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Laurent Huguelit : écoutons ce que Mère Nature veut nous enseigner

Catégorie(s) : Rencontres, Sagesse & spiritualité, Livres, Rituels, Développement personnel, Bien-être, Art de vivre, Nature, Philosophie, À découvrir

Formé aux traditions de différentes cultures aussi bien qu’aux techniques modernes occidentales, le chamane suisse et pratiquant bouddhiste Laurent Huguelit a également fondé L’Outre-Monde, un centre de pratiques chamaniques. Il a publié, en septembre 2019, chez Mama Éditions, le livre Mère, dans lequel il se fait le porte-parole de l’esprit de la forêt amazonienne, qui a un important message à nous transmettre. Il se remémore pour nous quelques-uns de ces enseignements inestimables et nous fait partir de son lien très fort avec le Vivant.

Happinez :  À quel moment de votre vie est né votre amour pour la nature ?

Laurent Huguelit : J’ai passé la plus grande partie de mon enfance à proximité d’une grande forêt et c’est elle qui m’a ouvert les sens. En famille, nous avions une caravane dans un camping situé en moyenne montagne, dans le Jura suisse, et nous y avons séjourné à peu près toutes nos vacances. J’y passais des journées entières en solitaire, à me balader, à m’émerveiller… Enfant, j’étais un naturaliste en herbe, mes livres de chevet étaient des livres sur les animaux, les plantes. J’ai souhaité devenir biologiste, et c’était l’intention au moment de commencer mes études… Et puis, la vie m’a fait bifurquer vers les lettres, la littérature, la philosophie, l’histoire de l’art. Je me souviens d’un travail universitaire sur un tableau de Boticelli, que j’avais intitulé « Interprétation florale du Printemps de Botticelli. » Botanique et art, main dans la main…

Comment expliquez-vous ces actes destructeurs de l’humanité à l’encontre de la nature, ou le déni de certains face à la catastrophe annoncée ? 

Je pense qu’à force de ne développer que des systèmes de croyances religieux ou rationnels qui ne privilégient que le point de vue de l’homme, nous avons oublié, petit à petit, que tout repose sur la nature et que sans elle, même le plus futile de nos gadgets électroniques ne pourrait exister : tout vient de la nature. Et puis, il y a ce qu’explique la forêt dans Mère : tant que nous continuerons à souffrir de nos blessures émotionnelles, qu’elles soient actuelles ou les fruits de l’héritage transgénérationnel, nous ne penserons qu’à « nous-même », et le sort de la planète restera quelque chose d’étranger à nos sens, une abstraction. Nous devons alléger nos cœurs de la lourdeur qu’ils transportent. Et ensuite, nous pourrons vraiment, de tout cœur, nous pencher sur le sort de la Terre-Mère.

De quelle manière êtes-vous entré en contact avec la Forêt ?

Le contact approfondi qui a donné naissance à Mère, j’en ai fait l’expérience lors d’une diète traditionnelle que j’ai vécue au Pérou en 2016, accompagné d’Angéline, ma partenaire qui connaît le chamanisme amazonien bien mieux que moi. Je poursuis une quête de sens depuis maintenant deux décennies, et avec Angéline, nous enseignons le chamanisme au tambour, qui est adapté aux praticiennes et praticiens de nos pays. Le Pérou m’offrait l’occasion rêvée de rencontrer cette forêt mythique, de côtoyer des chamanes du terroir. J’y suis allé sans idée préconçue, sans livre en tête… Et lors de la première cérémonie de notre diète, la forêt m’a demandé d’écrire pour elle : elle avait besoin d’une plume pour se faire entendre.

Si vous deviez résumer le message qu’elle a souhaité adresser à ses enfants les humains, à travers vous, quel serait-il ?

C’est une sagesse universelle que l’on peut voir comme une version forestière du fameux « Connais-toi toi-même ». La forêt nous invite à regarder dans nos cœurs et à mettre en lumière ce qui motive nos actes, nos pensées, nos paroles. Une phrase très forte ouvre le livre : « L’intention est bonne, mais le cœur n’est pas pur ». C’est une poésie zen, un kōan. Le but étant de nous libérer de ce qui nous empêche de créer le paradis sur Terre, ce qui signifie, entre autres choses, respecter le droit d’être du vivant dans sa diversité. Et cesser de subir le brouillard psychique des avidités, rancœurs, jalousies, colères issues de notre histoire personnelle, familiale, culturelle. C’est l’heure du grand nettoyage, pourrait-on dire !

Auriez-vous quelques conseils pour défendre, au quotidien, cette nature plus que jamais en péril ?

Aimer la nature et la considérer dans toute son intelligence, comme ayant une mémoire, une richesse d’enseignements à nous transmettre. S’intéresser aux peuples premiers, les défendre. De nombreuses associations et ONG font un travail magnifique en ce sens. Faire attention à ce que l’on met dans son assiette, à sa manière de consommer, de se déplacer, de considérer les ressources naturelles. Prendre soin d’une plante d’intérieur, faire son jardin en bio, s’intéresser à la permaculture. Méditer, apprendre à se recentrer, à développer ce que la forêt nomme les quatre esprits de la clarté : sensibilité, équanimité, réflexivité, compassion. Demander, dans son cœur, à être accompagné par le vivant, les plantes, les arbres, les animaux, tous les jours. Et une fois ces intentions posées, laisser la magie opérer.

 

Propos recueillis par Aubry François

Portrait © 2019 Angéline Bichon

 

 

© 2019 Angéline Bichon