Le sommeil est un phénomène miraculeux.
Amour, espoir et foi… avec Guy Corneau
Profondément spirituel, habité par l’amour, engagé, Guy Corneau, analyste jungien et écrivain canadien, nous a ouvert, il y a quelques années, les portes de ses réflexions et ressentis sur les multiples dimensions de nous-mêmes qui fondent notre richesse et nos espoirs. Hommage à cet homme si plein d’amour et de douceur… qui nous a quittés en janvier 2017…
Happinez : Qu’est-ce que l’amour pour vous ?
Guy Corneau : L’amour, c’est le grand mouvement d’union qui nous habite dans notre besoin, notre élan de nous unir à quelqu’un, à quelque chose, à l’univers qui nous entoure. Je pense que l’énergie fondamentale de l’univers, c’est l’amour. C’est ce qui amène la cohésion de l’univers, la cohésion des êtres, ce qui crée des duos amoureux, des amitiés, ce qui fait que les gens sont attirés les uns par les autres. L’amour est lié à la création, à la joie ; les êtres humains, au fond, sont heureux quand ils ressentent des impressions d’unité profonde, par exemple quand nous nous sentons unis avec nos amis pendant un repas, ou unis avec notre amoureux ou notre amoureuse, ou même avec un paysage… Toutes ces expériences d’union sont très satisfaisantes pour l’être humain. Et pour moi, elles sont de l’ordre de l’amour. Notre élan le plus profond, c’est notre élan amoureux, c’est cette pulsion d’union.
Dans quoi avez-vous la foi ?
J’ai une pratique spirituelle importante. Ma foi est plus dans la somme de l’intelligence, de la conscience et de la connaissance universelle, mais je n’ai pas de croyance religieuse particulière. Je suis né dans un monde chrétien, mais je l’ai trouvé trop étroit pour moi. La spiritualité permet d’être en relation avec le monde, de savourer des états d’union intérieure avec tout ce qui nous entoure, autant avec notre univers qu’avec les plans de conscience et les plans plus subtils. La spiritualité, c’est cette aventure-là, de l’individu vers son universalité. Au fond, on est autant universel qu’individuel. Ce paradoxe d’être à la fois un et le tout m’intéresse beaucoup. Les bouddhistes le disent également : on est à la fois un et deux. La vérité fondamentale est qu’il faut accepter le paradoxe. Jung en parle également : entre le Moi et le Soi, notre vie est basée sur un paradoxe et il faut l’accepter. Notre Moi doit trouver sa voie vers le Soi. La réalisation du Soi, pour Jung, est une sensation profonde d’unité avec les éléments qui nous entourent. C’est cette quête de sensation d’union et d’unité profonde qui m’intéresse. C’est une aventure spirituelle. Nous ne sommes pas seulement des êtres physiques. Comme le dit la physique quantique, nous sommes à la fois des substances, des particules et des ondes. Pas uniquement des corps physiques, mais aussi des corps plus subtils, mentaux, émotionnels. Nous sommes habitués à penser les émotions et les pensées à l’intérieur de nous, alors qu’il est beaucoup plus intéressant de les penser comme des enveloppes, qu’on ne voit pas, mais qu’on peut ressentir. Pour moi, la spiritualité, c’est s’ouvrir à d’autres dimensions de soi-même.
Dans quoi portez-vous votre espoir ?
J’ai toujours un petit peu de crainte par rapport à l’espoir qui, dans le fond, est une sorte d’attente vaine. On remet tout à plus tard. Maintenant, si on parle dans un sens plus profond, je pense être quelqu’un de plutôt optimiste. Les êtres humains ont beaucoup de ressources créatrices. Nous vivons un temps où il y a tant de bouleversements, un effondrement tellement profond des valeurs que ça va donner la chance à des choses nouvelles de venir au monde. Alors, dans ce sens-là, j’ai de l’espoir. Je me dis que la déconstruction à laquelle on assiste, les guerres, les horreurs vont nous permettre de nous réveiller comme il faut et de dire « nous allons faire un monde qui nous ressemble, qui vaut la peine de s’appeler un “monde humain” ou “humanité” ». C’est mon espoir à moi. J’ai hâte que les conditions du monde changent, et j’œuvre pour qu’elles changent. La seule façon de réagir, c’est d’agir avec notre création, de nous engager, de militer pour les causes qui nous semblent justes. J’ai plus foi en la création, en l’engagement, en l’action. C’est important, ça nous sort de l’impuissance. Aucune action n’est parfaite, mais cela permet de contribuer à un monde meilleur. L’indignation est importante parce qu’elle nous renseigne sur ce qui n’est pas juste, mais ensuite il faut proposer des choses qui le sont.
Propos recueillis par Élodie Plassat et Nathalie Cohen Photographie Tous droits réservés