviennent de France (5e producteur mondial tout de même) ou d’Italie (2e producteur mondial), je les embarque dans mon panier, et je me régale. Ce qui démontre en passant qu’au-delà d’accords internationaux absurdes, chaque Européen pourrait sans doute manger autant de kiwis qu’il le souhaite sans qu’ils aient à partir parcourir la moitié de la planète. Parce que, ne l’oublions pas, nous sommes maîtres de nos achats. Comme le disait Coluche : « quand on pense qu’il suffirait que les gens arrêtent de les acheter pour que çà ne se vende plus ». Si nous n’achetions plus de kiwis néozélandais, ils ne viendraient plus jusqu’à nous, et ils céderaient leur place à leurs collègues locaux.
Pierre-Yves Touzot
Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com
Photographie : Lesly Juarez / Unsplash