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Yasmine Liénard : Oser la tendresse

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Être tendre, c’est accueillir l’autre à bras ouverts, mais aussi les événements de la vie.

À l’évocation de la tendresse, une image concrète me vient à l’esprit, celle de la guimauve. Parce que l’on peut y enfoncer ses doigts sans qu’elle résiste, la guimauve, tout comme une balle antistress, accueille tous nos gestes et pressions. Elle n’est pourtant pas dénuée d’existence puisqu’on peut ressentir sa consistance au toucher. On peut la pétrir sans l’abîmer.

Ainsi cette métaphore me semble bien adaptée pour décrire la qualité de tendresse d’un cœur humain, qualité que nous avons tous et que nous pouvons cultiver. Être tendre, c’est accueillir l’autre à bras ouverts, mais aussi les événements de la vie, sans résister afin de se laisser imprégner par le cours des choses. Mais c’est aussi exister pleinement et offrir sa propre consistance sans se laisser altérer. Devenir “La maison d’hôte” dont parle Rûmî dans son poème*.

Il est très difficile d’être tendre car nous cherchons plutôt à nous protéger.
Nos peurs souvent imaginaires nous ferment à cette qualité d’ouverture et nous incitent à penser, à tort, que nous allons perdre quelque chose de nous-mêmes. La tendresse peut être ainsi reléguée au rayon des sentiments mièvres, comme les chansons qu’on qualifie d’ailleurs de “guimauve”. Le risque est de nous assécher et de devenir une forteresse impénétrable, dur envers les autres et envers soi.

Pour retrouver en nous cette qualité, nous pouvons accueillir notre monde intérieur : peurs, maladresses, solitude, sur un nuage affectueux pour que cela fasse partie de notre communauté d’expériences. Thich Nhat Hanh, ce moine engagé dans la paix, parle si bien de cette tendresse : « Embrassez tendrement votre douleur », suggère-t-il et prenez-la comme un bébé dans vos bras. Fabrice Midal, philosophe bouddhiste a, quant à lui, publié un livre dont le titre La Tendresse du monde : L’art d’être vulnérable, pose la question de la tendresse comme préalable à notre authenticité, notre joie réelle et notre liberté. En traversant nos émotions, sans les considérer comme des obstacles mais comme des indices sur notre monde intérieur, nous apprenons à aimer notre humanité par-delà notre masque social, et à déployer notre vraie nature. Nous pouvons alors, sans nous abîmer, ni abîmer les autres, aller à la rencontre du monde.

© Photographie : Laure Bonnal

Tribune extrait de Happinez n°2 p.41