Fondateur, à Paris et en Normandie, des centres Tapovan qui constituent à la fois des espaces de soins, de cures ayurvédiques ainsi qu’une université ouverte, Kiran Vyas est un pionnier de l’Ayurveda en France. Intervenant le 14 septembre prochain lors de l’événement SE GUÉRIR (www.seguerir.fr), au Grand Rex de Paris, aux côtés de 11 autres prestigieux invités, il nous présente cette médecine de tradition indienne qui peut jouer un grand rôle dans la santé globale de notre être.

Happinez : En quoi le regard que pose l’Ayurveda sur l’être humain diffère-t-il de notre vision occidentale ?

Kiran Vyas : Si un patient entre dans le cabinet d’un médecin allopathe, celui-ci va chercher avec raison la maladie dont souffre la personne. Mais selon l’Ayurveda, ce n’est qu’un angle, qu’une perspective.

Le premier point important est donc l’aspect holistique de l’être humain. L’Ayurveda considère que l’Homme fait partie intégrante de l’univers et surtout de la Terre Mère. Le macrocosme qu’est l’univers se retrouve dans le microcosme qu’est l’être humain, et dans chacune de ses cellules. Pour mieux le comprendre, l’Ayurveda nous dit que nous sommes tous faits de 5 éléments et de 5 corps.

Les 5 éléments qui nous composent sont Akasha (l’Éther), Vayu (l’Air), Agni (le Feu), Apas (l’Eau) et Prithvi (la Terre), qui forment aussi les étoiles, les soleils, les astres et les planètes. La planète Terre se trouve donc dans chacun d’entre nous et la seule chose qui nous différencie, c’est la qualité et les proportions de ces 5 éléments en nous. Ce sont ces proportions qui vont nous indiquer notre nature profonde : Vata (prédominance des éléments Air et Éther), Pitta (prédominance des éléments Feu et Eau) et Kapha (prédominance des éléments Terre et Eau).

Les 5 corps qui nous constituent sont : le corps physique (anamayakosha), le corps énergétique (pranamayakosha), le corps mental et intellectuel (manomayakosha), le corps d’intuition et de connaissance directe (vijnanamayakosha) et le for intérieur, le vrai moi, le Soi ou Atman qui est l’image de l’énergie cosmique (anandamayakosha).

L’Ayurveda considère qu’un déséquilibre ou une non-harmonie entre les doshas Vata, Pitta et Kapha ou entre les différents corps, va nous conduire vers le mal-être, le malheur et la maladie.

Le deuxième point est que l’Ayurveda est une philosophie et un art de vivre, mais aussi une médecine. Une médecine pour la guérison, même si, selon l’Ayurveda, guérir ne signifie pas seulement se débarrasser de la maladie. La bonne santé comprend l’épanouissement et le bonheur de l’être tout entier.

Le premier travail de l’Ayurveda sera bien sûr d’essayer de faire disparaître la maladie, mais en évitant au maximum les effets secondaires et en essayant, en même temps, de re-énergiser le corps et l’esprit de la personne.

 

Happinez : Peut-on l’utiliser face à des maladies graves ou s’agit-il uniquement d’une médecine préventive ?

L’Ayurveda est une médecine fantastique en préventif car elle considère que la maladie ne se déclare qu’à la 6ème étape de son processus d’apparition. Nous avons ainsi le temps d’agir pendant les 5 étapes précédentes.

Il y a d’abord le déséquilibre des doshas (Vata, Pitta et Kapha), auquel nous avons tous la possibilité de faire face, jusqu’à un certain seuil, qui, lorsqu’il est dépassé, nous fait entrer dans la 2ème étape de processus, où notre immunité n’arrive plus à combattre efficacement la maladie qui va naître. On commence à se sentir mal dans sa peau, l’enthousiasme nous quitte, nous n’avons plus envie de rien. L’Ayurveda nous dit que si l’on se soigne à ce moment précis, la maladie arrêtera de se développer et l’on regagnera santé, beauté et enthousiasme. Mais ce n’est pas toujours le cas. Nous ne parvenons souvent pas à prendre le temps de nous reposer et nous nous négligeons. C’est d’abord fait de façon consciente, puis cela devient une habitude subconsciente et inconsciente. L’Ayurveda nous demande une introspection, un examen de soi, par nous-même ou par un médecin qualifié qui va nous prescrire l’examen médical approprié avec prise de sang, contrôle de la tension artérielle, des urines et des organes internes.

