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Libéré… délivré… Ma vie sans télévision…

Catégorie(s) : Art de vivre, Nature, Maison, Santé, À la une, À découvrir, Sagesse & spiritualité, Rituels, Développement personnel, Bien-être

Dans son roman 1984, George Orwell imaginait un monde dans lequel Big Brother espionnait chacun de nos faits et gestes, dans le but de nous contrôler, nous le peuple. La télévision fait encore plus fort : sans même nous regarder, elle nous impose un point de vue sur le monde sans aucune préoccupation réelle pour notre bien-être. Et si, pour aller mieux, il fallait s’en passer ? Pour mieux vivre notre écoanxiété, et mieux vivre tout court.

Subitement, il y a une dizaine d’années, j’ai décidé de me passer de télévision. J’ai démonté l’antenne, enroulé conscieusement le câble, puis j’ai amené le tout à la déchèterie pour être bien sûr de ne pas changer d’avis. J’ai gardé l’écran, pour continuer à voir des films, des documentaires et des séries. Mais j’ai dit adieu au reste.

Quel soulagement, depuis cette révolution !

Premier effet, attendu celui-là : la diminution, en quelques mois, de la fréquence de ces irréfrénables pulsions d’achat qui ne se calmaient qu’après l’acquisition d’objets divers, dont, la plupart du temps, je n’avais pas besoin. Une répercussion logique : 8 minutes de publicité par heure, règle générale imposée par le CSA en France, façonnaient mon cerveau en permanence et depuis longtemps pour faire de moi un consommateur docile. Un phénomène publiquement reconnu par les professionnels concernés depuis que Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, déclara fièrement au début des années 2000, avec un cynisme assumé, je le cite, « ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Et pour ne pas tomber dans le piège de la déformation de l’information, la phrase remise dans son contexte : «Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais soyons réalistes : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or, pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : le divertir, le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible». Avec mes mots : m’endormir pour mieux m’appâter et m’amener à consommer. Et pour éviter toute ambiguïté, ce qui est vrai pour TF1 l’est pour toutes les chaînes qui diffusent de la publicité.

Bonne nouvelle : le sevrage a fonctionné au-delà de mes espérances. Au bout de deux ans, ces crises récurrentes de consumérisme avaient quasiment disparu. Une victoire contre l’oppresseur qui eut pour effet de soulager mon portefeuille, et de moins acheter. Donc, par effet de boule de neige, de diminuer mon empreinte écologique sur mon environnement, puisque quoique l’on achète, cela coûte, en matière première et en énergie. Et dans le marasme actuel dû à nos perspectives d’avenir moribondes, tout est bon à prendre, pour la planète comme pour mon moral.

Ce qui m’amène à un second effet, que je n’avais pas anticipé : mon taux d’angoisse quotidien a encore diminué. Quand j’ai choisi de renoncer totalement aux sirènes du petit écran, cela faisait déjà plusieurs années que j’évitais les grandes messes quotidiennes des journaux de 20 heures et l’abus de chaînes d’information en continu. La biodiversité se meurt, le climat se dérègle, les crises environnementales se multiplient… J’en suis conscient, je n’ai pas besoin qu’on me le rappelle à longueur de journée. Idem pour les guerres, les famines, la misère dans le monde…

Tout cela devenait trop anxiogène.

Après quelques mois sans antenne, j’ai réalisé qu’en réalité, l’ensemble des programmes nuisait à mon équilibre intérieur. Pas seulement les émissions d’informations, qui se nourrissent du négatif bien plus que du positif, de manière affichée ou plus sournoise, mais aussi toutes les autres formes télévisuelles. Les talk shows supposés de divertissement, les thématiques des fictions, les jeux plus ou moins idiots toujours basés sur l’appât du gain, la victoire sur l’autre, sans  oublier les diffusions de manifestations sportives, toujours plus sponsorisées, qui exacerbent l’esprit de compétition à outrance et l’envie de posséder toujours davantage. Autant de propositions différentes qui, je le constatais, créaient aussi chez moi agitation, frustration et angoisse. Pour lutter contre cette forme moderne d’obscurantisme, je dois avoir le moral, conserver mon énergie, pour la consacrer à améliorer ce qu’il peut encore l’être. En résumé, j’ai besoin d’espoir, certainement pas de déprimer en ressassant en boucle le risque de fin du monde, ni de me morfondre dans mon canapé devant ma télévision.

En passant, ingurgiter trop de vidéos sur internet provoque les mêmes symptômes. La liberté du web des premières années a été depuis longtemps corrompue par la réalité de notre mode de vie consumériste. La publicité est omniprésente, de plus en plus, sur les réseaux sociaux, dans chaque pop-up qui envahit mon écran sur la plupart des sites mercantiles. Sans oublier ma boite mail, à travers l’hameçonnage (phishing, dans la langue de Shakespeare), les tentatives d’arnaque ou encore les relances commerciales incessantes. J’ai beau me défendre, installer des logiciels anti-publicitaires, balancer automatiquement mes spams dans la poubelle des indésirables, les parasites passent quand même.

Depuis que j’ai arrêté la télévision, et que je contrôle (un peu, pas assez) ma consommation d’internet, je dors mieux, je suis moins angoissé et j’ai davantage d’entrain dans tout ce que j’entreprends. C’est déjà énorme.

 

Pierre-Yves Touzot

 

Pierre-Yves Touzot est réalisateur, romancier et blogueur. Dans ses romans, il invite ses lecteurs à s’interroger sur leur rapport à l’environnement, à se reconnecter à la Nature, une étape indispensable pour lui vers la résolution de nos problèmes écologiques. Depuis plusieurs années, il construit à travers son blog une médiathèque de romans, d’essais, de bandes dessinées, de films, de documentaires, tous consacrés à cette thématique. Pour en savoir plus : www.ecopoetique.blogspot.com

Il vient de publier Presque libre, coup de cœur de la rédaction Happinez, aux éditions La Trace.

Photo Fuu J/Unsplash