L’Ayurveda a une action quadruple : Ahara (ou la diététique), Vihara (ou le mode de vie), Manovyapara (ou l’état d’esprit, les pensées qui prédominent dans la tête) et Aoushadhi (ou les médicaments, les traitements). Une fois les germes d’une maladie détectés, le médecin ayurvédique va moins se concentrer sur les symptômes de l’individu qu’étudier ces 4 vecteurs, tout en observant la globalité de la personne et les paramètres qui vont l’affecter. Les doshas conditionnent tout d’abord la réaction de chacun, car si deux personnes ont des symptômes identiques mais une nature profonde différente, les traitements ne seront pas les mêmes. Mais ont aussi leur importance le terrain que l’individu a reçu en héritage de ses parents et grands-parents, le milieu dans lequel il vit, quelle sorte de vie il mène (rurale ou urbaine), le travail qui lui est imposé, s’il doit prendre les transports en commun, s’il ressent du stress, s’il est enfermé dans un bureau sans lumière du jour ni air vivifiant (comme disent les élèves de yoga : sans Prana). L’important pour l’Ayurveda est de trouver les raisons profondes, les racines et les germes de la maladie, car si on ne les soigne pas, ces raisons deviendront des mauvaises herbes qui repousseront et nous ferons retomber malade.

Pour commencer au niveau diététique, le médecin ayurvédique va corriger, contrôler et même faire pratiquer des mini-jeûnes.

Au niveau du mode de vie, repos, marche, pratique du yoga et respirations vont être, petit à petit, introduites dans le quotidien.

L’esprit joue aussi un rôle important. En effet, un mental agité, en état de confusion ou empli de perpétuelles contrariétés conduisent la personne vers la maladie. L’Ayurveda et le yoga vont donc proposer la pratique du yoga Nidra (la relaxation profonde et consciente) et de la méditation pour calmer le mental.

Puis arrive la partie très intéressante des médicaments ayurvédiques. Ils peuvent être soit à base de plantes, de sels minéraux, ou de métaux. On les trouve sous forme de tisanes, de décoctions ou encore de poudres et sont accompagnés de différents types de traitements, de massages et de pratiques de respirations.

Dans sa véritable globalité, cette médecine étudie aussi le thème astral de l’être humain, sa date et lieu de naissance ainsi que les planètes qui s’y trouvaient. L’Ayurveda considère en effet que ce thème peut influencer la personne et son étude est donc nécessaire dans le cas de la recherche d’une véritable guérison.

Enfin, l’Ayurveda avait autrefois une section chirurgie très développée mais depuis plus de 1 000 ans, au fil des colonisations islamiques puis britanniques qui ont interdit l’Ayurveda, elle ne se pratique presque plus.

Nombre de maladies pourraient être soignées par l’Ayurveda si elles étaient prises à temps. Souvent, les personnes ne sollicitent l’Ayurveda qu’après avoir tout essayé. À ce moment-là, elle devient une médecine de soulagement pour diminuer la douleur.

 

Happinez :  Quels sont les grands outils thérapeutiques auxquels fait appel l’Ayurveda ?

Le premier outil est une détoxification au moyen des Panchakarma (les 5 actions de nettoyage). Celles-ci commencent par la phase préparatoire de Purva Karma comprenant l’oléation interne et externe, ainsi que la sudation, qui ont pour objectif de dissoudre les toxines et les ramener vers le système d’élimination. Elles se poursuivent avec Vaman (ou la vomification) qui va équilibrer la nature Kapha, Virechan (ou la purge) qui va équilibrer la nature Pitta, les deux types de Basti (ou lavements à l’huile ou à base de décoctions de plantes) qui vont équilibrer la nature Vata, et pour finir Nasya (ou le traitement par le nez) qui va agir sur le cerveau et les glandes endocrines.

Le deuxième outil comprend quatre vecteurs de guérison, que j’ai déjà décrits ci-dessus : Ahara (la diététique), Vihara (le mode de vie), Manovyapara (l’état d’esprit) et Aoushadhi (les médicaments).

Le troisième outil passe par la contemplation profonde de soi-même afin de trouver les véritables raisons de la maladie, qui sont parfois, selon l’Ayurveda, des consignes ou des changements radicaux à faire dans notre vie. Si nous arrivons à changer le chemin de notre existence, à ce moment là, nous allons nous diriger vers le bonheur.

Mais le plus important, nous dit l’Ayurveda, est de se connaitre. C’est-à-dire se poser la question : Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ? Si nous arrivons à déchiffrer cette énigme, nous nous retrouverons dans l’état d’extase et de santé parfaite.

 

Propos recueillis par Aubry François 

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Pour assister à l’événement SE GUÉRIR, au Grand Rex de Paris : www.//seguerir.fr